La vérité si je mens
Depuis l’Irlande, ses pubs et ses promontoires verdoyants, Jean-Claude Gaudin, comme un De Gaulle après la défaite, mesurera ces prochains jours, à l’aune des réactions de ses ennemis et amis, le poids réel de la sincérité. Il a renoncé à la présidence de la Métropole qu’il a assumée, confie-t-il, quasi contraint, pour éviter que le territoire à qui il a consacré l’essentiel de sa vie, ne passe à côté de la chance historique de s’amarrer au pays réel. On a vu du coup un Eugène Caselli (PS) revendiquer, sans sourciller, sa part de mérite, un Michel Pezet ironiser sur des prétendants à la succession qui n’auraient, pour objectif, que « d’inaugurer des places de l’église », une Maryse Joissains (LR) se faire violence pour vanter les mérites de son voisin marseillais, un Renaud Muselier (LR), les poings un temps desserrés, pour ne pas insulter l’(son) avenir… La liste est longue, comme une file d’attente qui murmure le jour des grands enterrements. Pour autant le maire de Marseille, aura mené le combat nécessaire pour faire entrer la région marseillaise dans la dimension qui lui permet d’envisager un avenir possible. Lui qui a si longtemps pratiqué le saupoudrage à l’égard des petits maires, ces grands électeurs si utiles pour sa carrière au Sénat, a dû tonner plus fort, pour inscrire l’intérêt général dans les gènes du territoire. On le dit épuisé, à 79 ans, par cette famille politique qui finalement aura été la seule qu’il aura tenté de construire. On le serait à moins.
Vassal de personne, qu’elle dit…
Martine Vassal sera sans doute élue au mois le 20 septembre présidente de la Métropole. A la barre déjà du département, cette promotion devait faciliter la perspective que beaucoup croient désormais inéluctable : la fusion entre les Bouches-du-Rhône et la métropole Aix-Marseille Provence. Dans une très longue interview à La Provence, l’élue départementale et métropolitaine apporte quelques « rassurances » à ceux que ce bouleversement géopolitique inquiète, autant qu’il les menace dans leur pré-carré. Et de promettre aux Arlésiens un aménagement des berges du Rhône pour renforcer la politique économico- fluviale de l’ouest bucco-rhodanien. D’assurer à la maire d’Aix qu’elle pourra « récupérer » pour elle et ses communes du Pays d’Aix quelques prérogatives. Comme du reste les mairies de secteur de Marseille qui, pour la propreté, « sont plus à même de gérer cette proximité ». Bon soyons clair Mme Vassal qui, à l’écouter, ne dépend de personne, n’a pas à trainer d’autres boulets que celui d’une ambition métropolitaine. Pour Marseille et la succession de Jean-Claude Gaudin on est prié d’attendre – « ma priorité, ce ne sont pas les municipales » – même si elle désigne d’ores et déjà Jean-Luc Mélenchon, comme l’adversaire numéro 1. Elle peut spéculer sur l’avantage que lui donne un récent sondage (24% face au 21% du leader de la France Insoumise) à l’identique ou presque de ce que recueillerait son « ami » Renaud Muselier dans une autre consultation (25%). Comme l’écrit l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert, on assisterait donc à une « révolution tranquille, sans guillotine ». Sauf que, selon le dicton, « l’ami d’aujourd’hui est l’ennemi de demain ».
Le droit de faire savoir…
Puisqu’ils nous demandent de les croire, n’en faisons rien. Principe de précaution oblige. Nombreux dans la sphère politique sont ceux qui jurent sur la tête de leurs militants (lorsqu’ils en ont encore) que l’heure n’est pas venue à Marseille, d’avancer ses pions pour la succession de Jean-Claude Gaudin. A l’exception notable de Stéphane Ravier (FN) qui rêve de faire front à l’ensemble de « l’establishment », selon l’expression favorite de son mentor Jean-Marie Le Pen, tous les autres affirment qu’ils n’en sont pas… en tout cas, pas maintenant. Certes Christophe Castaner ne « s’interdit rien » tout en gardant ses distances. Valérie Boyer non plus et surtout pas les formules assassines. Y compris quand elles visent son propre camp et notamment Alain Juppé qu’elle estime aussi libéral qu’il y a de cheveux sur son crâne. Jean-Luc Mélenchon a choisi lui le langage des signes ou plus exactement celui des signaux : il brûle d’un amour tout neuf pour l’OM et le football, choisit Marseille pour sa rentrée politique, et assure qu’il ne pourrait plus se passer de la vue sur le grand large méditerranéen. Au PS, ou ce qu’il en reste, Benoit Payan pointe du doigt, avec un bel entêtement, les thématiques (Environnement, écoles, vie quotidienne) où la municipalité n’est pas selon lui à la hauteur des enjeux et urgences. Et puis ici et là, dans la droite républicaine, quelques ambitions tentent de s’afficher dans l’ombre épaisse de Martine Vassal et Renaud Muselier. Bruno Gilles qui, après ses ennuis de santé, fait savoir qu’il a pour sa ville du cœur à revendre. Yves Moraine (6/8) nous (se) souhaite une « bonne rentrée » sur les panneaux électoraux, quand Lionel Royer Perreaut (9/10) ose un « votre maire » sur son portrait placardé dans ses deux arrondissements. Les municipales c’est en principe dans deux ans. En principe.
