Un peu berné
Abondance de biens ne nuit pas. Nous nous félicitions ici même, il y a peu, de constater que le vénérable marégraphe, qui s’accroche depuis le 19e siècle à ce qui est devenu la corniche Kennedy, allait être sauvé. Notamment par la prise de conscience d’un Marseillais, Renaud Muselier, président de la Région qui annonçait apporter les 50 000 euros de subvention nécessaire, pour sauver ce monument aussi historique que scientifique. Quelques jours plus tard, l’édifice apparaissait aussi dans une liste dévoilée par Stéphane Berne, devenu, par la grâce du président Macron, M. Patrimoine. Le marégraphe profitera donc de cette royale vague d’écus. On espère un sort semblable pour l’abbaye de Montmajour, une merveille forteresse encerclée de lumière qui avait, en son temps, figé d’admiration un certain Vincent Van Gogh. Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette perle du pays arlésien, il faut se précipiter admirer ce vaisseau de pierre, échoué sur les champs infinis d’oliviers, de roseaux et d’herbages. Sur ce piton, des moines ont sculpté dans la roche leurs tombes au pied des remparts, comme un chapelet qui dirait encore les prières de ces fantômes d’un autre temps. Si le mistral est de la partie, vous entendrez peut-être leurs chants, racontant le XIe siècle où ils vécurent dans ce refuge de la foi.
L’éloquence en partage
Pour son 30e concours de l’éloquence, les Lions club du district 103 du sud-est étaient les hôtes du Conseil départemental pour recevoir quinze lycéens (photo) et les juger à partir du développement d’une citation de Jean Rostand « La science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d’être des hommes ». La modernité de la réflexion valait que ces jeunes gens puisent, dans leur culture en construction, les éléments qui infirment l’affirmation ou au contraire démontrent à quel point Rostand était prémonitoire. Ils y sont parvenus magistralement y ajoutant le poivre de l’éloquence qui fit de cet après-midi de confrontation un banquet de choix. Jean-Pierre Gourdain, comédien, qui présidait le jury avec à ses côtés Richard Martin, directeur du Toursky, Cathie Faner professeur de Français, Claude Goulon, Michel Durand et Philip Farrugia du Lions (et – c’et accessoire – votre serviteur) ont été bluffés par la qualité des interventions. Bruno Genzana qui représentait Martine Vassal a même vu pointer là quelques futurs orateurs et autant de concurrents possibles pour les estrades politiques. In fine, c’est une petite perle venue d’Alès qui grapillait la quasi unanimité du jury. Lola Coveli, qui concourra désormais pour le sud-est au plan national nous venait d’Alès et du haut de ses 16 ans (elle est en première S) a toisé l’adversité avec une énergie incandescente. Elle nous confiait après son triomphe vouloir devenir « actrice ». Ce jeudi lumineux elle a tenu son premier rôle et à la barre du Vaisseau Bleu a amené le public étonné au grand large…
Faure… à faire
Son prénom très provençal, Olivier, l’autorise sans doute à châtier bien. D’autant qu’il aime comme il le dit et le redit son PS. Le nouveau patron des socialistes selon Le Canard Enchaîné veut en finir avec les mœurs des camarades des Bouches-du-Rhône. Vaste programme. Il veut notamment balayer définitivement ces fausses cartes qui ont empoisonné, des décennies durant, ce grand corps malade – certains diront ce cadavre – qu’est désormais le PS. A ceux qui regretteraient déjà le bon temps du bourrage des urnes, on peut opposer cette affirmation de celui qui fut longtemps le grand chef pour les uns, le parrain pour quelques autres. « La nostalgie ne sert à rien. L’important est de bien utiliser le temps dont on ne peut arrêter l’écoulement. » Ainsi parlait dans sa grande sagesse Gaston Defferre, avant de mettre en 1986 un genou à terre victime des méthodes qu’il avait si longtemps contribué à pérenniser. Olivier Faure s’attaque donc à ce qui a été longtemps considéré comme une citadelle imprenable. Il n’aura à sa disposition que de maigres troupes et Nora Mebarek, la toute nouvelle Première secrétaire de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône qui croit ferme à la renaissance du PS. En attendant, le dernier scrutin interne a révélé que dans le 13, les métastases étaient encore très présentes et que le danger de mort clinique était toujours à craindre. A moins de s’accrocher à cette certitude de Jean Jaurès : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir ».
Supplément d’âme
L’architecture est séduisante car elle a favorisé la lumière dans un quartier où le béton a peu à peu grignoté l’espace. 23 000 mètres carrés et 50 boutiques balançant entre friandises et fashion. Puis bien sûr la locomotive commerciale : les Galeries Lafayette réparties sur plusieurs étages au cœur desquels l’astucieux positionnement des escalators à faire le tour des rayons. S’ajoute à cette nouvelle agora commerciale un Zara qui montre ses muscles et s’autoproclame le plus grand d’Europe. A deux pas du Vélodrome, voilà un titre prometteur. Pour autant ce « Prado » n’a pas encore la réputation du palais qui, à Madrid, accueille un des plus beaux musées du monde. Il lui manque encore une âme et, à part celui que d’aucuns décrivent régnant au-dessus de nos têtes, personne n’a encore trouvé la recette pour la faire naître. La question que l’on peut se poser légitimement, en déambulant sur les terrasses qui se succèdent comme autant de restanques, est assez simple au fond : quel public pour ce Prado ? La mixité qui fonde aujourd’hui la ville s’imposera-t-elle où verra-t-on se dessiner dans ce quartier une enclave de plus. L’avenir le dira.
La parole face aux prêches
Les témoignages, les reportages, les livres se succèdent et tous confirment ce qu’une expression désormais admise annonce depuis longtemps : « il y a des territoires perdus de la République ». Faut-il s’y résoudre ? Ce serait aussi criminel que de désigner tel ou tel bouc émissaire ? Ce serait injuste pour ceux qui pied à pied se battent quotidiennement pour ces quartiers et ces enfants. Ils sont enseignants, éducateurs sociaux, élus et ils méritent au-delà de notre considération notre aide. Marseille peut être, si quelques volontés émergent, un laboratoire pour contrer ce que d’aucuns estiment irréversibles. Le dialogue interreligieux, une système éducatif adapté, des infrastructures dignes de ce nom sont parmi les solutions qui peuvent endiguer l’obscurantisme, la voyoucratie, la démagogie. Quelques-uns ont choisi de prospérer sur ce mauvais humus mais nombreux sont ceux qui veulent bousculer cette donne mortifère. Faut-il encore que ceux qui peuvent porter la parole démocratique se dressent pour faire taire les prêches féodaux.