Dépassé l’amour vache
Le baiser retenu par La Provence pour illustrer cette nuit amoureuse aura été saphique. Il était aussi beau, il est vrai, que les lèvres encore juvéniles qui s’emmêlaient sur la photo. Lorsque la Saint-Valentin sert de point de départ à Marseille Provence 2018 (nouvelle année de la culture) et un Grand Baiser de symbole, on ne peut que se réjouir et applaudir à grands cris la belle folie qui a envahi le Vieux-Port, loin des regards obliques des passants honnêtes. 5000 baisers donc, pour les participants forcément volontaires. Cette nuit-là fut généreuse, fraternelle, métissée et elle a recueilli, sous un bel embrasement de lumières, pyrotechnie et vidéos, les suffrages de 45 000 aficionados comblés de participer à une si belle fête. Dans un moment de grâce absolue, Renaud Muselier a même renoncé à donner le baiser de la mort, à celui qu’il torée depuis quelques semaines, Jean-Claude Gaudin. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, qui était là pour donner le top départ des 450 événements culturels de cette année magique, aurait peut-être apprécié en Arlésienne qu’elle est. Mais il sera dit que l’amour est plus fort que tout, à Marseille.
Dodo, boulot et métropole
Macron ira vite. Il le sait. Jean-Claude Gaudin n’a pas de doute. Le patron de la Métropole a la conviction que l’hôte de l’Elysée va accélérer le processus qui verra, un jour, la Métropole et le Département ne faire qu’un. Il y va bien évidemment des enjeux internationaux pour lesquels Aix-Marseille a les mensurations, mais il s’agit aussi, dans un bassin de vie de 2 millions d’habitants, de répondre d’urgence aux défis sociaux, culturels, éducatifs. Martine Vassal, la présidente du conseil départemental, s’est opportunément placée dans la roue de celui qui l’a fait petite reine. Elle connait, parce qu’il lui a en partie transmises les ficelles dont il a usé, comment calmer l’inquiétude ou l’appétit des petits maires. Dans une formule osée, qui aurait pu supporter le singulier, un de nos confrères écrivait cette semaine qu’elle compte « sur l’allégeance des maires dont elle tient les bourses ». Mme Vassal ne semble pas perturbée par cette perspective de fusion, même si elle est convaincue, pour l’heure, que c’est la Métropole qui doit s’effacer au profit du département. En tout état de cause, rien ne serait pire pour l’avenir de ce territoire qu’un front du refus. Il n’aurait pour seul objectif que de maintenir le statu quo. Dans les années 60, c’est l’erreur commise par Gaston Defferre qui a retardé l’échéance d’une aire métropolitaine ouverte sur la Méditerranée. Elle était déjà capable d’additionner ses richesses, plutôt que de se soustraire à son destin. Après un trop long sommeil, le temps est venu de réaliser les promesses de l’aube.
Parle plus bas…
A la prison des Beaumettes, où ces choses-là ne se font pas, dit-on, on parlerait d’une « donneuse ». Laurent Wauquiez président des Républicains, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et accessoirement probable candidat à la future présidentielle, a donné un drôle de cours à des étudiants lyonnais (Ecole de management). Au commencement, selon les révélations de nos confrères de Médiacités, il devait évoquer « les grands enjeux de société et de géopolitique. » Au final, comme disent les étudiants, il s’est lâché. Lynchant au passage quelques anciens compagnons de route : Gérard Darmanin et Nicolas Sarkozy. Il a stigmatisé, par ailleurs, Emmanuel Macron, coupable à ses yeux d’avoir instrumentalisé l’affaire qui a eu raison des ambitions présidentielles de François Fillon. La faute, comme le dirait l’ancien champion cycliste Richard Virenque, à celui qui a enregistré Wauquiez « à l’insu de son plein gré ». On savait le fringant patron des Républicains pressé, mais on ne l’imaginait pas capable de telles confidences imprudentes. On ignore si ses supporters Marseillais vont lui prodiguer quelques conseils pour se sortir de cette méchante ornière. Il nous revient une remarque qu’avait faite en son temps (2011) Jean-Claude Gaudin à Renaud Muselier. Ce dernier venait de faire paraître chez Jean-Claude Lattès un brûlot « Le système Guérini ». Pour joindre le geste à cette parole vive, le même Muselier avait offert en séance publique de la Métropole, l’ouvrage Gomorra (de Roberto Saviano) au président d’alors de cette institution, le socialiste Eugène Caselli. Ce dernier l’avait rejeté rageusement. Une interview de Renaud Muselier, parue plus tard, dans Le Figaro atteste que Jean-Claude Gaudin s’adressant discrètement à celui qui fut longtemps son dauphin, a ainsi réagi « Tu as raison Renaud, mais tu es très très courageux ». Tout réside dans ce « mais ». M. Wauquiez devrait se plonger dans l’histoire de la politique marseillaise. Il apprendrait que les coups d’éclat peuvent blesser durablement.
