«C’est pas gagné !». Durant sa conférence sur le thème «La future Métropole», Philippe Langevin répète sans cesse cette formule. Jeudi 18 octobre à Aix-en-Provence, les locaux de Science Po accueillaient ce maître de conférence en économie régionale de l’Université d’Aix-Marseille lors d’un événement organisé par le Cercle Condorcet. Loin des considérations politiques diverses, ce spécialiste de la question mène un tour d’horizon qui se veut optimiste et pragmatique des enjeux de la nouvelle Métropole. Fustigeant le débat public insuffisant, le manque d’informations et l’attitude des élus locaux, il considère la future entité comme un outil indispensable au développement. Il donne alors sa vision de ce que devrait être la structure, qui sera en place au 1er janvier prochain.
Un outil à l’échelle de son environnement
«L’échelon global de la démocratie n’a plus de rapport avec l’échelon économique». C’est en partant de ce constat que Philippe Langevin invoque un besoin de la construction métropolitaine. «L’économie locale n’existe plus, tout le monde est touché par la mondialisation». Un rééchelonnement géographique des politiques économiques devient alors indispensable.
Concrètement, l’ambition qui doit être celle de la métropole est d’adapter un territoire administratif à un territoire de vie qui, de fait, existe déjà. Les établissements de coopération intercommunale (EPCI) qui s’apprêtent à fusionner seraient alors anachroniques et trop renfermées sur eux-mêmes. «Aujourd’hui, le territoire est émietté, les communautés se sont développées en concurrence, non en complémentarité» ajoute-t-il. À «l’égoïsme territorial» des années 2000 doit succéder une solidarité à construire.
La Métropole, seul outil viable au développement ?
Aix-Marseille Provence se doit d’être un territoire «solidaire et cohérent». «La Métropole, c’est une politique économique». Et les inégalités sont au centre de son argumentaire. Trop importante sur les territoires, elles se heurtent à cet éclatement. «On n’a pas voulu mutualiser les compétences, c’est l’une des raisons pour lesquelles on a les problèmes d’emploi actuels» argumente l’universitaire. Une politique fiscale commune, un accès à la culture plus égalitaire et une nouvelle politique de transport apparaissent centrales. «La mobilité, c’est le facteur premier du développement». La construction d’un réseau plus performant serait alors un grand chantier de la structure. Dans le domaine fiscal, «on a des espaces entiers dans lesquels les capacités financières et fiscales sont limitées, c’est un frein!».
La mauvaise volonté des élus
Dans le vaste chantier en cours de construction de cette entité, Philippe Langevin s’attaque tout particulièrement à l’attitude des élus locaux. Ces derniers seraient coupables de non-information auprès du public et de mauvaise volonté dans la mise en place de la Métropole. Si l’Etat, par le biais de la mission inter-ministérielle et la loi de 2012, a pris les choses en main, c’est parce que les élus n’ont pas agi après la loi de 2010 sur la mise en place des métropoles. Il concède que «la méthode est peu démocratique, mais c’est la meilleure». «Aujourd’hui, ce territoire créé par des techniciens est le plus complet de France».
Pourtant la loi est passée, pas les entraves. «Les EPCI veulent garder leurs pouvoirs malgré la Métropole, elles ne veulent pas mourir». Le risque est alors d’en faire «une coquille vide» dans le fameux mille-feuille administratif français. La lecture restrictive de la loi de 2012 est alors un danger qui guette la construction métropolitaine. De plus, la question des conseils territoriaux créés au sein de l’entité pose problème. Ces derniers divisent le territoire sur le modèle des communautés actuelles (jusqu’en 2020), elles peuvent alors être un frein à la Métropole qu’elles entendent structurer. Au final, si Philippe Langevin admet des lacunes dans la construction métropolitaine, il la soutient de bout en bout, considérant comme égoïste et passéiste les attitudes des élus qui s’y opposent.
Repères :
> 9 novembre 2015: élection du président de la Métropole par les conseillers métropolitains
> 1er Janvier 2016: la Métropole Aix-Marseille Provence est effective
> 2017: la Métropole récupère certaines compétences du Conseil Général (politique sociale, jeunesse, seniors)
> 2020: toutes les compétences des ex-EPCI sont transférées à la Métropole (économie, culture, transport)Liens utiles :
> Nos infographies pour comprendre la métropole Aix Marseille Provence
> Les chroniques de Philippe Langevin pour Gomet’