Bruno de Marseille, pas d’Agen
Les plus jeunes n’en ont aucun souvenir. Une des pubs qui faisaient rage dans les cours d’école, dans les années 70, vantait les mérites nutritifs d’un fruit cultivé dans le sud-ouest. La base line de cette « réclame » disait « la curiosité est un vilain défaut, mais pas les pruneaux ». Le sénateur Bruno Gilles, ci-devant maire de secteur honoraire depuis qu’il a renoncé, pour cumul de mandats, à la mairie des 4e et 5e arrondissements, est curieux de nature. Et il le revendique. Dans une interview accordée à nos confrères de la Provence, il interpelle le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pour qu’il confirme publiquement, ce qu’il lui a dit en privé : « Bruno si je quitte la mairie après ou avant la fin du mandat, tu prendras ma succession ». Soit dit en passant, le Républicain, ami intime de Renaud Muselier, nous indique en creux dans cet entretien que Martine Vassal, Laure-Agnès Caradec et Yves Moraine pourraient être des concurrents. Mais c’est lui qui le dit ; apparemment, « tout est clair » de ce côté-là. Par ailleurs, le même Bruno Gilles rappelle que la ville a eu depuis la Libération « trois maires illustres ». On imagine sans peine qu’il pensait d’abord à Gaston Defferre et Jean-Claude Gaudin, son mentor. Pour le troisième, il reste Jean-Victor Cordonnier qui fit un très court intérim après la mort subite de Defferre en 1986. Puis, avant que Defferre ne reprenne le pouvoir en 1953, Michel Carlini, Marcel Renault ou Jean Cristofol. À moins que Bruno Gilles ne pense à Robert P. Vigouroux. Pas sûr que cela fasse grand plaisir à Gaudin.
Une alliance de façade
On sait que Lisette Narducci doit moins son fauteuil de maire de secteur (2e et 3e arrondissements) à sa sensibilité de centre gauche, qu’à une alliance dont Jean-Noël Guérini et Jean-Claude Gaudin garderont les détails secrets, même dans le secret de la confession. L’élue « guériniste » et néanmoins « Gaudin compatible » vient de s’écharper avec l’adjointe au centre-ville Solange Biaggi (Les Républicains). Elle reproche à cette dernière de n’avoir pas inclus le boulevard National dans les aides dont peuvent bénéficier les propriétaires d’immeubles, s’ils rénovent leurs façades. Lors de ce débat public Mme Narducci a précisé à Mme Biaggi que l’alliance qui les liait était « de gestion, pas idéologique ». Du coup Mme Biaggi a dû faire une promesse pour que les riverains du boulevard National puissent eux aussi bénéficier des aides municipales et métropolitaines d’ici deux ans (Jusqu’à 50% du montant des travaux). Et c’est ainsi qu’on découvre que l’alliance Gaudin-Guérini n’était peut-être qu’un accord de façade.
Mais où sont les marcheurs
Le PS a disparu des écrans radars et le prochain retrait de Jean-David Ciot, qui devrait passer la main en tant que premier fédéral, n’annonce pas une lisibilité meilleure. Le PC fait de la résistance en tentant de capter partie de l’énergie que déploie la CGT dans les manifs. Les Insoumis sont convaincus que l’aura nationale de leur chef de file, Jean-Luc Mélenchon, suffira à les mettre en lumière à Marseille. Le Front national s’installe dans un népotisme revendiqué dans le sillage de la famille Le Pen. Son chef de file marseillais, Stéphane Ravier, vient de céder sa mairie de secteur à sa nièce comme s’il s’agissait d’un patrimoine familial. Chez les Républicains, la famille est divisée et on se déteste fraternellement à coups d’allusions, sous-entendus, et autres signes de tendresse. Pour En Marche, par contre, c’est le désert des Tartares : il ne se passe rien. Ou presque. La macronie, qui a vu naître en juin une génération spontanée, occupe la toile et le palais Bourbon, pas le terrain. On dit que trois Français sur quatre sont incapables de citer correctement les nom et prénom du Premier ministre. Combien de Marseillais et de Bucco-rhodaniens sont en mesure de citer un député d’En Marche ? Cette année 2017 n’a pas fini d’être tellurique pour le monde politique. Faut-il pour autant se réjouir de voir les citoyens privés de relais incarnés ? On est passé d’une surexposition du personnel politique local et départemental à une sous-exposition inquiétante. On se prend à regretter le temps où nos élus se répandaient à longueur de colonnes… y compris dans les colonnes « justice ».
