Un gilet jaune sur le rétro
Comment distinguer ceux qui approuvent et ceux qui désapprouvent. Ainsi va le mouvement des gilets jaunes, depuis sa naissance il y a plus d’un mois. Au commencement rappelons-le, il y avait une taxe réputée « écologique » qui a fait l’effet d’une bombe chez les automobilistes. Particulièrement pour ceux qui doivent utiliser leur véhicule, au quotidien, pour se rendre dans leur entreprise ou leur administration. A cet instant « t » se sont bien évidemment agrégés toutes sortes de mécontents : l’artisan, l’employé, de fonctionnaire, le commercial, le routier, l’ambulancier… liste non exhaustive. Mais ce mouvement sorti de la nuit des temps, puisque nos sociologues les plus éclairés jurent qu’il mijotait depuis plusieurs décennies, allait rencontrer une surprenante unanimité. Une sorte de populisme populaire, assurait-on sur tous les plateaux des chaînes continues. Du coup les ronds-points que nos édiles ont eu la bonne idée de construire, à prix d’or, au moindre carrefour, devenaient le lieu de leur démocratie pour les gilets jaunes. Une sorte de consultation permanente à bulletin ouvert. Un gilet jaune sur le tableau de bord, un coup de klaxon, et se dessine ainsi une majorité favorable à la mise à l’écart d’une taxe jugée abusive. Le reste n’était pas prévu. Les récupérateurs, les casseurs, les défaiseurs de République. On vit encore et encore nos sociologues expliquer doctement que certains, en particulier les périurbains, condamnés à l’ennui et l’isolement des zones pavillonnaires, avaient retrouvé là une famille, un groupe d’amis, un village, un quartier. A Fos sur Mer on a même eu droit à un drame familial deux concubins se disputant avec violence et entraînant une bagarre générale. La saynète fut décrite par un gendarme comme un épisode « à la Zola ». [pullquote]Que seront devenues les figures vues et revues sur les chaînes d’info continue et auxquelles fut offert sans la moindre contradiction un temps de parole insensé ?[/pullquote] La mythologie du mouvement a donc ses hauts et ses très bas. Qu’en restera-t-il dans quelques jours ? Le ferronnier du Vaucluse, Christophe Chalençon, aura-t-il réussi à convaincre le général De Villiers de prendre les choses en mains, d’écarter le danger islamique et les cercles judéo-bancaires qu’il dénonce dans la macronie ? Sa nouvelle organisation républicaine, expliquée sur Facebook à la manière d’un universitaire politologue, vaut son pesant de truffes. Et Mathieu Blavier, étudiant en droit, artisan en jus de pomme, qui, un temps, s’était auto-proclamé leader des gilets jaunes des Bouches-du-Rhône atteindra-t-il la notoriété d’une Priscillia Ludosky ou d’un Maxime Nicolle invités vedettes, ce samedi, de la manif marseillaise ? Que seront devenues les figures vues et revues sur les chaînes d’info continue et auxquelles fut offert sans la moindre contradiction un temps de parole insensé ? Maurice Thorez le chantre de la CGT et du PC disait qu’il fallait savoir arrêter une grève. Mais peut-on sans risque d’erreur transposer les réalités d’hier à celles d’aujourd’hui ?
Un vrai faux départ
L’année 2018 aura été l’annus horribilis, pour Jean-Claude Gaudin. L’expression fut utilisée, en 1992 ; par la reine Elisabeth qui avait dû faire face à des épisodes orageux dans sa famille et, comble de l’horreur, la proclamation de la République à l’île Maurice. Le maire de Marseille a vu disparaître en quelques mois un de ses péchés mignons, le Sénat, où il aimait tant, dans les salons cossus, faire rire son monde en révélant quelques petits secrets de la vie politique. Puis ce fut son ancien premier adjoint qui, sans précaution oratoire, le percuta de plein fouet. Renaud Muselier l’accusait d’avoir fait un ou deux mandats de trop, mais surtout de s’être commis dans des combinaisons mafio-politiques avec Jean-Noël Guérini. Il dut aussi accepter les salamalecs d’un Jean-Luc Mélenchon, lui rendant des hommages appuyés dont il se serait passé. Ce fut enfin la tragédie du quartier de Noailles, où il avait depuis trois mandats si peu mis les pieds, et où il découvrait que ses élus et ses hauts fonctionnaires avaient fermé les yeux, sans jamais l’en avertir, sur la gangrène de l’habitat indigne. La courtoisie du président Macron à son égard, ne pouvait effacer toutes ces épreuves. Le plus dur reste à venir, car, avec les municipales de 2020 l’heure du bilan final approche. La biographie la plus complaisante aura du mal à convaincre les élus de son camp qui veulent s’engager dans la bataille à venir, à revendiquer l’héritage. Il se consolera peut-être avec cette phrase d’Alain Duhamel : « De Gaulle n’a pas d’héritiers et il n’en aura pas parce qu’il est hors normes ! »
Et déjà les Européennes…
A part Florian Philippot qui a déposé sans rougir sa marque « Gilets jaunes » à l’Institut national de la propriété industrielle et Nicolas Dupont Aignan qui arrose d’abondance les panneaux d’affichages de l’aire métropolitaine, on parle peu des Européennes à Marseille. On annonce ici un futur ex-président d’université comme candidat sur une liste LR. On parle là d’un possible rapprochement entre les écolos de Jadot et les ex-socialistes de Génération S (Hamon). On se réjouit là-bas d’un début de dynamique retrouvée pour le PCF. On recherche partout des marcheurs susceptibles d’affronter la tempête. Cette élection reste cependant lointaine. Une exception notable pourtant, le président de région, Renaud Muselier, qui rappelle combien l’Europe a joué un rôle majeur dans le développement culturel et économique de nos territoires. Mais ils sont rares à vouloir porter le message des Alcide de Gasperi, Robert Schuman, Jean Monnet et Konrad Adenauer, fondateurs de l’Europe. A la veille de cette nouvelle année on a peu de chance de se tromper en affirmant que cette élection sera dévoyée et détournée de son objet. Comme si l’existence et l’avenir de ce vieux continent n’avaient plus d’intérêt. L’écrivain et politicien Jean Mistler écrivait : « L’Europe serait presque parfaite si les Français restaient chaque jour une heure de moins au bistrot et les Allemands une heure de plus au lit ! » Oui mais qui va trinquer après les européennes ?
