En marche mais à cloche-pied
Christophe Castaner ne s’interdit rien. A commencer par ne pas décider aujourd’hui, ce qu’il ne fera peut-être pas demain en s’auto-parachutant à Marseille. « Je n’exclus rien », répète à l’envi le fidèle parmi les fidèles de la macronie. Reste le problème, le parti, né dans le sillage du président de la République, est-il en capacité de se mettre en marche pour le futur choc des municipales. Il doit d’abord franchir un écueil, qui dépendra à la fois de la situation intérieure et extérieure du pays : les Européennes. Quelques illustres inconnu(e)s pointent déjà le bout de leur nez. Puis, dans la foulée, il faudra engager une des batailles clé du quinquennat Macron, qui sera alors au milieu du gué. La République en Marche compte bien conquérir quelques grandes métropoles, faute de pouvoir s’illustrer dans les 36 000 villes et villages de France. Elle est prête, nous dit toujours Castaner, à sceller des alliances sans s’interdire de pencher, ici à gauche, là à droite. Elle devra compter aussi sur des dissidences qui commencent à poindre dans ses rangs, comme dans les Bouches-du-Rhône avec le député François-Michel Lambert. Pas encore frondeur, mais très critique envers le mouvement qu’il a rejoint, après avoir quitté le camp des écologistes. Corinne Versini la « patronne » de LREM dans le département, qui n’a pas pu empêcher Mélenchon de se tailler une tribune rêvée sur Marseille, ne semble pas en mesure de juguler les ardeurs qui s’expriment désormais. Et de découvrir qu’un parti politique n’est pas une start-up.
Amis pour la vie qu’on vous dit
Dominique Tian qui a fait des études supérieures a sans doute lu Epicure. Peut-être même cette phrase : « Ce n’est pas tant l’intervention de nos amis qui nous aide, mais le fait de savoir que nous pourrons toujours compter sur eux. » Après ses déconvenues judiciaires, le Premier adjoint de Marseille a pu mesurer que ce bien rare était un peu comme l’honneur. Le Marseillais Marcel Pagnol disait que ce dernier était « comme les allumettes, il ne sert qu’une fois ». Et Dominique Tian d’annoncer qu’il n’ira pas, en politique, au-delà de 2020 et que par voie de conséquence il ne se présentera pas pour succéder à Jean-Claude Gaudin. La messe était donc dite. Pas tout à fait, car sorti des rangs de cette chapelle-là une vieille connaissance de Tian, Renaud Muselier lui a manifesté son « amitié », tout en regrettant qu’il ne quitte pas plus tôt l’office politique. Quel univers impitoyable !
A quand un convoi humanitaire ?
Les responsables de Force Ouvrière le disent haut et fort, peinant à retenir leurs larmes : les employés de la ville sont stressés par les gendarmes qui les interrogent, sur leur emploi du temps. On n’en est pas encore à créer une cellule psychologique et on n’ose pas parler de burn-out de peur de condamner une partie de la population à mourir… de rire. A écouter les syndicats, c’est, après la peste de 1720, la plus grosse catastrophe que fait subir le parquet national financier à la ville. Un élu nous confiait, sous cape, que la difficulté pour certains ne consistait pas à justifier des heures supplémentaires, mais à expliquer comment ils s’acquittaient des « 35 heures », alors qu’ils n’étaient présents, dans leur service, qu’un peu plus de vingt heures. Il est raisonnable d’attendre la fin de l’enquête pour éviter de sombrer dans la caricature, mais une opinion se généralise dans le public, comme chez les élus : « il était temps d’en finir avec ce système ».
