« On dénombre encore une majorité de mâles blancs vieillissants à la tête de nos instances », la problématique est posée. Jean-Paul Benoît, président de la Mutualité française Paca s’adresse à l’assemblée composée de nuques grisonnantes, depuis la tribune qu’occupent trois hommes et une seule femme. Il soulève le retard accumulé en matière de diversité et de parité dans les entreprises de l’ESS et le préjudice que cela provoque sur l’image de la mutualité. « Nous sommes une société de personnes, nos gouvernances doivent représenter nos adhérents. Nous sommes en retrait par rapport à certaines structures de capitaux qui ont pris à bras le corps cette problématique. Il faut davantage de femmes, de jeunes et de minorités à la direction des mutuelles. »
L’élection de Thierry Beaudet à la tête de la Mutualité française, le 23 juin dernier, a cependant apporté un vent de jeunesse. Cet ancien professeur des écoles de 53 ans, à la tête depuis 2009 de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) s’est battu pour la féminisation de son bureau. Résultat : deux femmes y siègent. Dominique Joseph est d’ailleurs, de l’histoire de la Mutualité créée en 1902, la première femme secrétaire générale. « La prochaine étape, c’est une femme à la présidence ! » sourit Jean-Paul Benoît.
Si la Fédération a mis plus d’un siècle à installer des femmes dans ses instances dirigeantes, elle se défend pourtant de réfléchir à la parité depuis peu de temps. Deux séminaires sur le sujet ont déjà été organisés en 2011 et 2014 et une commission mise sur pied et dirigée par Serge Jacquet. Mais Dominique Joseph se souvient : « Il y a 15 ans nous abordions déjà la problématique de la parité lors des congrès de la Fédération. Or, en 2005, il y avait 21,5% de femmes à la tête des mutuelles. Et en 2015, elles n’étaient que 24%. L’augmentation est bien faible. »
Une image crantée dans la vraie vie
S’interroger sur le renouvellement générationnel, c’est aussi questionner le cumul et la durée des mandats. « Quand passer la main ? demande la première secrétaire. Le renouvellement constitue un enjeu social mais aussi économique. Si nous perdons des adhérents, la pérennité de nos mutuelles est en jeu. Il faut que notre image soit crantée dans la vraie vie. »
Dans les groupements de mutuelles, l’âge moyen des membres du conseil d’administration est de 64 ans. Dans les gouvernances, seulement 15% sont des actifs. « Les mutuelles doivent prendre conscience de cette réalité, affirme Serge Jacquet, président de la commission Renouvellement générationnel de la Mutualité française Paca. En deux ans, nous avons mené des réflexions, des enquêtes, des séminaires, des rencontres, qui nous ont conduit à établir un plan d’action pour sensibiliser les mutuelles, valoriser les initiatives et favoriser l’accueil de nouveaux délégués. »
La Mutualité française a ainsi créé une boîte à outils à destination des mutuelles, dont le passeport de l’élu mutualiste qui recense les formations suivies par les élu.e.s, valorise leurs expériences, facilite les projets de réorientation professionnelle en fin de mandat, anticipe les besoins en compétences et favorise le renouvellement militant. L’Udes – l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire – a également mis sur pieds le guide «Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’ESS». Car le renouvellement générationnel et l’égalité entre femmes et hommes sont un problème de fond pour la Fédération. « Il en va de notre légitimité, de notre crédibilité, et donc de notre avenir », conclut Jean-Paul Benoît.
(Photo : À la tribune, Jean-Paul Benoît, Denis Philippe, président de la Cress Paca, Serge Jacquet et Marine Pustorino, vice-présidente du conseil départemental / photo CA)