Macron met le feu
C’est sans doute la proximité du match OM-Dijon, qui a poussé Emmanuel Macron à mettre le feu pendant son meeting du parc Chanot. La moutarde est-elle pour autant montée au nez de ses principaux adversaires ? Wait and see. Mais incontestablement sa prestation marseillaise aura marqué un tournant dans sa campagne si ce n’est sur le fond au moins dans la forme. Il a parlé de cette « France au visage de la haine » sans jamais citer Fillon et Le Pen qui se disputent désormais l’électorat le plus dur de l’échiquier. Et il a fait de Marseille la ville de tous les possibles qui impose aux yeux de tous, un melting-pot inégalé. Le bonheur des Comoriens, Sénégalais, Ivoiriens, Tunisiens, Algériens, Arméniens, Marocains présents dans les travées étaient audibles et visibles… reste à savoir si les enfants issus de l’immigration iront voter en masse et pour qui. Les dents du bonheur de Macron sont un signe, pas une garantie.
On vous trump
On doit désormais à celui qui préside les Etats-Unis – Donald Trump – l’avènement des fake news. Ce sont des nouvelles fausses censées endiguer selon leurs promoteurs le travail des médias. La liberté d’expression étant jugée coupable par ces nouveaux dictateurs (Poutine, Trump Erdogan). Ceux qui pratiquent les réseaux sociaux auront constaté – parfois à leurs dépens – que la pratique est exponentielle. Les internautes marseillais et provençaux ne sont pas en reste et les « poucettes » (ceux qui tapent avec leurs deux pouces sur le clavier de leur smartphone selon l’expression de Michel Serre) y vont de leur intox plus ou moins nauséabonde. Elus, ancien élus, associatifs, simples quidams, chacun pousse le refrain de sa rumeur préférée. Le plus visé incontestablement est un certain Emmanuel Macron. Même si sondages après sondages le fringant jeune homme franchit jusqu’ici les obstacles de ces fausses infos fabriquées par quelques cabinets noirs et répandues par quelques ravis locaux convaincus de leur véracité. Le plus pathétique, c’est que parmi ces derniers on trouve des militants sincères qui s’accrochent à ces bouées faute d’avoir encore sur leur navire idéologique un capitaine. La vieillesse est un naufrage. Surtout pour les partis traditionnels.
Une grande foi en un gros foie
Le citer serait injuste, car ils sont nombreux dans ce cas-là. Il s’agit d’un élu départemental et régional qui affiche, sur le Net, le moindre de ses faits et gestes. Côté galettes des rois, il nous fait penser à Jacques Chirac, au salon de l’Agriculture. L’ancien président de la République était capable d’avaler quatre verres de lait, le double de vin, sans compter une dizaine de demis et les rondelles de saucisson ou les morceaux de fromage qui vont généralement avec. Notre champion bucco-rhodanien, si l’on en croit ses publications quotidiennes, a dû frôler la vingtaine de parts de couronnes ingurgitées à l’heure du goûter. Il a participé aussi à Pourim, une fête juive d’importance pour cette communauté. Elle relate un épisode de sa longue histoire où elle a échappé au massacre qu’envisageait à son encontre l’empire Perse. On y déguste notamment des « hamantaschen » et « fazuelos ». A le suivre dans ses pérégrinations, on a compris qu’il avait également partagé la table de chasseurs, là, celles des sapeurs-pompiers, là-bas, sans compter les repas du troisième âge, partout. On ne sait si ces politiques ont la foi, mais on peut affirmer sans risque d’être démenti qu’ils ont un foie.
Les bouches et la langue
On a beaucoup parlé avec les mains cette semaine au tribunal. On y jugeait une dizaine de Marseillais impliqués dans un épais dossier d’extorsion de fonds au préjudice des entreprises engagées sur le chantier de la L2. Si les prévenus ont rarement mis pour vivre les mains dans le cambouis, ils ont vite compris le parti qu’ils pouvaient tirer de ces engins, ces matériels et matériaux difficiles à surveiller 24h sur 24. Le principe était simple. Des complices détruisaient la nuit et d’autres proposaient leurs services de protection aux sociétés touchées. Ils avaient même eu la bonne idée d’appeler leur entreprise TGI, comme tribunal de grande instance mais aussi comme télésurveillance, gardiennage, intervention. On ne peut pas plus cynique. Enfin si. Puisque certains des compères avançaient, pour convaincre leurs victimes, l’argument social. En résumé « tu engages un petit du quartier et tu verras tous tes tracas vont cesser ». Un substantif a du coup émergé dans les débats à la barre. On appelle ça un « facilitateur ». Bref du bon fait divers marseillais, avec si l’on en doutait cette répartie d’un des prévenus placé sur écoutes : « Nous à Marseille, pour 50 euros, on plante, on tire, on fout le bordel. 12 000 euros, pour nous à Marseille, c’est des milliards ! ». Une tchatche à vous arracher des larmes.