Big brother connais pas…
La société d’assistance et de gestion du stationnement de Marseille (Sags) propose deux bureaux en ville, pour ceux qui veulent bénéficier d’un abonnement annuel, pour stationner près de leur adresse ou en périphérie immédiate. Au fil des années cette prestation s’est rodée et se sont dissipées les heures d’attente des débuts pour obtenir la précieuse vignette à accoler sur son parebrise. Avec cette année, une innovation. Rappel des faits. J’arrive à un des guichets où une jeune femme pianote sur son ordinateur à l’accueil. Elle vérifie le contenu de mon dossier. Quelques minutes après, je me retrouve devant une personne plus importante puisqu’elle doit me renouveler mon abonnement. « Justification de domicile, taxe d’habitation, carte d’identité, carte grise… c’est parfait monsieur ». Quelques secondes encore : « voilà monsieur, y a plus de vignette c’est tout informatisé mais gardez le récépissé s’il y a un problème ! » Moi, audacieux : « C’est formidable, c’est big brother ». Regard interrogatif de la jeune femme. Moi encore « Vous n’avez pas lu 1984 ? » Elle, « j’étais pas née ». Et vlan dans ma tête de sénior ! Je sors du bureau. Un chef de service m’interpelle : « 1984, j’ai lu le livre à l’école, c’est de qui déjà ? ». Moi, ravi d’avoir trouvé un complice « Georges Orwell ». « Ah oui, c’est ça, au revoir monsieur !». Je ne stationnerai pas plus longtemps dans cette Sags.
Des ailes aux pieds SVP
Mercure est représenté dans l’imagerie mythologique avec des pieds ailés. Rien de plus normal pour le Dieu du commerce, des voleurs et des voyages. A l’aéroport Marseille Provence il faudrait que les voyageurs soient armés de la même manière que Mercure. Plus cette infrastructure s’agrandit, plus les utilisateurs doivent marcher pour atteindre leur destination et embarquer dans les avions. On attend notamment pour les personnes à mobilité réduite des solutions pour éviter de se présenter, exténuées, aux portes d’embarquement. Il faudra aussi éviter un autre piège, le fléchage du parking que vous recherchez. Plus la circulation est fluide, plus vous avez de risques de passer à côté de votre point de chute, selon que vous recherchez un tarif économique ou pas. Les améliorations sont sensibles par contre pour les navettes. Un habitué nous confiait qu’à Toulouse c’est pire, depuis que le gigantisme chinois a pris les rênes de l’aéroport. Bon, on va pas chinoiser alors.
La mémoire nécessaire
En 1995, le maire, Robert P. Vigouroux, inaugurait au pied du fort St Jean, dans un ancien blockhaus, le musée consacré au camp de la mort. L’élu disait désirer « qu’en cette ville s’ancre à jamais la mémoire de l’atroce et de l’inhumain vécus par une génération ». Hélas cet amarrage-là est rompu, depuis 2015, pour travaux, comme le rappelle le site de l’office de tourisme. De retour de Berlin cette réalité choque. Dans l’ex-capitale du IIIe Reich on se fait un devoir, parfois avec de petits moyens, de rappeler au monde entier que le pire est advenu. Dans une petite rue envahie par des graffitis libertaires, et où rayonne le beau visage d’Anne Franck, on trouve trois lieux de mémoire. Un petit musée particulièrement, qui raconte comment Otto Weidt, un fabricant de balais et de brosses, employa de nombreux juifs malvoyants pour les soustraire à la Gestapo et à la déportation. Dans cette minuscule Rosenthalerstrasse, c’est un grand moment d’émotion qui vous attend, notamment grâce à l’incroyable talent de guides francophones (viveberlintours.de) qui vous arrachent des larmes ou vous nouent la gorge. Ce sont des étudiants qui ont conçu ce lieu de mémoire, et une association qui le pérennise. Dans ce quartier – Hachesher Markt – à quelques pas d’Alexander Platz, point nodal de la ville, vous apercevrez aussi au sol des petits pavés en fonte, qui rappellent que des familles entières ont été décimées, de la nuit de Cristal, aux brouillards d’Auschwitz ou Dachau.. Marseille a eu aussi ses rafles et ses victimes mais, contrairement à Berlin, sa mémoire flanche.