De l’art de déconcerter
Comme le veut le néologisme, les élus majoritaires estiment avoir suffisamment « concerté », pour entamer la requalification de la place Jean Jaurès, autrement nommée, La Plaine. Bien évidemment les opposants au projet, à commencer par les forains, estiment que leurs avis n’ont pas été pleinement pris en compte. A les entendre, sur le marché du Prado, où ils ont été en partie déportés, ils sont condamnés à perdre leur clientèle. Ce n’est sans doute pas faux. La Plaine s’était taillé une réputation originale, avec des prix cassés et un capharnaüm qui convenait à une frange très populaire des Marseillais, finalement assez conservatrice dans son désir de maintenir une tradition vieille de plusieurs décennies. Une population plus huppée ravie de trouver là des marques dégriffées, et quelques propositions plus exotiques, avait plaisir à venir se frotter à un monde sauvage qui nourrirait dans les salons les récits d’expéditions aventureuses. La municipalité a choisi de passer outre, et de rayer cette page singulière qui faisait la mixité sociale et barbouillait de couleurs le paysage humain. Gérard Chenoz, l’adjoint au maire chargé du dossier, voit dans les incidents et les échauffourées qui se succèdent la patte « d’extrémistes identifiés par les forces de police » ; soit des potentiels zadistes comme en attestait cette semaine la venue sur les lieux de « Nantais », ravis de trouver là un prolongement à la mythique (pour eux) résistance de Notre Dame des Landes. Il faut cependant raison garder et regarder les faits avec la rigueur qu’imposent les changements audacieux. Ce quartier était en effet jusqu’ici un patchwork emblématique de la ville, avec ses dérives, ses enthousiasmes, ses générosités, sa convivialité, sa coexistence somme toute pacifique. Il est désormais bousculé par un projet qui a incontestablement ses vertus (lire par ailleurs), mais d’abord une grande faiblesse : lorsqu’on ouvre un nouveau chapitre, rien ne sert de déchirer ceux qui ont précédés. Il faut savoir raconter une nouvelle histoire sans traiter ceux qui vous écoutent de demeurés.
La Marseillaise un hymne à l’avenir ?
Une opinion s’est répandue pour qualifier la tour La Marseillaise de Jean Nouvel. « On dirait qu’elle n’est pas finie » disent à l’envi ceux qui ne la regardent pas de près. L’architecture moderne a parfois des audaces qu’il convient de laisser s’installer, avant de les vilipender. L’opposition municipale, par contre, a beau jeu de s’interroger sur l’avenir économique de cette structure située au cœur du grand chantier euroméditerranéen. Peu d’entreprises nouvelles se sont installées dans ces 35 000 m2, dominant la ville du haut de leurs 135 mètres. Marc Pietri, P-dg de Constructa et promoteur de la tour, à qui l’on ne peut dénier une expertise reconnue, comme une présence insatiable dans la rénovation urbaine marseillaise, a expliqué qu’il fallait pour la ville, à l’image de la tour Saadé qui s’est imposée dans le paysage, des « signes, des totems, des phares ». Hier encore l’horizon Marseillais avait un repère Notre Dame de La Garde et sa Bonne Mère dont on attendait protection et parfois miracles. Les investisseurs nous disent désormais qu’il faut avoir foi en leurs choix, et que la prospérité sera au bout de ce chemin urbanistique. Force est de constater que si l’on écarte les collectivités et les entreprises liées aux marchés publics, des étages occupés, il y a peu de nouveau dans la tour Nouvel. Elle s’appelle La Marseillaise cet hymne que l’on entonne après les grandes victoires. La bataille de l’avenir reste à livrer. Les Marseillais peuvent se rassurer en constatant que partie de leurs impôts est désormais visible de loin.
