Assis en terrasse à l’hôtel Souleia, à Aubagne, Jacques Pfister commande… un Orangina. Quoi de plus normal pour cet ex-PDG du groupe aujourd’hui président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille-Provence. Venu rendre visite aux chefs d’entreprise aubagnais pour leur expliquer le fonctionnement de la future métropole d’Aix-Marseille-Provence, Jacques Pfister a bien l’intention de les rallier à sa cause. Métropolitain convaincu, cet entrepreneur dans l’âme n’attend qu’une chose : « que ça bouge enfin sur ce territoire ! ».
Un « mec du business » au service du territoire
[pullquote]« C’est un garçon moderne, exigeant et précis mais ouvert et à l’écoute, confie Laurent Carenzo »[/pullquote]
PDG de Coca-Cola puis d’Orangina France et plus tard, Orangina-Swcheppes, l’ingénieur des mines originaire de Bayonne le concède volontiers : « Les grandes entreprises, l’industrie, c’est 100% de ma vie ». Pourtant, dans les années 2000, Jacques Pfister prend une tout autre voie. Président – « mais pas directeur général » – de la CCI, il est aujourd’hui loin des préoccupations classiques du chef d’entreprise : produit, marketing, résultat. « Je suis un peu comme un moine défroqué ici », plaisante-t-il. Et en même temps, pas tant que ça. Car ce que lui a appris l’entreprise est aujourd’hui mis au service du territoire. « Mon parcours de mec du business m’a appris à fonctionner avec des règles dures mais claires qui s’adaptent tout à fait aux enjeux qui sont actuellement les miens. » C’est là la force de ce sexagénaire dynamique, fan de sport et de musique pop-rock : analyser, s’adapter, faire bouger les lignes. Une recette qui a fait ses preuves. Chez Orangina d’abord mais aussi à l’École de Management de Marseille, l’ESC Marseille-Provence qui, sous la présidence de Jacques Pfister, devient Euromed et fait une remontée spectaculaire dans le Top 10 des écoles de commerce françaises.
« En fait, c’est un ingénieur intuitif. Il a la rationalité de l’ingénieur et l’intuition et la créativité du littéraire, confie Laurent Carenzo, qui le connaît depuis 20 ans et est aujourd’hui son conseiller. C’est un garçon moderne, exigeant et précis mais ouvert et à l’écoute. »
(Hyper)actif et animé par l’envie de réussir chaque projet qu’il entreprend, l’homme d’affaires rêve de montrer à la France entière tous les atouts du territoire qu’il aime tant – un territoire « qui intrigue beaucoup, qui suscite curiosité et jalousie et dont les différences doivent être nos forces ».
« Il faut que ça bouge ! »
Technologie, talents, tolérance. Les 3T de l’économiste Richard Florida – clés du succès pour attirer et faire rester les jeunes, les travailleurs créatifs, artistes et penseurs de la société contemporaine en région – résonnent comme une ode à la réussite dans les oreilles de Jacques Pfister.
« Nous avons tous les ingrédients réunis dans la métropole. Nous avons l’envie. Maintenant, il faut y aller ! Il faut donner envie, attirer et mettre en place le culte de l’effort. »
Culte de l’effort ? Le territoire serait-il trop mou ? « Heureusement, il y a des gens qui ont envie de réussir, sur le territoire mais il faut de la patience et de la pugnacité. » « Dès son arrivée à la Chambre de Commerce en 2005, Jacques a constaté l’absence totale d’un jeu collectif, se souvient Laurent Carenzo. Pour faire rayonner le territoire, il était convaincu qu’il fallait des projets communs. » Parfois tranchant, souvent sûr de lui et toujours prêt à se fendre d’un trait d’humour, Jacques Pfister sait faire passer ses messages. Quitte à en vexer certains au passage. Sur le sujet de la métropole, les élus – majoritairement opposés au projet – en ont ainsi pris pour leur grade. « Je peux paraître trop dur, voire stigmatisant mais quand il y a des faiblesses, il faut tout de suite y remedier ».
[pullquote]« Quand Monsieur Ayrault est arrivé avec son projet de métropole, on a dit : « Oh pétard, il vient d’où lui ? On est prêts, on est à fond ! » »[/pullquote]
Se définissant lui-même comme étant « à fond dans le projet », Jacques Pfister trépigne. En 2007, déjà, il envoyait aux élus une première approche de ce qu’il appelait alors « l’archipel métropolitain » : un diagnostic et des pistes de projets réalisés dans le cadre du Top 20 avec un objectif : tirer le territoire vers le haut. « Bon, tout le monde s’en est foutu, rien n’a suivi mais on a continué à entretenir l’idée. » S’en est suivi le projet de « pôles métropolitains » initié par Nicolas Sarkozy – « flop total » – puis Marseille et ses quartiers nord ont fait la Une de tous les JT. « Ça a réveillé tout le monde et là-dessus est arrivé Monsieur Jean-Marc Ayrault qui a annoncé l’arrivée de renforts policiers dans les quartiers nord mais surtout, la création d’une métropole. » Dans les starting-blocks, Jacques Pfister et son équipe étaient prêts, documents à l’appui. La présentation des projets pouvait commencer.
Dans la continuité de Marseille-Provence 2013
Et puis il y a eu l’année 2013. Désigné président de l’association Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture par Jean-Claude Gaudin, Jacques Pfister voit là une formidable opportunité de faire de Marseille une ville attractive et de l’inscrire dans une logique territoriale. Déjà, l’entrepreneur qui sommeille pense métropole. L’objectif, pour le sexagénaire, c’est l’efficacité – « moins de gaspillage, éviter le tramway d’Aubagne ou l’Aréna d’Aix » – et l’ouverture à l’international.
« On veut être fiers de la métropole, pour nous et nos enfants. On veut que les gens regardent ce territoire, qu’ils viennent à Marseille et que ce soit une bonne nouvelle. »
Un an et demi avant la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, Jacques Pfister y croit plus que jamais. Et il attend du prochain président du conseil métropolitain une véritable Ambition, avec un grand A. « Sans quoi, nous sommes foutus. »