(…) Chaque élu veut sa propre action économique, pour dire qu’il fait quelque chose pour l’emploi, sa propre politique culturelle, sa propre politique associative pour récompenser ses citoyens etc., Chaque élu veut signer son projet, mais en même temps, il est sollicité par tous les autres. Les acteurs du développement, de la solidarité, de la culture et de l’équipement passent, alors leur temps à faire des tours de tables aussi improbables que chronophages. Un seul exemple : on aura entendu en 2012, un ministre des transports solliciter fortement le Conseil général des Bouches du Rhône pour qu’il finance le contournement… d’Avignon. (À hauteur de 5 millions d’euros tout de même !) Cherchez l’erreur !
[pullquote]Les sénatoriales : le triste spectacle de cette distribution des prix.[/pullquote] Les responsables d’association ont tous entendu les services d’une collectivité ou les élus leur susurrer qu’ils pourraient les financer, si le voisin mettait au pot. Le résultat est que pour un rond-point ou pour une fête de quartier, il faut réunir deux, trois ou quatre collectivités territoriales plus l’État, pour boucler un budget. Passons sur l’énergie perdue des porteurs de projets. L’enchevêtrement des financements fait que dans chaque collectivité et dans les services de l’État, il y aura un chargé de mission, voire un service mobilisé pour instruire le dossier, le faire voter, évaluer sa réalisation et solder les paiements. Qui paye ?
Les élus ne mettent pas ce vrai sujet sur la table, car il est le vivier du clientélisme ordinaire. Chacun veut « librement » financer ses petits à côté. La campagne des sénatoriales a offert d’ailleurs le triste spectacle de cette distribution des prix aux bons votants.
[pullquote]Nous avons construit un système qui rend la construction impossible dans des délais raisonnables.[/pullquote] Le pire est lorsque cette cacophonie s’entend sur une compétence aussi vitale que le logement. Nous savons que l’impression d’appauvrissement vécue par nos contemporains est due au coût exorbitant du logement en France. Le ménage français dépense 10 % de plus que le ménage allemand pour se loger. La loi Duflot, la Loi Alur sur le logement ne changent rien, hélas. Au contraire, les chiffres sont là, Duflot aura donné un coup de frein à la construction ! Nous avons construit un système qui rend la construction impossible dans des délais raisonnables.
Selon les professionnels, un fois que vous avez identifié un terrain, vérifié qu’il est constructible et bâti un projet, il vous faudra au moins cinq ans avant de mettre une pelleteuse en action. Construire, et encore plus construire du logement social, dans ces conditions relève de l‘héroïsme. Si vous avez un doute regardez le tableau des « compétences » réalisé par le Certu, le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques.
Si vous vous y retrouvez, chapeau ! Car aux compétences, lorsqu’elles sont croisées, s’ajoutent les concertations, les consultations, les plans et schémas, qui ouvrent la voie à tous les recours, à tous les retards, et noient toutes les responsabilités.
Demain la suite de la chronique de Christian Apothéloz*
[Point de vue] Décentralisation, supprimez la clause de compétence générale (3/3)
Relisez
[Point de vue] Décentralisation, nous sommes en pleine mélasse (1/3)
* Christian Apothéloz, ancien journaliste et consultant, est un militant associatif.
(Illustration : François Hollande en 2013 à Marseille pour l’inauguration du MuCEM. Crédit B.G).