Macron lance les Européennes à Marseille
Est-ce la proximité de l’Italie, la présence massive de migrants, ou encore le fait que le port est une escale obligée pour les humanitaires de l’Aquarius ? Toujours est-il qu’Emmanuel Macron a tenu à inviter sa principale partenaire européenne à Marseille. Une façon de lancer, en filigrane d’une réunion bipartite, les Européennes qui seront pour le Président de la République une étape décisive de son quinquennat. Il aura trois adversaires résolus à le faire chuter, le FN, les Insoumis et les Républicains. Ces derniers auront une difficulté majeure dans la confrontation qui s’annonce. Comment plaider pour une Europe libérale face aux vagues attendues des populismes de droite et de gauche. Une Martine Vassal trahit cette difficulté lorsque dans une même phrase elle affirme qu’on ne peut pas « continuer à accepter des hordes de migrants » tout en rappelant que « nous sommes pour beaucoup d’entre nous des enfants de migrants ». Une aubaine pour Jean-Luc Mélenchon qui depuis son estrade marseillaise dénonce les « contre humanistes » que seraient selon lui notamment Merkel et Macron. Sous le miroir complice de l’ombrière, il va jusqu’à qualifier l’hôte de l’Elysée de « xénophobe ». Quelques heures après au « hasard » d’une rencontre imprévue avec le président sur le vieux port, il n’assumera pas ce propos, la presse ayant sans doute une fois de plus visé à lui nuire. Voilà en tout cas le débat engagé et on a compris que l’Europe servira surtout d’alibi, tout autant que Marseille sera l’otage de quelques partis europhobes.
Le Mucem pour vitrine
Les Français auront encore approché la réalité marseillaise à travers la loupe tendue par ceux qui ne peuvent se résoudre à la voir progresser. L’insécurité bien sûr et l’entêtement à déceler une mafia, là où il n’y a que des bandes de quartiers s’entretuant à l’arme de guerre. La pauvreté encore et toujours et le constat d’une école privée à la santé éclatante, face à une école publique érodée par des décennies de non-assistance à structure en danger. La pollution avec une Méditerranée malade du trop plein déversé et une ville où l’incivilité le dispute au laisser-aller des services du nettoiement. Il y a heureusement l’antidote à ce poison de la mauvaise réputation. L’OM qui a enfin retrouvé l’âme guerrière qui peut lui permettre de faire chuter les princes. Le Mucem surtout qui s’impose comme le Beaubourg du grand sud. Avec Weiwei le musée a été propulsé dans la cour des très grands (l’exposition est visible jusqu’au 12 novembre prochain) et l’artiste chinois a su rendre à la ville ce qu’elle avait donné à son père le poète Ai Qing qui parlait pourtant en 1933 en ces termes du port par lequel il avait découvert l’occident : « Marseille pays de brigands, ville terrible ». Des milliers de visiteurs sont venus vérifier sous la dentelle de béton que Marseille avait plus d’un atout dans son sac et tant de choses à dire encore.
Il suffirait de presque rien…
On y vient, mais, sans filer le paradoxe, trop lentement. Fleurissent en effet dans nos villes les ralentisseurs et les injonctions à ne pas dépasser les trente à l’heure, c’est-à-dire la vitesse d’un vélo filant à bonne allure. Dans les communes du Pays d’Aix et les chemins qui y conduisent, c’est désormais la règle et pas un touriste se plaindra de découvrir ainsi les paysages de Cézanne, tels qu’en eux-mêmes. A Marseille s’y engage, mais il y a encore de la route à faire et à équiper. Un ami en villégiature s’étonnait cet été du peu de personnes présentes sur le banc à rallonge de la Corniche Kennedy. Après s’y être à son tour posé quelques minutes, il compléta son analyse. « Avoir devant soi un paysage paradisiaque et devoir supporter l’enfer de la circulation dans son dos, c’est une vraie torture… » Et sans doute la plus incroyable absurdité de cette ville incapable d’exploiter le filon que représente sa baie. La récente braderie de la rue Paradis a pourtant démontré, en recueillant un très beau succès, que lorsqu’on mettait fin à la dictature automobile, les piétons s’emparaient aussitôt du centre-ville qu’on ne cesse de dire agonisant. Aux dernières municipales on avait cru voir poindre (Patrick Mennucci, PS) la volonté de cette reconquête. Depuis la horde sauvage a réinvesti nos rues et le bord de mer. Difficile de faire entendre sa voix quand pétarade les deux roues et 4×4 déchaînés.