« Qu’est ce qu’il fait. Il se fait désirer. Il est déjà président, moi je vous le dit ». Un petit sourire, les mains dans les poches dans son bleu de travail, cet habitant nourrit à la fois impatience et curiosité. Celui dont il parle ce matin-là, c’est d’Alain Juppé. Le candidat à la primaire de la droite et du centre était attendu dans ce quartier de Marseille. Une visite matinale de quelques heures à la Busserine, quand notre homme à la combinaison, lui, fréquente les lieux depuis sa naissance. Il y vit. Il connaît le quartier comme sa poche. En attendant l’arrivée du maire de Bordeaux, il nous livre un peu de son quotidien, mais à ce stade de la discussion, refuse de nous donner une identité. « Je suis né ici, moi, vous savez. Ce n’est pas vous qui restez dans le quartier après. Si vous parlez… », lâche-t-il, calmement. L’omerta. Personne ne souffle mot, et pourtant : « Vous avez vu le film « Chouf » ? Bien ici on les voit tous les jours. Vous voyez là, poursuit-il en montrant une parcelle de terrain en friche. C’est là qu’a eu lieu le dernier règlement de compte ». Et lorsqu’on demande quelle solution il envisagerait, il répond sans sourciller : « Faire comme dans le sud de la ville, il faut plus de mixité. Mélanger les gens », confie Farid, qui a consenti à nous donner un prénom. Le bon ? Nous ne le saurons jamais. Mais ce quotidien, il n’est pas le seul à le décrire.
« Je ne veux pas qu’il y ait en France des zones de non-droits »
Au milieu de ces barres d’immeubles et du chantier de rénovation urbaine, une grosse berline s’arrête. A peine le pied posé sur le bitume, les journalistes se ruent, comme un seul homme sur le candidat Juppé. « C’est du miel », sourit Christian, en regardant la scène de loin. Flashs, micros, caméras… les questions fusent. Quelques habitants jugent de loin ce cirque médiatique. Christian, lui, semble partagé entre espoirs et désillusions. Educateur de rue, seize ans déjà, il estime qu’Alain Juppé est un candidat « un peu plus modéré que les autres », mais le mal-être des habitants est profond. « Ils se sentent abandonnés, il faut créer des emplois, de la formation… Ils ont de la colère mais de la colère saine ». Un message d’espérance, c’est peut-être ce qu’est venu porter Alain Juppé. Certains comme Hayat veulent croire à ce « souffle d’espoir ». Ni de gauche, ni de droite, déçue des gouvernements successifs, « Juppé, pourquoi pas » dit-elle.
« France, ton café fout le camp »
Après quelques poignées de mains aux commerçants, c’est dans le commissariat de secteur que le favori des sondages a fait une halte. Apporter son soutien aux forces de l’ordre en pleine tourmente était pour lui une nécessité. Il y a réaffirmé sa volonté de leur donner de meilleurs moyens pour se défendre, d’augmenter les effectifs (10000 policiers supplémentaires), soulignant également l’importance de se pencher sur les conditions de la légitime défense. « Je ne veux pas qu’il y ait en France des zones de non-droits », insiste celui qui prétend à la présidence de la République. Ici, ce n’est pas une zone de non-droit mais il y a des difficultés ». Et cette femme au visage tuméfié dans les locaux de la police, vient le lui rappeler.
Les maux sont lourds et douloureux à la Busserine. C’est le constat dressé par des habitants, des représentants d’associations et des acteurs sociaux. Face à lui, sans détours, ils ont lancé ce qu’ils avaient sur le cœur. Les 25 ans de rénovation urbaine pèsent de tout leur poids, la stigmatisation du quartier fait rage, la discrimination s’y est installée et le chômage y est criant. Deals, dégradations, incivilités… Paulette Delmas n’a pas hésité à en parler. La présidente du conseil syndical de résidence du Mail, – ces tours situés entre les Flamants et la Busserine – a fini par reprendre cette vieille expression « France, ton café fout le camp ».
Cette diversité qui fait la force de la France
L’emploi, défi numéro 1 d’Alain Juppé, l’éducation, la sécurité, le travail social de terrain… et cette diversité qu’il ne faut pas (re)nier. « En France, on n’est pas tous pareil, on ne vient pas tous des mêmes endroits, on n’a pas tous la même couleur de peau, et ça fait la richesse de la France, a exprimé Alain Juppé. Il ne faut nier cette diversité. C’est une force pour notre pays, à une condition : que chacun ne s’enferme pas sur sa communauté, et que l’on partage des choses. Si on n’a rien en commun, ça ne fait pas un pays, ça ne fait pas une Nation. Il faut être unis ».
L’union fait la force.Une militante le croit, et plus encore à cette « identité heureuse » que prône le candidat et qui semble faire sens. « Aujourd’hui, au sein de l’exécutif, on ne peut plus compter sans la société civile. Il faut que vous soyez le grand vainqueur des primaires, je dis bien le grand vainqueur, afin que nous puissions travailler main dans la main, et se revoir, non pas pour un déjeuner, c’est bien sympa, mais pour travailler. » A la Busserine, les présents ont pris acte. Et bien sûr nous aussi.
Rencontre avec les femmes actives, Martine Vassal et Jean-Claude Gaudin, duel à distance avec Nicolas Sarkozy
A un mois, jour pour jour, de la primaire de la droite et du centre, Alain Juppé fait toujours la course en tête. Avec 40% des intentions de vote au premier tour de la primaire à droite, le maire de Bordeaux confirme son avance sur Nicolas Sarkozy (31%), selon une étude Harris Interactive pour France Télévisions, publiée jeudi 27 octobre. Alain Juppé qui après sa visite dans le quartier de la Busserine a été aperçu aux Terrasses du port. Un déjeuner chez Dalloyau avant de se rendre au musée des Regards de Provence pour une rencontre avec les femmes d’influence du territoire. Le Carrefour des mandats, c’est le nom de ce « collectif » au sein duquel on retrouve les réseaux Altafemina, Femmes cheffes d’entreprises (FCE), Femmes 3000, Provence Pionnières et Professional Women’s Network (PWN).
Le candidat a été reçu par Martine Vassal, présidente du Conseil départemental et Jean-Claude Gaudin. Le sénateur-maire a su manier l’art de la diplomatie. « Nous continuons à recevoir tous les candidats à la primaire, avec lesquels nous entretenons de bons rapports. Et pourvu que ça dure pour tout le monde, parce qu’ensuite il faudra gouverner », s’est presque amusé Jean-Claude Gaudin. Rester politiquement correct. Au jeu de dupe, Alain Juppé a rétorqué « je sais que tu es occupé ce soir… » Et c’est bien entendu au meeting de Nicolas Sarkozy, salle Vallier, qu’Alain Juppé faisait référence.
A Marseille, la scène est actuellement à l’ancien président de la République, tandis qu’au même moment l’ex-Premier ministre est dans le Var pour le même exercice. Duel à distance pour deux hommes qui, eux, ne se font plus de politesses. Pendant ce temps, Nathalie Kosciusko-Morizet, autre candidate dans la primaire de la droite et du centre visite Euroméditerranée, passe au Salon des entrepreneurs puis débat avec les étudiants de Kedge. Marseille, capitale politique de la droite en campagne durant une journée.Lien utile :
[Vidéo] Alain Juppé : « Il ne faut pas nier cette diversité »