En l’occurrence
Comme à Paris c’est une société privée qui a comptabilisé ce jeudi pour le compte de La Provence le nombre de manifestants battant le pavé à Marseille. Le cabinet « Occurrence » avec des méthodes qu’il est difficile de contester, a avancé le chiffre de 5 700, quand la préfecture de police arrondissait à 5 000 et que la CGT qui n’a peur de rien, et surtout pas du ridicule, voyait sur les artères marseillaises un flot de 65 000 personnes. Un des sens du mot occurrence est de signaler la simultanéité de deux fêtes religieuses. C’est sans doute pour cela que la centrale de Philippe Martinez croit en ces données comme d’autres assuraient naguère qu’un prophète avait multiplié les pains (le miracle aurait eu lieu deux fois). Mais peut-on à ce point et si longtemps inventer un peuple. La « colère », comme le disent les acteurs du mouvement social qui tente de bégayer le printemps 68, peut paraître légitime mais comme le disait Napoléon Bonaparte « le mensonge passe, la vérité reste ». Que restera -t-il de la colère si quelques-uns veulent la confisquer à leur seul profit ?
Et puis la convergence
C’est à la fois un mot et un vœu. Les Insoumis se tortillent dans le champ lexicologique depuis plusieurs semaines pour s’imposer comme leaders politiques des mouvements sociaux en cours, tout en évitant de heurter de front la CGT qui joue dans cette période son avenir dans le secteur public après avoir laissé sa place à la CFDT dans le secteur privé. Jean-Luc Mélenchon l’a bien compris et s’est glissé avec gourmandise dans un défilé marseillais. Il l’a d’autant plus fait qu’il sait qu’à Marseille la gauche n’a plus de figure et on pourrait même utiliser cette dernière formule dans son sens le plus trivial. Sur un plateau de télé, commentant les images du Vieux-Port, le directeur de L’Humanité, Patrick Appel-Muller, faisait remarquer que Jean-Marc Coppola figurait parmi les personnalités qui défilaient sous le soleil. Ce n’est pas faire injure au conseiller municipal communiste mais Mélenchon ne joue pas tout à fait dans la même division. Tribun professionnel, il a donc attiré tout naturellement la petite foule de micros qui se tendaient et il en a profité, sans l’air d’y toucher, pour tirer la couverture à lui et aux Insoumis. Au passage, il n’a pas semblé, ce jour-là au moins, se plaindre de ce qu’il appelle le parti médiatique. Et de qualifier ses adversaires du gouvernement de « capitaine Haddock ». Les Tintin de service ce samedi-là n’ont pas osé lui demander s’il se prenait lui pour Rackham le rouge, pirate mythique de la BD.
Des vertus de la fusion
A part une poche de résistance à la faculté Saint-Charles, Marseille et Aix n’ont pas renoué en terme de contestation avec un passé turbulent et parfois violent. Difficile, il est vrai de faire entendre sa dissidence dans une université devenue depuis janvier 2012 une mégapole avec près de 70 000 étudiants. La fusion des trois universités (Cézanne, U3, Méditerranée, U2, Provence, U1) aura eu entre autres pour conséquence de noyer dans la masse les foyers rebelles. D’autant que cette nouvelle donne ne s’est pas accompagnée de l’émergence d’un syndicat étudiant fort. Le passé qui fut parfois orageux n’est même plus résiduel et les représentants étudiants ont été habilement notabilisés par les responsables universitaires. Lorsqu’on observe les dégâts de Rennes, Toulouse ou, à Paris de Tolbiac on ne peut finalement que s’étonner de la situation d’Aix-Marseille où d’aucuns voient une « convergence des luttes ». Pour autant, certains questionnements, ici comme ailleurs, restent légitimes. Le calme relatif ne doit pas masquer l’épaisseur des problèmes. Et à Saint-Charles, mais sur d’autres sites de la région aussi, les parents pauvres de l’université sont nombreux.