Que le mauvais…
Maryse Joissains l’a souvent dit à ses visiteurs « avec Marseille, on a à attendre que le mauvais ». Elle n’est pas seule à penser ainsi. Ils sont nombreux à trouver insupportable la Métropole qu’ils considèrent comme une contrainte, et surtout pas comme un progrès. Leur expliquer que les transports, l’enseignement supérieur, le développement économique ne peuvent se développer qu’au prix d’un effort collectif n’y changera rien. Jamais l’expression, «voir midi à sa porte », n’avait autant été d’actualité. On le comprend lorsqu’on voit Aix acheter des pages de publicité dans les journaux pour décliner les dernières réalisations de la ville : conservatoire, musée, grand théâtre, Arena… La liste est aussi longue qu’une profession de foi à la veille des élections. Chacun se rêve principauté avec son économie autosuffisante, ses infrastructures, son art de vivre. Certes, on sortira des frontières pour aller se faire soigner dans un service performant d’un hôpital de Marseille, on appréciera de voir ses délinquants emprisonnés ailleurs, on sera ravi de bénéficier des services du port autonome pour ses entreprises, mais que ce voisin ne nous demande pas de régler, solidairement, ses problèmes, sa pauvreté, sa délinquance, ses mutations industrielles. Et tant pis si nous ne faisons pas partie des régions les plus performantes. Pour la Métropole, c’est un peu comme dans la chanson : « aujourd’hui peut-être ou alors demain… »
Boulot, vélo, dodo
Un des participants au congrès des villes cyclables, qui vient de se tenir à Marseille, a livré sans circonvolution cette vérité : « En France, on a vraiment du mal à mettre au vélo des populations pauvres qui sont pourtant celles qui en auraient le plus besoin ». En résumé, pour relancer le moteur de leur économie, les plus démunis doivent arrêter de ramer, mais se mettre à pédaler. Notre expert aurait pu également pour défendre la petite reine se pencher sur les rois de la consommation en énergies fossiles. Dans une ville comme Aix, on atteint pour nombre de foyers fiscaux une moyenne de près de trois voitures. Et lorsqu’on compare les centres des deux villes, on remarque que la pratique du vélo est plus facile à Aix qu’à Marseille. Reste qu’il parait urgent de dépasser le chiffre d’utilisateurs dans la cité phocéenne (14 000 abonnés au Vélo en libre-service, actuellement). Il y faudra plus que de la communication. Non seulement la bicyclette n’est pas la bienvenue sur nos artères, mais elle est la cible de tout ce qui est motorisé. Les pistes réservées à la pratique d’usage ou de loisir sont trop rares, alors que des axes aussi facilement aménageables que la corniche Kennedy sont encore des dangers pour ceux qui ont l’audace de circuler entre 20 et 30 kilomètres heure. Du coup les cyclistes font du gymkhana entre piétons, banc en béton et parapet pour, à leurs risques et périls, s’offrir une balade en bord de mer. On se réjouit de voir les Marseillais accueillir des experts pour deviser sur l’avenir du pédalier dans les villes. Maintenant il faudrait enchaîner et appuyer un peu plus sur les pédales.
Pollueurs pas payeurs
Certaines rues de l’hypercentre s’embellissent. C’est incontestable et il faut saluer les efforts de la municipalité. Certes, la nouvelle grève des éboueurs – une spécialité marseillaise – ne permet pas de saluer, comme il se doit, cette nécessaire politique. D’autant que nos artères desservies par l’absence chronique de pluie depuis de longues semaines restent aussi poussiéreuses que crasseuses. À y regarder de près, lorsqu’on ne glisse pas dessus, on décèle trois à quatre causes principales. Les mégots, les chewing-gums, la poussière et des tâches d’huile ou de graisse. Pour ces dernières, on aurait tendance à regarder de travers les deux-roues motorisés qui, en effet, font traces partout où ils stationnent. Ce serait oublié les principaux pollueurs. Les tenants de la restauration rapide avec leurs emballages gras, leur mayonnaise, ketchup et autres réjouissances pseudo-culinaires. Il y a plusieurs décennies le maire de Saint-Tropez, Bernard Blua, avait provoqué une véritable révolution en fixant pour le plus célèbre petit village du monde, la taxe des ordures au prorata des déchets produits. Une veuve retraitée et ses 400 grammes d’ordures ménagères quotidiennes n’avait pas à payer selon lui autant que le boucher du coin et ses 80 kilos de déchets alimentaires. Ce fut un tollé et l’édile ne passa pas loin du lynchage. Il tint bon. Qui aura l’audace ici de faire payer aux commerçants, qui participent directement avec leurs produits consommables à la dégradation des rues, le prix que l’on devrait dépenser pour les maintenir propres. On encourage les citoyens marseillais au tri sélectif et à la bonne tenue de leurs pas de porte. Il serait temps que les frites cessent de faire le trottoir.