Parce que Marseille
Cette ville est celle de tous les éclats. De toutes les outrances, diront certains esprits chagrin. C’est vrai qu’elle crie trop fort mais c’est le passage obligé pour celui qui veut se faire entendre. Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron ne s’y sont pas trompés appelant à l’universel que symbolise si bien cette cité de plus de 2600 ans. L’entourage du premier confiait qu’il lui en avait pourtant coûté en 2012 d’avoir été salué sur les plages du Prado par des youyous enthousiastes. Sur le vieux port c’est pourtant cet élan et cette insoumission qu’est venu chercher le leader de la France insoumise. Il veut des jours debout même si les nuits se sont si vite assoupies. Marseille avec les canons de Louis XIV tournés vers elle, ses fédérés fondant sur Paris pour sauver la 1ère République, sa résistance à l’occupant et à René Bousquet organisant la rafle du Vieux-Port, ses gloires éternelles ou éphémères, est et sera longtemps l’emblème d’une France dépenaillée, canaille, anarchique mais dans le même temps résistante, créatrice, féconde. Il est heureux que présidentielle après présidentielle elle ait encore cette réputation-là.
L’instant d’après…
La présidentielle passée il sera une fois de plus assez plaisant de voir comment se recompose le paysage politique phocéen et au-delà bucco rhodanien. Partons de l’hypothèse que le FN n’arrive pas à briser le plafond de verre qu’on évoque à chaque analyse de sondage. Et qu’il ne reste que deux probabilités : Emmanuel Macron et François Fillon. A gauche, qui tirera le premier pour dire qu’il a toujours pensé que l’avenir est à une alliance avec le centre ? Qui se souviendra qu’il soutenait Valls ou Hamon ? Qui aura envie que les écologistes, arme d’autodestruction massive, jouent encore un rôle ? Quel communiste osera dire que cette faillite était prévisible ? Faire des pronostics aujourd’hui relève de l’astrologie plus que de la science politique. A droite, qui sera capable de revendiquer un leadership ? Qui ira reprocher à Jean-Claude Gaudin son silence assourdissant ou son soutien du bout des doigts à Fillon ? Qui pourra défendre un programme qui vise à réduire le nombre de fonctionnaires dans la fonction publique ? Qui dira que l’hégémonie syndicale est terminée ? Quel que soit le nouveau président, les partis anciens devront se soumettre. A moins que, comme toujours dans notre ville et notre département, ils revendiquent un particularisme qui impose de mettre le frein à main avant d’enclencher toute réforme.
Les yeux de Pâques
Une de nos parlementaires, Valérie Boyer, expose volontiers ses convictions religieuses en exhibant une imposante croix dans l’hémicycle ou à la télévision. Elle avait justifié sa rencontre avec Bachar al Assad le dictateur syrien, en arguant qu’elle se préoccupait du sort funeste réservé aux chrétiens d’Orient par un islam intolérant. Elle fait également partie de ces députés qui à l’instar du Vauclusien Thierry Mariani estiment que Vladimir Poutine est une pièce maîtresse dans la guerre que livre l’Etat islamique au monde occidental. Les géo-politistes ont admis que le raisonnement n’était pas dénué de fondement même si beaucoup s’interrogent sur les objectifs finaux poursuivis par le maître du Kremlin. Mais voilà, il y a aussi à Damas un homme qui se moque des résolutions internationales et n’hésite pas à massacrer son peuple. Il vient de faire usage d’armes chimiques et des enfants sont morts dans des souffrances sans nom. Les chrétiens célèbrent Pâques et vont inlassablement dans les églises de Marseille et d’ailleurs diffuser le message de paix de Jésus. Entendra-t-on Mme Boyer manifester un peu de compassion pour les petites victimes de Syrie. Elle a essuyé avec une belle bravoure la pluie au Trocadéro. Sous le soleil revenu, un mot de sa part donnerait un peu d’éclat à sa croix…
Les mots qui trahissent
Un de nos confrères de la presse écrite régionale relatait comment, lors d’un meeting à St Rémy où la vedette devait être tenue par Laurent Wauquiez président de la Région Auvergne Rhône Alpes, il avait fallu « meubler la scène ».On aura compris en fait que celui qui était chargé de cette tâche Bernard Reynès député-maire LR de Châteaurenard devait « meubler le temps ». Un TGV en retard était la cause de cet embarras. Sans faire de psychanalyse de bazar et puisqu’il s’agissait d’une réunion publique en faveur de François Fillon faut-il comprendre, en creux, que les ténors de Républicains passent leur temps en effet à « sauver les meubles » dans un camp où débandades et trahisons sont aussi quotidiennes qu’exponentielles. Là encore si on se réfère aux réseaux sociaux, les élus régionaux de cette formation se font remarquer, à quelques exceptions près, par leur absence, comme s’ils planquaient leurs meubles. Il y a quatre mois ils étaient pourtant encore nombreux à prédire à leur héraut une élection dans un fauteuil et ils étaient prêts à se mettre à table pour se partager le butin. Désormais, ils meublent le temps en attendant qu’il passe vite.