Marche arrière toute
Il devait y avoir une journée pour le célébrer ce week-end à Martigues. Dans sa ville natale, bien que communiste depuis longtemps, quelques-uns préservent discrètement le souvenir de Charles Maurras. On ne sait si c’est le fondateur de l’Action Française condamné à la Libération pour intelligence avec l’ennemi en 1945 ou l’antisémite notoire à qui on voue ainsi un culte. Celui qui parlait ainsi de Léon Blum en 1934 : « C’est un monstre de la république démocratique, un détritus humain. C’est un homme à fusiller, mais dans le dos. ». On nous objectera que la prose d’un certain Georges Clémenceau ne faisait pas non plus dans la mesure, quelque vingt ans auparavant, pendant la guerre de 14-18 : « Pour les traîtres douze balles dans la peau. Pour les demi-traitres six balles suffiront ». Ainsi allaient les polémistes, le cyanure au bout de leur plume. Les amis de l’ancien pamphlétaire devaient se réunir chez les dominicains martégaux en cette fin avril. Justement, on dit de leur saint patron qu’il recommandait à tous « d’étudier sans relâche et à mourir pour la foi ». Il doit bien y avoir dans une des bibliothèques de Martigues un livre qui rappelle que Maurras et ses amis ont nourri l’antisémitisme qui a conduit aux rafles et à l’extermination. Il faudrait peut-être étudier de près ces témoignages et vivre pour sa foi.
Heureusement Charlie…
Les insoumis se sont trouvé un nouvel Albert Londres. Alexis Corbière s’est même fendu d’un compliment appuyé à Jean-Jacques Bourdin (quelque peu gêné par ce fan) qui le recevait dans son Bourdin direct. A écouter ceux qui ont créé un Média, pour lutter contre la sphère médiatique qu’ils jugent hostiles à leurs idées, Bourdin et Edwy Plenel ont remarquablement fait leur travail, face à Emmanuel Macron, en évitant de rappeler qu’il était président de la République et en privilégiant les seules questions susceptibles de le désarçonner. A regarder à la Une de Charlie, c’est un peu raté et ce sont les deux journalistes qui sont sortis cabossés de cette confrontation. Finalement, c’est le directeur éditorial de La Provence, Franz Olivier Giesbert, qui aura eu l’analyse la plus incisive, même si ce libéral-libertaire n’a pas abusé de confraternité. FOG dit de Plenel, qu’il n’aime visiblement pas, qu’il a joué face à Macron « l’idiot utile ». C’était au micro d’Audrey Crespo Mara, sur LCI. La seule chose dont on est sûre, c’est que les plus de deux heures d’émission ont été largement suivies sur cette chaîne d’information continue (BFM TV) peu habituée à de telles audiences (près de 3,8 millions de téléspectateurs). Mais à Marseille comme ailleurs c’est la castagne que nombre d’entre eux ont retenue et dans ce deux contre un, Macron n’a pas été forcément à son désavantage.
Chaud devant
Les gendarmes viennent d’achever leurs investigations dans divers services de la mairie de Marseille. On ne sait s’ils ont trouvé des cadavres dans les placards, mais il y a fort à parier qu’ils ont recueilli force documents susceptibles de renforcer le soupçon qui pèse sur maints services. Faut-il pour autant se précipiter et prédire la fin de ce fonctionnement qui perdure, si l’on en croit les plus anciens, depuis plus de 70 ans ? Laissons les enquêteurs enquêter et les magistrats instruire. Si ce nouvel épisode judiciaire devait faire date, ce serait après tout de bon augure pour la grosse machine que l’Etat compte lancer avec les élus qui la réclament : la métropole. Les écuries d’Augias enfin nettoyées, on pourrait enfin imaginer une organisation territoriale performante, citoyenne, utile au plus grand nombre. Mais il faudra d’ici là avoir déconstruit ce système que des politiques de gauche et de droite ont laissé perdurer ou ont encouragé. On parle même d’emplois fictifs, mais c’est le réel que veulent appréhender les gendarmes.