Aix garde sa mémoire, Marseille la perd
La maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains, revendique souvent ses origines varoises pour assurer dans le même temps son attachement indéfectible à la ville qu’il l’a faite reine… républicaine. Et si elle a choisi un cabinet d’architecture montpelliérain (Garcia-Diaz) pour restructurer trois places (Verdun Prêcheurs et Madeleine) c’est pour, au printemps prochain, n’en faire qu’une. Forcément la plus grande d’Aix, avec près d’un hectare où dans ce périmètre éminemment commerçant se croiseront toutes les strates de la population aixoise. Y figurent aussi, par couches successives, les vestiges d’un passé riche qui témoigne de la prospérité de la cité dès l’Antiquité. La municipalité d’Aix a laissé travailler les archéologues qui ont fouillé les entrailles mises au jour par les tractopelles. Un peu les mêmes péripéties qui émurent les Marseillais, lorsque l’on découvrit des carrières grecques en lieu et place d’un projet immobilier, avenue de la Corderie. Les Marseillais, historiens en tête, ont dû batailler ferme pour que l’on n’enterre pas tout à fait ce pan de l’histoire phocéenne. Les Aixois n’ont eu à regretter que la disparition de platanes, le chantier de la future grande place épargnant soigneusement les témoignages du temps. A Marseille les riverains de la Corderie, comme les visiteurs de la ville aux 2600 ans, auront le loisir d’accéder au site archéologique – quelques dizaines de mètres carré – neuf jours par an. A Aix, la population locale et les gens de passage pourront admirer, chaque jour, les traces millénaires à travers un plancher de verre qui les protègera sans les occulter. Avantage à la « dame d’Aix », comme l’appelle Jean-Claude Gaudin.
Vous pouvez toujours courir… à Miramas
Au moment des jeux olympiques, c’est la discipline reine : l’athlétisme. On y découvre des champions exceptionnels, comme Kevin Mayer qui règne sur la planète décathlon et dont les scores stratosphériques sont applaudis dans le monde entier. Pour pratiquer les disciplines exigeantes de « l’athlé » comme le disent les supporters, il faut des installations. Force est de constater que l’aire marseillaise a pris de ce point de vue un retard considérable et on se tourne du coup avec envie du côté de Miramas où la municipalité peut s’enorgueillir d’une des plus belles structures du domaine. Elle peut accueillir de 5500 à 7500 spectateurs pour des compétitions nationales, régionales et internationales dans un stade indoor à l’esthétique choisie. Si la métropole a un sens, ce sera d’abord celui de proposer des aménagements là où ils sont les plus attendus. Certes Marseille peut se vanter d’avoir le Vélodrome, même si l’opposition s’interroge légitimement sur con coût réel pour les finances locales. Comme elle peut arguer de son Cercle des nageurs, ses salles de boxe, sa patinoire, et demain son stade nautique, mais c’est dommage que l’athlétisme, qui a permis à tant de champions d’échapper à leurs ghettos, n’ait pas ici et maintenant la place que méritent tous ceux qui aiment courir, sauter, lancer.
Piétons automobiles, le divorce
La scène est banale à Marseille. Une Smart stoppe net à 50 centimètres des jambes d’un marcheur engagé sur un passage piéton. Ce dernier s’en émeut avec un geste à l’adresse du chauffeur. Qui klaxonne puis baisse sa vitre pour lancer au rescapé : « vous pourriez dire merci ! » Fin de l’échange qui résume la situation quotidienne des mammifères à deux jambes à Marseille, face aux chevaux vapeurs privés de cerveau. Sabine Bernasconi et Yves Moraine, maires de secteur, ont décidé de s’en prendre aux rodéos automobiles auxquels se livrent certains Marseillais lors des mariages. Les futurs époux pourraient être privés d’union, si leur comportement et celui de leurs témoins et invités ne changent pas. Est-ce que nos deux élus républicains iront plus loin, pour aider ceux qui essaient d’aller au pas et en finir avec ceux qui estiment que seule la vitesse et le mépris du code permet de rallier un point de la ville à un autre ? Et s’en prendre aussi, aux deux-roues motorisés, qui ont envahi nos trottoirs et se foutent éperdument des règles élémentaires de la circulation.
Honnêtement, c’est cher
Il y a des expressions qui régulièrement s’installent dans le langage courant, sans qu’on comprenne vraiment le phénomène. Sur les radios et les télévisions la plus répandue aujourd’hui, c’est celle de ces politiques qui, avant de développer une idée, la font précédée d’un « on ne va pas se mentir. » Comme si justement le mensonge était habituellement lié à l’exercice tribunicien. A Marseille un mot revient régulièrement dans la bouche de certains : « honnêtement » suivi d’une affirmation. Cette prévention orale laisse à penser que celui qui intervient ainsi n’a pas l’habitude justement d’être honnête. Ainsi le client d’un taxi qui expliquait récemment que « honnêtement » il n’avait pas compris à quelques jours de distance, la différence de prix du taxi qui l’amenait de chez lui à la gare, puis de la gare à chez lui. 20,90 € à l’aller de jour avec deux bagages, 9,90 € au retour avec les mêmes bagages mais de nuit. On serait tenté de lui dire : « honnêtement, ça fait des années que cela dure et que sans se mentir » on ne comprend pas le fonctionnement tarifaire de ce métier dans notre ville.