Souvenir, souvenirs…
Certains rapatriés d’Algérie rêvent à Marseille d’une maison où l’on évoquerait le patrimoine culturel de cette terre où reposent pour beaucoup d’entre eux encore leurs ancêtres. La revendication est légitime et, à l’heure où montent une nouvelle fois les périls, il est plus que nécessaire de savoir d’où l’on vient pour tenter de discerner où l’on va. Faut-il limiter cette belle ambition aux seuls pieds noirs dans cette ville de Marseille où tant de mémoires sont rassemblées. Ne faut-il pas emboîter le pas à ce bel enthousiasme pour aller plus loin encore et au moins, pour les deux derniers siècles, mettre en commun tous ces patrimoines mémoriels qui font la complexité et la singularité de cette ville. Qui se souvient des Brûleurs de loups, cette brasserie considérée dans les années 40 et jusqu’aux années 50 comme un second Flore. Là se retrouvaient des intellectuels en partance pour l’Amérique ou l’Angleterre car, menacés par les nazis ou l’Etat collaborationniste français. Notre précieux confrère Alain Paire raconte avec talent cette épopée sur son blog. Aujourd’hui c’est l’OM café qui a pignon sur rue en lieu et place des « Brûleurs de Loups » sur le quai des Belges. Il serait magnifique ce musée des musées qui raconterait Albert Camus, Jules Roy, Robert Merle, Max Ernst, André Breton, Anne Seghers, tant d’autres… mais aussi le pastis, l’anisette Cristal, la friture du golfe, la kémia… mais encore l’art de vivre, de tchatcher, de galéjer… A l’heure où l’on fustige la tendance communautaire, créer une communauté de cultures serait un exemple considérable.
Entre embellissement et enlaidissement
La rue de Rome résume à elle seule la difficulté que Marseille rencontre lorsqu’elle essaie de maquiller ses faiblesses. Le tramway y a désormais fière allure. Force est de constater que malgré les Cassandre prédisant qu’il allait doublonner la ligne de métro circulant dans le ventre de l’artère, il transporte dans ses rames un panel apaisé de la mixité sociale. Reste les boutiques. Avec les travaux au long cours que la rue a dû subir leur chiffre d’affaires est exsangue. Elles ont du mal à se rafraichir à l’instar des immeubles que les propriétaires laissent se dégrader au fil des années. Faut-il que la ville apporte quelques aides incitatives pour que ce cordon ombilical urbain soit à la hauteur d’autres rénovations programmées ? Les services publics comme la poste ne doivent-ils pas montrer l’exemple en apportant aux utilisateurs un peu de confort ? L’insécurité et le manque d’hygiène sont-ils consubstantiels à ces quartiers qui réunissent les pires misères et quelques discrètes opulences ? On rêve du jour où l’on cheminera de Castellane à la porte d’Aix avec le même plaisir.