Les dépités de Marseille
C’est encore une confidence de Jean-Claude Gaudin qui a fait le buzz cette semaine. Pour avoir quitté le Sénat, le maire de Marseille a toujours ses entrées dans les palais de la République, Elysée compris. Il a la certitude que le nombre de députés va passer de 7 à 4 sur Marseille. La ville apportera ainsi sa part de contribution à la réforme que souhaite Emmanuel Macron. Elle vise à réduire le nombre de parlementaires. On peut imaginer également que ce chiffre pair simplifiera la tache de ceux qui seront chargés, dans l’avenir, de redécouper les circonscriptions phocéennes. La ville est composée de huit secteurs regroupant chacun deux arrondissements. Il ne faut pas pour autant se précipiter dans un enthousiasme béat. Si l’on consulte les précédents redécoupages, orchestrés par les divers ministres de l’Intérieur qui se sont succédé depuis l’avènement de la Ve République, on constate que l’on a moins affaire à une précision d’horloger qu’à un tripatouillage d’arrière-boutique. Mais comme le disait Charles Pasqua : « Ce n’est pas en rassemblant un borgne et un paralytique qu’on fait un champion de cross » et découper une circonscription est d’abord une course d’obstacles. Aux citoyens d’être vigilants. Et de vite apprendre le nom de leur député, avant qu’il ne soit rayé de la carte.
Les lignes de la vie
Le rapport de Jean-Cyril Spinetta, ancien patron de KLM Air France, qui vient d’atterrir sur le bureau du Premier Ministre, Edouard Philippe, promet des semaines telluriques en région. Il y a de fortes chances que les cheminots entament un long mouvement de résistance pour contrer les conclusions qui, selon eux, mettraient en danger leur statut. Les utilisateurs Marseillais ou Aixois sont suffisamment habitués à ces grèves, pour ne pas être troublés par ces futurs mouvements. Le rapport reste cependant éminemment intéressant. D’abord, parce qu’il anticipe sur ce qui va mécaniquement se produire en 2019, soit l’ouverture à la concurrence. Ensuite parce que les lignes qui vont être impactées seront justement celles qui assurent le transport en région et dans le péri-urbain. Les Régions qui investissent dans ce domaine, devront se préparer à accueillir la concurrence et les mieux-disant. Pas simple. Il faudra notamment prévoir le transfert des personnels de la SNCF dans ces sociétés. Mais il y va d’une longue histoire, de traditions, d’acquis, que la famille des cheminots n’a pas l’intention de laisser brader. L’exemple de l’Allemagne atteste que la gageure est possible. Attendons comme, on dit si souvent, sur les quais des gares.
Pablo autour de Vauvenargues
« Je n’évolue pas, je suis. Il n’y a en art, ni passé, ni futur. L’art qui n’est pas dans le présent ne sera jamais. » Il repose au pied de Sainte-Victoire, là où la montagne se drape lentement de tièdes couleurs, lorsque le soir gagne les champs et les arbres. Un peu comme Cézanne en sa bonne ville d’Aix, Pablo Picasso et les siens n’ont pas été accueillis en triomphe, lorsque le maître a acquis un château au creux d’une pente de Vauvenargues. Il est enterré là au pied d’un escalier à double révolution, le maître de Guernica, mais son actualité nous dit qu’il n’est toujours pas mort. D’Arles au Mucem, de la Vieille Charité à Aix, jamais on aura autant célébré celui qui bousculait les formes pour en révéler l’essence. Il faut savoir gré au musée Picasso de Paris de diffuser ainsi cette œuvre majuscule qui embrasse si large. Un grand projet est en train de naître à Aix-en-Provence en lieu et place de l’ancien collège des Prêcheurs. Ceux qui se battent depuis longtemps, pour que partie de ses 40 000 œuvres soit visible ici, sur ce balcon méditerranéen, n’auront pas prêché pour rien s’il aboutit. Hasta la victoria siempre…