Gomet’ : Pouvez-vous présenter GRDF Méditerranée ?
Jean-Luc Cizel* : Créé le 31 décembre 2007, GRDF est le principal opérateur du réseau de distribution de gaz naturel en France. GRDF assume chaque jour ses missions de service public en acheminant l’énergie gaz naturel à 11 millions de clients quel que soit leur fournisseur d’énergie. Employant 1 1431 collaborateurs. GRDF conçoit, construit, exploite, entretient et développe ce réseau dans plus de 9 528 communes en France, en garantissant la sécurité des personnes et des biens, et la qualité de la desserte. L’entreprise affiche un chiffre d’affaires de 3,409 milliards d’euros en 2015. Nous réalisons en moyenne 50 millions d’investissements par an pour l’entretien et le renouvellement du réseau. À l’échelon régional, GRDF Méditerranée couvre un territoire allant de Perpignan jusqu’à Menton d’Est en Ouest et jusqu’à Gap au Nord. Elle dessert 1 100 000 clients et emploie 1 120 salariés.
Quels sont vos projets ?
J.-L. C. : Nos principaux dossiers concernent le développement de nouveaux sites de production de gaz renouvelable, le biométhane, issu de la valorisation de nos déchets. Les ordures ménagères ou issues de l’industrie, les résidus agricoles, mais aussi les boues de stations d’épuration, sont collectés et placés dans de grandes cuves, appelées méthaniseurs. En l’absence d’oxygène, ces matières organiques fermentent et dégagent du biogaz. À la sortie du méthaniseur, ce biogaz est épuré et devient du biométhane. C’est du méthane, du CH4 pour les chimistes, qui présente les mêmes caractéristiques que le gaz naturel mais d’origine renouvelable. Il est alors prêt à être injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel. Il peut ainsi être stocké et utilisé pour le chauffage, la cuisson ou la production d’eau chaude sanitaire, mais aussi pour la mobilité. 27 méthaniseurs en France sont actuellement en fonctionnement. Environ 300 s’apprêtent à voir le jour, dont une vingtaine autour de la Méditerranée. Le projet le plus avancé est celui de Perpignan, dont le raccordement au réseau est prévu fin 2017. De nombreux autres suivront à Marseille, Aix-en-Provence (en 2018), Sète et Nice.
Qu’en est-il du développement du Gaz naturel pour véhicules (GNV) ?
J.-L. C. : Même si la grande majorité des véhicules est encore équipée de moteurs thermiques, le développement est principalement porté par le transport de marchandises, le transport de personnes et la collecte de déchets. GRDF travaille notamment avec les opérateurs de transport en commun pour convertir tout ou partie de leur flotte au GNV, le gaz naturel pour véhicules. Sur la région, de nombreuses communes ont opté pour ce carburant, à l’image d’Aix-en-Provence, précurseur, ou tout récemment La Destrousse, Auriol et Roquevaire. À Nice, une cinquantaine de bus roule au GNV et près de 120 à Montpellier. Sur la métropole marseillaise, la démarche n’est pas encore aboutie mais bien engagée. Nos autres cibles concernent les bennes à ordures ménagères, car les moteurs au GNV sont en moyenne trois fois moins bruyants que ceux au diesel. Un atout appréciable pour les riverains. Ceux de Montpellier ou Toulon en bénéficient déjà.
Un véhicule roulant au GNV est-il plus économique ?
J.-L. C. : S’il est vrai que les véhicules GNV coûtent un peu plus cher à l’achat, le retour sur investissement est rapide : moins de 5 ans en moyenne. Le carburant est moins cher et surtout, ils émettent 30% d’oxyde d’azote et 93% de particules fines en moins comparé aux moteurs diesel (norme Euro VI). Face à ces avantages, les freins sont essentiellement culturels. Voyez l’Italie, l’Allemagne ou les pays scandinaves qui sont de bien plus gros consommateurs de gaz pour la mobilité. En France, le choix du diesel a laissé peu de place aux carburants alternatifs. Mais nous croyons à la complémentarité des énergies, c’est pourquoi nous travaillons avec les constructeurs et la FNTV Paca (Fédération nationale des transporteurs de voyageurs) pour faire connaître les motorisations au GNV et organiser des prêts de véhicules. Nous l’avons fait début janvier avec la Métropole Aix Marseille, qui a expérimenté un autocar roulant au GNV pour assurer la liaison autoroutière entre Aix-Marseille.
Essayez-vous de convaincre les particuliers ?
J.-L. C. : Par rapport aux problématiques de mobilité auxquelles sont confrontées les métropoles aujourd’hui, nous croyons beaucoup aux transports collectifs propres. Les bus et les cars sont notre cible prioritaire, en même temps que les flottes captives des collectivités locales, en particulier les bennes à ordures. Nous procédons par étapes, le temps aussi que le réseau de stations-services soit mis en place. Sur le marché privé, nous ciblons les transporteurs ou les camions de livraison de la grande distribution, surtout ceux qui rayonnent autour de plateformes logistiques régionales, comme Carrefour ou Intermarché. Les véhicules au GNV circulent facilement en centre-ville et contribuent à l’émergence d’une mobilité propre et durable, en ces périodes de pics de pollution répétés. Et rouler au GNV, c’est aussi encourager le développement du BioGNV, une solution de mobilité 100% renouvelable, avec 80% d’émissions de CO2 en moins par rapport au diesel, produit localement et donc source d’emplois non délocalisables au bénéfice de la transition énergétique des territoires.
Quelles sont les autres perspectives de GRDF ?
J.-L. C. : Nous nous intéressons de très près aux réseaux intelligents qu’on appelle smart grids. L’idée, c’est de piloter précisément les réseaux pour optimiser leur fonctionnement, minimiser les pertes et mettre en place un système de production qui soit le moins coûteux possible. Des expérimentations sur le territoire sont en cours, comme le démonstrateur français d’Interflex, dans la plaine du Var, lancé le 1er janvier. Piloté par Enedis et rassemblant 15 partenaires industriels et gestionnaires de réseau, l’expérimentation testera pendant 36 mois différentes approches innovantes de gestion du système électrique tenant compte de la vision locale (production d’énergies renouvelables, bornes de recharges de véhicules électriques, évolution des comportements de consommation, nouveaux usages etc.). Il mettra en jeu un portefeuille varié de flexibilités électriques : flexibilités couplées au réseau de gaz naturel (cogénération, chaudières hybrides), véhicule électrique, pilotage des usages chez les clients résidentiels, tertiaires et industriels…
Quelles sont les autres nouveautés en termes d’énergie sur le secteur ?
J.-L. C. : GRTgaz et ses partenaires développent actuellement le projet Jupiter 1000 à Fos-sur-Mer, sur une plateforme mise à disposition et aménagée par le Grand Port maritime de Marseille. Le projet est situé à l’intersection des réseaux de gaz et d’électricité et à proximité d’une source de CO2 industrielle. Avec une puissance d’électrolyse de 1MW, le démonstrateur aura pour objectif d’éclairer cette vision du stockage de l’énergie, et d’ouvrir la voie à cette nouvelle filière. Jupiter 1000 est une installation qui permet de fabriquer du gaz à partir d’excédents d’électricité en craquant les molécules d’eau. L’hydrogène ainsi obtenu est alors en partie injecté dans nos réseaux et mélangé au méthane.
* Jean-Luc Cizel est directeur clients territoires Méditerranée chez GRDF