Recomposition et décomposition
Jamais une élection présidentielle n’avait été aussi incertaine. Jamais non plus elle n’avait laissé chaque camp dans une telle expectative. Et comme les politiques sont à l’identique de la nature, ils ont horreur du vide. Du coup on voit dans les Bouches-du-Rhône des centristes défendre bec et ongles un Fillon plus à droite que jamais (Bruno Genzana). Des sarkozystes (Richard Mallié) implorer le ciel pour que le candidat de l’UMP soit battu. Des guérinistes (Lisette Narducci) des gaudinistes (Maurice Di Nocera), des écolos (Lambert) des en rupture de bancs (Robert Assante) tentés par l’échappée belle de Macron. Des socialistes (Jean-David Ciot) refusant de défendre le vainqueur de la primaire à gauche, quand d’autres (Patrick Mennucci) s’affichent clairement avec lui. Des écolos cherchant où ils habitent. Des communistes privés de leader et condamnés à attendre qui de Hamon ou de Mélenchon sera devant à l’issue du premier tour. Bref, l’après présidentielle annonce des législatives perturbées. A mois que le FN ne rafle à défaut de débats internes une discipline dans ses rangs qui semble faire sa force. Comme le disait Boris Vian : « Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j’y retourne immédiatement ».
C’est celui qui le dit…
… qui l’est. Bel aveu de Gilbert Collard sur une chaîne d’information continue. À un animateur qui lui rappelait son engagement de naguère au PS des Bouches-du-Rhône, l’avocat répondit mordicus « parce que j’étais con ». Son parrain en politique Charles-Emile Loo a dû avoir les oreilles qui sifflent depuis le paradis où – en principe – il a pris ses quartiers. Le député d’extrême-droite venait aussi de qualifier «d’abrutis » les nazillons niçois qui viennent – en principe – d’être virés du FN. Notre curiosité nous pousse tout de même à nous interroger sur le cas du plaideur marseillais désormais élu du Gard. Était-il « con » encore lorsqu’il a rejoint Charles Pasqua chez qui il a peut-être croisé un certain Etienne Léandri connu pour ses faits d’armes au service de Vichy et de la Gestapo ? Encore un « abruti » qui était passé au travers des mailles et que n’a sans doute pas repéré notre élu de la République. Mais on l’a compris. Désormais, il ne se laissera plus prendre pour un « con » et fustigera tous ces foldingues qui estiment que la Shoah mériterait une comptabilité plus serrée et que la théorie du grand remplacement – les blancs par des noirs – fait partie des perspectives envisageables. Collard devrait en parler à la jeune Marion Maréchal Le Pen.
Coup de ballet
Les ballets d’Europe ont vécu. Jean-Charles Gilles n’a pu que faire le constat affligé de l’impossibilité pour l’entité qu’il dirigeait de continuer à vivre. Une explication principale selon lui : la subvention du Conseil départemental est passée d’un très généreux demi-million d’euros, à un misérable 75 000 euros. Visiblement la présidente de l’assemblée départementale, Martine Vassal, n’avait pas les yeux de Chimène, pour ce ballet malgré son nom évocateur et les étoiles de son drapeau (ballet d’Europe). Jean-Noël Guérini et, avant lui, Lucien Weygand auront été plus attentifs à la créativité de Gilles que celle qui leur a succédé. Ne reste plus que l’école de danse de Marseille et surtout le ballet Preljocaj pour faire vivre la danse dans la métropole. Pourvu que les petits rats ne quittent pas le navire…
Les médias dans le viseur
Ce n’est pas nouveau, mais c’est un peu plus violent. Les journalistes sont dans le collimateur de l’opinion publique, cette grande muette forte en gueule dans les meetings. À Marseille, nos confrères sont rompus à l’exercice. Ils furent tour à tour conspués par Le Pen, lorsqu’il s’implantait dans les quartiers nord. Par Bernard Tapie, lorsqu’il était empêtré dans l’affaire OM-Valenciennes. Par Jean-Noël Guérini, lorsque les petits juges commencèrent à renifler quelques méthodes peu orthodoxes. La liste est non exhaustive et on sait qu’un cadre supérieur de la mairie exhibait, il y a quelques années, une liste de journalistes indésirables sous les yeux de leurs confrères plus complaisants avec la majorité municipale. C’est donc une profession à risques. Il serait peut-être souhaitable d’en prévenir les étudiants des deux écoles de journalisme que s’honore de compter la ville. Le cas Fillon est d’ailleurs un excellent objet de recherche comme le disent les distingués universitaires. Il en est même un, le professeur Philippe Aldrin, directeur de la recherche à l’IEP d’Aix-Marseille, qui a déclaré cette semaine dans les colonnes de la Provence que pour l’analyser, il valait mieux faire appel à un « psychanalyste » qu’à un « politologue ». Intéressant non ?
Une génération perdue
On imagine déjà les bouffées qui vont empourprer les joues des tenants de Sens commun (L’émanation politique de la Manif pour tous) ou les supporters de Marine Le Pen qui exigent que tout bon Français ne revendique qu’une histoire, celle de la France. Un certain Saïd M’Roumbaba, né en 1979 à Marseille et d’origine comorienne, convoque lui d’autres souvenirs. Dans une chanson il écrit : « J’ai grimpé, j’ai grimpé, j’ai grimpé sans lâcher mes principes et mes valeurs. Jamais j’oublierai d’où je viens, je sais ce que c’est d’être un homme de couleur. Je sais ce que c’est de taffer deux fois plus pour pouvoir être à la hauteur. Si je chante la cosmopolitanie, c’est parce que j’en ai vu de toutes les couleurs. » Ce rappeur compositeur chanteur qui se produira au stade Vélodrome à l’automne est plus connu sous le nom de Soprano. Un récent sondage nous apprend qu’il est, en France, l’artiste préféré des 7-14 ans. On a déjà eu dans ce type de classement Yannick Noah, Jean-Jacques Goldman, Omar Sy… La chanson de Soprano citée plus haut s’appelle Everest. Enfin un peu d’air pur.
Que le rideau se lève
C’est suffisamment rare pour qu’on applaudisse des deux mains. Le petit théâtre Marie-Jeanne, fermé depuis neuf ans, va rouvrir ses portes jeudi prochain rue Berlioz dans le sixième arrondissement. On s’est laissé dire que la députée Arlette Carlotti (PS) avait donné un petit coup de main en puisant dans sa réserve parlementaire. Si elle était bonne copine, elle devrait inviter Valérie Boyer à se produire dans cette petite salle d’une soixantaine de places. L’Express nous apprend en effet que la députée UMP va participer au media-training de François Fillon qui vise à le préparer au futur débat. On ne sait si ce sera un rôle de composition mais elle se glissera dans la peau de … Marine Le Pen. Elle devrait en faire profiter les Marseillais.