Le producteur d’énergie solaire et éolienne Tenergie basé à Meyreuil va doubler à nouveau son chiffre d’affaires cette année pour dépasser les 150 millions d’euros. Entretien.
Gomet’ : Tenergie a inauguré le 25 octobre dernier une nouvelle serre photovoltaïque de 33 000 mètres carrés à Mallemort. Elles ont pendant longtemps eu mauvaise presse étant accusées de ne pas respecter les cultures. Comment avez-vous convaincu l’agriculteur de vous faire confiance ?
Pascal Penicaud : Nous sortons effectivement d’une période d’amateurisme qui a fait beaucoup de mal à la réputation des acteurs du solaire dans le domaine agricole. Beaucoup de constructeurs ont tapissé les toits des serres de panneaux photovoltaïques qui ne laissaient pas passer la lumière. Les producteurs d’énergies renouvelables ne se renseignaient pas suffisamment sur les besoins de l’agriculteur. Ils ont longtemps réalisé des bâtiments inadaptés au maraîchage. Il a fallu reprendre à zéro et repartir auprès des agriculteurs pour leur expliquer que panneaux photovoltaïques et culture en serre n’étaient pas antinomiques.
Chez Tenergie, nous avons la chance d’avoir un associé exploitant agricole qui connaît bien cet univers. C’est important car ce secteur représente 75 % de notre chiffre d’affaires. Depuis quelques années, nous avons recruté des ingénieurs agronomes, nous nous faisons accompagner par les constructeurs de serres italiens et hollandais, et surtout, nous travaillons en étroite collaboration avec le client, ici, Laurent Chabert, responsable du domaine Saint-Vincent, qui connaît mieux que quiconque son métier et ses besoins.
Quel matériau utilisez-vous ?
P.P. A Mallemort, nous avons donc travaillé avec une toiture à redans en polycarbonate ondulé fixé sur une armature métallique. Ainsi, l’ombre projetée par la couverture photovoltaïque est diminuée à 36% de la surface au sol contre 52% dans une serre photovoltaïque classique. Les panneaux solaires sont posés sur les versants de la couverture exposée au sud, tandis que les faces au nord sont laissées libres. Laurent Chabert va pouvoir y produire 240 tonnes de courgettes et 3,1 Gwh d’électricité par an, soit l’équivalent de la consommation d’une ville de 700 personnes.
Vous avez pris en charge la quasi-totalité de l’investissement estimé à 4 millions d’euros. C’est indispensable pour remporter les marchés ?
P.P. Non. Le contrat avec Laurent Chabert date de 2013. A l’époque, le prix de rachat de l’électricité par EDF était environ à 15 centimes le Kwh contre 9 centimes aujourd’hui. Pour rembourser notre investissement, on récupère la totalité des résultats de la vente de l’électricité soit 350 000 euros par an. Nous pouvions alors prendre plus de risques au départ. Maintenant, ce ne serait plus possible. Sur les nouveaux projets, pour un bâtiment neuf, nous demandons au client de participer financièrement au montage. On ne peut plus y aller seul. Mais aujourd’hui, la baisse du coût de l’énergie photovoltaïque apporte un nouvel argument de vente pour convaincre les clients.
Longtemps, l’État a soutenu la filière en maintenant des prix de rachat élevés qui assuraient de bons revenus aux entreprises du solaire. Mais ce système ne pouvait pas continuer éternellement. Le marché doit se structurer, mûrir, ce qu’il est en train de faire et la baisse des prix de vente de l’énergie solaire y contribue. Nous nous félicitons que le domaine de l’énergie renouvelable devienne un secteur économique compétitif. Le consommateur final doit savoir que l’électricité solaire est souvent moins chère que celle qu’il achète sur le réseau classique, surtout en Paca car la région importe 56 % de l’énergie qu’elle consomme. Les coûts d’achat et de transport font augmenter la facture, alors que nous avons tous les atouts pour produire l’énergie que nous consommons !
La région d’Aix-Marseille et plus largement Paca a-t-elle un réel avantage compétitif sur le reste de la France pour utiliser le solaire comme levier de croissance ?
P.P. Indéniablement ! Huit des dix villes de France les plus ensoleillées sont dans la région. Elles profitent d’une industrie touristique florissante grâce à son climat, elle pourrait faire coup double avec le solaire. Nous sommes à Aix-en-Provence et on a un attachement particulier à la région pourtant nous avons beaucoup plus d’opportunités d’investissement en région Occitanie car la présidente, Carole Delga a depuis longtemps soutenu la filière photovoltaïque. La parole politique est essentielle dans le développement du solaire.
L’arrivée de Renaud Muselier semble faire bouger les choses dans le bon sens avec le smart grid notamment mais il faut aller encore plus loin. Les collectivités doivent tout d’abord montrer l’exemple en équipant leurs bâtiments. Elles y gagneraient en performance et feraient des économies. Ensuite, il faut simplifier les plans locaux d’urbanisme pour faciliter l’installation de panneaux solaires sur le bâti existant. On continue chaque jour d’évangéliser les décideurs et le public sur les avantages du solaire. Les questions de fiabilité et de recyclage des cellules sont désormais réglées, il faut dépasser ces vieilles craintes. On estime que le solaire pourrait fournir jusqu’à 35 % des besoins en électricité de la région Paca. En plus, sa production locale permettra de développer les nouveaux usages comme la voiture électrique.
Repères.
Créée en 2008 à Meyreuil, Ténergie emploie 50 salariés
CA 2017 : 80 millions d’euros, prévisionnel 2018 : 150 – 160 M€
Répartition du CA : 70 % monde agricole, 15 % collectivités, 15 % zones d’activités
En dix ans, Ténergie a investi 500 M€ et prévoit d’investir 500 M€ d’ici 2020
200 MW en exploitation et 212 MW en développement
Fin 2017 : 600 centrales solaires en exploitation en France dont 30 dans les Bouches-du-Rhône
Capital : 100 % indépendant répartis entre six associés