Splendeur et misères
Les tracts sont-ils révélateurs de la santé financière des partis politiques ? A Marseille on pourrait le croire. Des Républicains au PS, en passant par les communistes et les partis d’extrême gauche, on est plutôt sur le registre, un feuillet avec parfois le seul recto imprimé et une seule couleur d’appoint, comme on le dit chez les imprimeurs. Au FN cela semble par contre rouler sur l’or ou plutôt sur l’Euro puisqu’on le sait l’extrême droite profite à outrance des subsides de cette Europe qu’elle compte bien, à terme, mettre à bas. On a vu fleurir sur nos pare-brise de très jolis quatre pages, tout en quadrichromie pour souligner les traits avenants de la présidente, très en forme après s’être délestée selon les gazettes de dix kilos superflus. On sait aussi que la propagande du FN et ses outils posent questions, du micro-parti Jeanne créé par le leader d’extrême-droite, à son principal fournisseur, Frédéric Chatillon président de la société Riwal. A voir la manière dont la prose frontiste est mise en page, il y a encore de l’argent dans les caisses.
Un œil objectif
Caroline Pozmentier, adjointe à la sécurité, se félicite de l’efficacité des 982 caméras qui ont fleuri dans notre paysage urbain. Elle affirme même que « le taux d’élucidation des affaires de délinquance a été multiplié de plus de trois », depuis que ses yeux électroniques renforcent la vigilance des services. Peut-on lui suggérer d’en parler à sa collègue de la métropole Monique Cordier, qui a maille à partir depuis quelques jours avec les employés du service de ramassage des ordures ménagères ? Elle pourrait utilement constater par les images qu’on est loin malgré la fin du « fini-parti » (naguère la tournée achevée, les salariés pouvaient rentrer chez eux) d’un service digne d’une ville à prétention touristique. Il est vrai que la mairie a du mal à avoir plus d’un interlocuteur syndical, c’est-à-dire FO qui, on le sait, a fait de Jean-Claude Gaudin un adhérent d’honneur du syndicat. Il faut négocier désormais dans le cadre de la métropole, où d’autres centrales ont droit de cité, avec la CGT et la CFDT. Ces syndicats protestent entre autres contre la prime de 79 centimes allouée à ceux qui travaillent le dimanche. Mme Cordier, elle, estime qu’ils veulent surtout revenir au très discutable « fini-parti ». Elle a réquisitionné des employés municipaux pour assurer un minimum d’hygiène dans les secteurs touchés. Qui eux non plus n’ont toujours pas compris à quoi servait le couvercle d’un conteneur. Sans doute pressés de partir… sans finir.
Une belle troisième
Il aurait sans doute fallu que quelques candidats à la Présidentielle viennent déambuler sur le Vieux-Port (photo une) lors du troisième dimanche où la Canebière était réservée aux piétons. Il y avait sur les quais des milliers de personnes. Un brassage multiculturel incroyable. Là un chanteur de folksong naviguant entre Cabrel et Dylan, sous l’ombrière de Foster et ses reflets changeants des percussionnistes arabes entraînant dans leurs rythmes des fillettes gitanes. Plus loin sous la grande roue un magicien avec plus d’un tour dans son sac à malice. Sur les trois rives du Lacydon les terrasses étaient bondées. Comme aurait pu l’écrire Albert Londres, il y avait en ces heures tièdes où le printemps repousse l’hiver « les cent visages du monde ». Peu de voiles pour emprisonner les visages, des épaules dénudées, des regards qui se cherchent, une jeunesse vive, des anciens posés sur les quelques bancs libres qui parlent du bled, des croisiéristes qui se bousculent dans les petits trains, des plaisanciers qui grattent leurs coques après l’hivernage, des bobos baba du paysage, des photographes compulsifs… Toutes ces choses et tous ces gens qui donnent raison aux urbanistes et aux sociologues qui prétendent qu’une ville pacifiée est possible, à condition qu’elle possède l’espace où l’exprimer.