Les praticiens hospitaliers, les chercheurs et les industriels marseillais sʼunissent au sein du projet Pioneer pour développer de nouvelles thérapies immunologiques contre le cancer du poumon.
« Nous sommes à la veille dʼune révolution dans la thérapie des cancers avec lʼimmunologie. On peut comparer les derniers progrès à la découverte de la pénicilline dans les années 20 », affirme Eric Vivier, le directeur du centre dʼimmunologie de Marseille-Luminy (CIML). La métropole abrite aujourdʼhui les centres de recherche et les entreprises parmi les plus innovants dans le domaine.
Leurs travaux ont été récompensés en juillet dernier par lʼEtat français qui a retenu le projet Pioneer en juillet dernier au titre du troisième appel à projets Recherche hospitalo-universitaire. Il bénéficie dʼune enveloppe de 8,5 millions dʼeuros sur un budget total de 25 millions dʼeuros. « Cette victoire salue les efforts de notre territoire en matière de collaborations scientifiques, académiques et privées », sʼest félicité Yvon Berland, le président dʼAix-Marseille Université lors du lancement officiel du projet, jeudi 23 novembre, à la faculté de Médecine. Un super consortium rassemblant toutes les forces vives de la région a été spécialement créé pour cette étude qui sʼintéresse aux nouvelles thérapies contre le cancer du poumon. Lʼassistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), lʼInserm, le CNRS, cinq centres de recherche (CIML, CRCM, CRO2, Ciphe, MI-mAbs) se sont associés à des entreprises innovantes (Astrazeneca, Innate Pharma, HalioDX, Imcheck Therapeutics) pour relever le défi.
Franchir la barre des 20 % de patients réactifs
Les avancées récentes sur la prise en charge des patients atteints de cancer bronchique ont démontré lʼefficacité des anticorps monoclonaux (mAbs) ciblant des points de contrôle de l’immunité (Immune Checkpoints Inhibitors ou ICI). Les anticorps monoclonaux visent le ligand de la protéine de mort programmée 1 (PD-L1). Lʼexpression du PD-L1 permet aux tumeurs dʼéviter d’être détectées par le système immunitaire en se liant à la protéine PD-1 sur les lymphocytes. En bloquant l’interaction du PD-L1 avec les protéines PD-1, lʼanticorps contrecarre les tactiques de la tumeur visant à éluder le système immunitaire et de fait, booste celui-ci. Ainsi, les anti-PD-1 et PD-L1 augmentent significativement la survie globale en comparaison à la chimiothérapie standard.
« Aujourdʼhui, un peu plus de 20 % des patients répondent favorablement à ce traitement mais nous plafonnons. Avec Pioneer, nous allons pouvoir découvrir pourquoi les autres malades ne progressent pas », explique Fabrice Barlesi, professeur en cancérologie, chef du service d’oncologie multidisciplinaire et d’innovations thérapeutiques de l’AP-HM. Les équipes vont tester sur une cohorte de 450 patients le Durvalumab, un anticorps monoclonal développé par Astrazeneca, en combinaison avec quatre autres molécules dont une mise à disposition par Innate Pharma.
Cet essai clinique précoce sera réalisé dans les hôpitaux de Marseille mais également à lʼoncopôle de Toulouse et au centre Léon Bérard de Lyon. Pour mieux comprendre les résistances des anti-PD(L)1, des biopsies tumorales seront systématiquement réalisées chez tous les patients quelle que soit leur réaction au traitement. Grâce aux solutions de diagnostics développées par HalioDX, ces prélèvements pourront être analysés afin de développer de nouveaux biomarqueurs qui donneront une idée précise de lʼévolution de la maladie : « Nous allons observer la cellule tumorale mais également tout son environnement proche car cʼest une zone qui peut nous apporter énormément de nouvelles informations », ajoute Fabrice Barlési.
À terme, lʼéquipe Pioneer espère développer et valider de nouveaux candidats ciblant les points de contrôle de lʼimmunité. La biotech marseillaise Imcheck Therapeutics participera, notamment, au volet exploratoire sur un anticorps en phase précoce. Le lancement du programme est prévu pour le courant du premier trimestre de lʼannée prochaine et doit sʼétaler sur cinq ans. « Mais on espère avoir des premiers résultats exploitables dʼici trois ans et demi », annonce le Pr Barlesi. Cette approche prometteuse apporte un nouvel espoir dans la lutte contre le caner du poumon, le plus meurtrier car ce sont 1,5 million de personnes qui en meurent chaque année dans le monde.