A Marseille, le bal des egos a commencé et dans les écuries politiques, ça piétine et ça piaffe. Le discours le plus partagé est «Ralliez-vous à mon panache blanc et nous travaillerons ensemble ». A quoi, pour quoi, pour qui ? Mystère. Et si les constatations sur la situation marseillaise se recoupent de l’un à l’autre, il ne s’en dégage aucun diagnostic utile car on peine à pousser l’analyse au-delà des lieux communs.
Et dans tout cela, où sont les Marseillaises et les Marseillais ? Ils sont actifs, réactifs, courageux! Le travail accompli par les collectifs et associations qui œuvrent et proposent nouvelles idées, solutions et espoirs à nos concitoyens dans tous les domaines, environnement, culture, éducation, emploi est d’autant plus remarquable qu’il dessine souvent en creux l’indigence du travail de l’équipe municipale en responsabilité. Pour preuve le travail accompli par la société civile sur la Charte du Logement, notamment par le collectif du 5 novembre, charte qui vient d’être votée à l’unanimité́ par le conseil municipal du 17 juin 2019. A tous les niveaux, leur travail mérite d’être intégré dans la réflexion et le travail des élus locaux.
A quelles questions, à quelles équations, nos politiques nationaux veulent-ils donc répondre? Prendre le fief marseillais ou redonner espoir et visibilité́ à une ville déchirée, la plus pauvre de France? Veut-on chausser les pantoufles du maire sortant ou retisser un tissu social cohérent et solidaire dont la France bénéficiera aussi?
A Marseille, la droite n’a jamais été un rempart contre le RN et dans le 8e arrondissement, fief du LR, le RN arrive aux dernières élections européennes, en seconde position derrière la LREM alors que le LR s’effondre!
[pullquote] Le parapluie du pacte républicain anti RN, seuls les héritiers de M. Gaudin peuvent l’imaginer[/pullquote] Penser qu’on s’achemine vers une alliance LREM-LR pour garder la ville à droite en sortant le parapluie du pacte républicain anti RN, seuls les héritiers de M. Gaudin peuvent l’imaginer mais la situation continuerait alors de s’enkyster, de s’aggraver, et Marseille, la Métropole et la France et surtout les Marseillais et les Français ne bénéficieraient pas d’un terreau fait de personnalités prêtes à relever le défi dans une configuration inédite et à coup sûr gagnante pour la ville. Il ne serait pas acceptable non plus que l’enterrement des dossiers délicats pour la majorité́ sortante, fasse partie des négociations entre les deux partis.
L’implication sur le terrain marseillais depuis les tragiques évènements de Novembre 2018, des membres du gouvernement dans la gestion du traitement de la crise et des morts de la rue d’Aubagne, et la rencontre récente organisée entre les habitants de la cité Félix Pyat et l’épouse du Président aura permis sans aucun doute de faire toucher du doigt l’importance du travail à accomplir au Président de la République. Comment en effet, lutter contre le RN, sans remettre au centre de notre cité, les quartiers pauvres, sans donner à cette population discriminée les outils pour sortir de la précarité et retrouver des raisons d’espérer?
Comme beaucoup de mes concitoyens j’appelle de mes vœux, une municipalité apaisante, ouverte, proposant pour chaque secteur de Marseille des femmes et des hommes provenant d’horizons multiples qui auront envie de travailler ensemble pour créer une nouvelle alchimie gagnante et surtout porteuse de projets pour la ville.
Il faut que 2020 soit un Big Bang pour Marseille. [pullquote] Marseille en matière de gouvernance municipale, a pris au moins vingt ans de retard sur Lyon, Paris, Lille ou Bordeaux [/pullquote] Il faut en finir avec les demi-mesures, les à peu près. Marseille en matière de gouvernance municipale, a pris au moins vingt ans de retard sur Lyon, Paris, Lille ou Bordeaux. Seul un plan d’urgence dont les principaux axes pourraient s’articuler autour d’une seule priorité : permettre au Nord et à l’Est de la ville de rattraper les autres quartiers de la ville, est de nature à débloquer la situation. Ce sera l’occasion de créer les conditions d’un développement harmonieux pour Marseille et mettre en place les outils indispensables d’une démocratie active faisant appel à l’immense intelligence collective de notre ville.
