Quel est le problème avec les centres anciens en région Provence ?
Olivier Razemon : D’abord, le problème de la dévitalisation des centres-villes touche tous les centres urbains de France, pas seulement en région Paca. Ensuite, ce n’est pas juste les hyper-centres ou les centres historiques qui sont touchés, ce sont les villes toutes entières qui se dévitalisent. Les gens fuient les villes car leurs revenus ont globalement baissé. Egalement, les équipements essentiels aux citoyens, par exemple Pôle emploi ou la Maison de l’Habitat, se situent désormais en périphérie.
En région Paca, est-ce qu’il y a des cas emblématiques ?
O.R : Par expérience, je retiendrai cinq villes particulièrement victimes de ce phénomène : Aubagne, Digne-les-Bains, Cavaillon, Toulon et, bien sûr, Marseille. La cité phocéenne est d’ailleurs une exception car elle a un fonctionnement moins ciblé sur le centre. C’est une ville routière (nb : Marseille est la ville la plus embouteillée de France, avant Paris), et quand on analyse le centre-ville, c’est flagrant : tout gravite autour du port. Il ne faut pas oublier que Marseille est une ville qui s’est construite grâce à une multitude de quartiers, donc l’idée d’avoir un réel centre-ville à Marseille est une utopie. Malgré tout, le Vieux-Port est tout de même plus agréable qu’avant. Il y a cependant des villes qui sont moins touchées par ce phénomène de dévitalisation. La plupart d’entre elles gravitent autour du tourisme. Aix-en-Provence par exemple, ou alors les villes en bordure du littoral. C’est ce que j’appelle le « bonus touristique ». Les vacanciers sont souvent en quête du centre historique, par conséquent ces villes ont réussi à garder une certaine attractivité dans leur centre.
Comment revitaliser un centre, alors ?
O.R : Si on ne comprend pas d’abord le problème, on ne peut pas mettre en place des solutions. Le vrai souci, c’est l’étalement urbain massif. Un autre exemple me vient en tête : la ville de Carpentras. On a étendu la ville très loin et on a vidé le centre de ses attributs. Et ce phénomène continue aujourd’hui. Les zones commerciales, construites en marge des villes, y participent fortement. Sans vouloir être pessimiste, il n’y a pas de solution unique, viable et rapide.
Cependant, en premier lieu, il est urgent d’entamer un processus de recentrage. Désormais, lorsque l’on créé un équipement (une entreprise, une résidence, un service administratif, etc…) il est important de se poser la question de l’emplacement. Privilégier la densité, la proximité avec la population. Ensuite, il faut avoir une bonne connaissance de la situation, qui passe par de l’observation. Observer les indicateurs : les revenus, la densité de population, les flux de déplacement… A ce jour, il n’y a pas beaucoup d’observations de ce style dans les villes de la région.
Et ensuite ?
O.R. : Après cela, il faut penser aux espaces publics. Une ville, c’est avant tout des gens. Il est donc impératif d’analyser le parcours d’un habitant lambda qui va au travail, qui fait ses courses, qui va chercher ses enfants à l’école. Si son travail, son supermarché habituel, et l’école de ses enfants se situent en périphérie, il n’a aucune raison d’habiter en ville. C’est tout le problème. Enfin, il faut inciter la population à privilégier le déplacement à pied. Sortir de la gare, du bus, ou du tramway doit être simple. Si les infrastructures ne permettent pas de pouvoir accéder ou sortir de ces endroits à pied, la population prendra la voiture. Il ne faut jamais oublier que les villes sont des endroits pour les humains, pas pour les voitures.
Faut-il mobiliser les consciences, dans ce cas ?
O.R. : Le problème va se régler au niveau des élus. Les maires, les députés… C’est eux qui doivent réfléchir aux solutions que j’ai évoquées. La plupart d’entre eux sont dans la négation la plus totale. J’ai discuté un jour avec le maire de Carpentras, qui s’est vite rendu compte de la gravité de la difficulté. Mais, à ma connaissance, il n’y a que lui qui réfléchit à une solution.
Propos recueillis par Samuel Monod.
Repères :
> La conférence “Connaissance du territoire : Les rencontres – Au cœur de nos villes : la géographie contrastée des centres anciens dans la région” se déroule le 21 juin 2018 à 11 heures à l’Ecole de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM). Accès libre sur inscription.
> Un cycle de conférences organisées à l’EJCAM