La voiture de l’année
A Marseille, incontestablement c’est la Zoé. Pas de quoi pour autant mettre du baume au cœur de Carlos Ghosn, le patron de Nissan-Renault, inscrit depuis plusieurs semaines aux Japonais absents. Non, la Zoé dont il est question c’est ce logiciel roulant qui permet de repérer, à Marseille, les contrevenants qui ont oublié de mettre de l’argent dans les troncs urbains que sont les horodateurs. Selon la rumeur, la voiture serait le meilleur investissement réalisé depuis longtemps par une société privée et ses performances dépasseraient largement les espérances de ses concepteurs. Un concessionnaire automobile nous confiait qu’un de ses clients avaient eu droit, en moins d’une matinée, à deux PV pour le véhicule de location qu’il avait emprunté. Avec les tarifs des parkings, voilà un impôt indirect qui n’a pas encore éveillé l’attention des gilets jaunes, plus empressés à détériorer les radars, que s’en prendre à ce racket citadin. On parle pour la Zoé de chiffres astronomiques. Qui avait dit que Marseille ne pouvait pas décrocher la lune ?
Une démographie lente
Marseille selon le dernier recensement n’aurait enregistré qu’une hausse d’un peu plus de 12 000 habitants. Ce sont les bébés qui ont limité les dégâts, car les seniors ont tendance à quitter la ville pour gagner les cités périphériques. La faute à qui ? A nos chercheurs de potasser la question. Même si quelques réponses s’imposent déjà. Un centre peu attractif. Un parc immobilier vieillissant. Des infrastructures culturelles, associatives, sportives insuffisantes. Des transports en commun mal distribués. Une pollution galopante. Des piétons martyrisés… la liste est longue. Comme par hasard des métropoles comme Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon tirent, elles, leur épingle du jeu démographique. Marseille, du seul point de vue métropolitain, a un retard considérable et les petits jeux politiques partisans devraient aggraver le fossé. Il faudra attendre 2038, dit-on encore du côté des statisticiens ; pour franchir la barre des 900 000 habitants. Il y aura donc eu plus qu’une génération de sacrifiée.
Et si les médias étaient le recours
Une des matières les moins bien enseignée, dans nos formations au journalisme marseillaises, est sans doute le droit des médias. Dommage, car s’il est un champ d’investigation d’actualité pour la recherche, c’est sans aucun doute celui-là. Jean-Marie Colombani, dans son dernier éditorial de Challenges, explique ainsi que les réseaux sociaux ont créé ce que Donald Trump appelle depuis qu’il est élu, une « information alternative ». Pour l’ancien directeur du Monde les réseaux sociaux « offrent une prime à l’outrance, sont l’expression de la négation de toute expertise et se moquent de vérifier les sources ». Ajoutons que les complotistes y trouvent des raisons de prospérer et l’ensemble des réseauteurs une justification à leur défiance des médias. Dire que le phénomène est nouveau serait manqué de mémoire. Il existait avant les réseaux sociaux. Dans les années 80, puis les années 90, il était par exemple extrêmement difficile, à Marseille, d’opposer des faits à deux phénomènes. Le premier s’appelait Robert P. Vigouroux. Il était, nous disait-on, le « plus grand neurochirurgien du monde » et par conséquent le seul capable de succéder à « l’immense » Gaston Defferre. Le second, c’était l’OM le plus grand club du monde, le meilleur public et forcément un palmarès à nulle autre pareil. Dire en ces époques thuriféraires le contraire, fusse la vérité, était se condamner à la damnation publique. Puis Vigouroux s’en est allé sans gloire. Puis l’OM a chuté de son piédestal et ses lauriers se sont fanés. Heureusement, ceux qui à l’époque, ont tenté de faire leur métier n’ont pas été exécutés. Quant aux autres, ils vous diront, la main sur le cœur, que l’amour rend aveugle. Mais l’information parfois lui rend la vue.