Pour y parvenir, il faudra accepter de regarder des problèmes fondamentaux de la ville : fracture nord sud, inégalités, pauvreté́, développement économique qui crée peu d’emplois pour les Marseillais, culture qui ne couvre qu’une infime partie de la population, écoles sinistrées, pollutions en tous genres, mobilités indigentes et la liste n’est pas exhaustive! Il faudra savoir les intégrer comme fils conducteur des différents chantiers, car comment imaginer réussir cette révolution de la gestion municipale sans par exemple l’inscrire dans un véritable schéma de développement durable et écologique?
Pour partir d’un bon pied, un audit financier et sectoriel rigoureux et approfondi dont les résultats seront rendus publics et intégrés dans le travail municipal, s’impose. La situation financière de la ville est dramatique et la fenêtre d’opportunité étroite. Pour l’instant on se contente d’émettre des vœux pieux de rassemblement mais on érige en réalité des forteresses dogmatiques réduisant à néant toute intention d’ouverture. L’équipe sortante ne nous laisse pas un héritage mais une succession qu’il faudra assumer.
[pullquote] Arrêter de croire à la baguette magique du candidat providentiel.[/pullquote] Pour faire vivre un projet neuf, nous avons besoin de femmes et d’hommes convaincus de la nécessité de créer du commun et d’envisager une gouvernance commune. C’est autour de cet état d’urgence déclaré que j’appelle à un rassemblement. Il faut changer de logiciel et de braquet c’est à dire arrêter de croire à la baguette magique du candidat providentiel. C’est d’une équipe dont on a besoin, soudée, respectueuse et ambitieuse portée par l’intérêt collectif et l’éthique indispensable à l’exercice.
Depuis mon élection en 2014, j’ai rencontré et échangé avec toutes les catégories sociales et économiques de mon secteur, discuté avec des acteurs de la Métropole, défendu des dossiers au niveau marseillais et métropolitain, par mon métier, médecin à l’hôpital Nord, dans une des parties les plus pauvres de la ville, j’ai complété et approfondi ma connaissance de cette ville, complexe, multiple, difficile, à apprivoiser, mais passionnante.
Elle nous impose d’être imaginatifs notamment pour créer de l’emploi qui aille aux Marseillais, pour rompre l’isolement qui accable nos familles monoparentales, pour réduire les pollutions qui assaillent Marseille, rendre plus fluide des mobilités et répondre aux exigences d’une vie scolaire et péri scolaire harmonieuse.
[pullquote] Je sais qu’il est temps de créer une alchimie humaniste au- delà des partis, sur la base d’un contrat clair pour offrir un avenir meilleur à Marseille[/pullquote] Mon ADN est résolument à gauche, mais je sais qu’il est temps de créer une alchimie humaniste au- delà des partis, sur la base d’un contrat clair pour offrir un avenir meilleur à Marseille et aux Marseillais. Cette alchimie n’est possible que sur des priorités programmatiques qu’il est urgent de définir. C’est sur des priorités que nous pourrons nous retrouver.
Il faudra savoir résister aux Fourches Caudines et aux diktats des partis politiques pour pouvoir créer les conditions d’une renaissance à Marseille.
Nous devons renoncer au bricolage, au saupoudrage, au clientélisme, pour nous recentrer sur les enjeux essentiels et structurants pour notre ville. C’est ainsi que nous empêcherons le RN de continuer à prospérer et la ville de se fracturer.
C’est la seule façon de rendre à Marseille son lustre et de l’armer positivement pour affronter les défis des décennies à venir.
Annie Levy-Mozziconacci
Médecin Hospitalo-Universitaire
Conseillère municipale et métropolitaine Marseille