C’est un chiffre sans appel. 100% des femmes ont déjà subi du harcèlement dans les transports en commun une fois dans leur vie. C’est ce que révélait en avril dernier le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH).
L’un des axes du projet de loi de la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa (voir encadré ci-dessous) porte ainsi sur le harcèlement de rue, une infraction jusqu’à présent difficilement caractérisable et uniquement définie pénalement par la loi sur le harcèlement sexuel de 2012. « Le harcèlement de rue rassemble tous les comportements sexistes, homophobes et transphobes : des bruits de bouches, des commentaires non souhaités sur l’apparence physique, des insultes, des sifflets, des apostrophes dans la rue, explique Claire Ludwig, membre du comité de pilotage de l’association Stop Harcèlement de Rue 13. L’idée du groupe de travail créé par Marlène Schiappa est donc de définir un cadre légal beaucoup plus précis car pour le moment, il est compliqué de porter plainte pour harcèlement de rue. »
A Marseille comme ailleurs, ce phénomène existe. Et la cité phocéenne n’a pas le monopole en la matière contrairement à ce que l’on pourrait croire. « Les gens pensent que ça arrive davantage dans le sud, parce qu’il y fait plus chaud et que les filles seraient plus légèrement vêtues. Mais nous recevons des témoignages tous les jours, dans les transports en commun comme dans d’autres espaces publics, issus de secteurs tant urbains que ruraux et qui touchent toutes les classes sociales et indistinctement de la façon de se vêtir », poursuit Claire Ludwig.
Les femmes ressentent davantage d’insécurité dans les transports
En l’absence de témoignages ou de plaintes, difficile ainsi d’obtenir des chiffres précis. A la RTM, par exemple, la notion de harcèlement de rue reste floue. « Nous savons que des femmes font l’objet de regards, de sifflets, de paroles agressives mais nous n’en avons pas souvent des remontées précises », indique Etienne Sesmat, directeur de la sûreté de la RTM.
Les statistiques du réseau portent ainsi sur la délinquance habituelle comme les agressions ou les vols, car ces faits font l’objet de signalements et de plaintes. C’est davantage le sentiment d’insécurité dans les transports en commun qui est mis en lumière. « Selon nos études, les femmes se sentent davantage en insécurité que les hommes sur le réseau, surtout le soir : 86% des femmes contre 75% des hommes. Elles sont 66%, contre 52% des hommes à ressentir cela dans les stations de métro et 57% contre 40% des hommes aux arrêts de bus », précise Etienne Sesmat.
Et ces chiffres se retrouvent dans la fréquentation : dans la journée, les femmes voyagent davantage en transports en commun marseillais que les hommes, à hauteur du ratio 54%-46%, quand celui-ci s’inverse avant 8h du matin et après 20h : 31% de femmes dans les bus, 37% dans le métro et 41% dans le tramway à ces périodes.
Des villes « par et pour les hommes »
Mais selon le directeur de la sûreté de la RTM, ce sentiment dans les transports est surtout lié à l’ambiance globale dans la ville. « Souvent, les clientes nous disent que c’est au moment où elles sortent de la station qu’elles se sentent le plus en insécurité. Ce phénomène n’est donc pas propre au transport mais au cadre général de la ville. Les usagers se sentent plus en sécurité sur le réseau criblé de 4600 caméras de vidéosurveillance que sur la voie publique. »
Plusieurs études menées entre 2010 et 2013 par le géographe au CNRS Yves Raibaud révèlent, en effet, que les hommes sont les usagers majoritaires de la ville. Elles font aussi apparaître une très grande inégalité dans l’attribution des moyens par les collectivités territoriales et par l’État selon qu’il s’agisse de loisirs dits féminins (gym, danse) ou masculins (skate, foot). Ces inégalités sont donc parfois implicitement construites par des modes de gestion d’une ville faite « par et pour les hommes ». Dans le même temps, on conseille aux jeunes femmes de ne pas faire du jogging dans des endroits isolés, d’être sur leur garde dans les transports en commun ou d’éviter certains quartiers.
Bien et mieux recueillir le témoignage de femmes harcelées
La RTM enregistre, quant à elle, une baisse notable des atteintes aux personnes : 896 faits signalés en 2009 contre 382 en 2016. Dans l’enceinte du métro, les faits passent de 353 faits à 70 avec un taux de résolution de 65%. « Nous voulons travailler sur la prévention, à l’aide d’une campagne de sensibilisation des agents d’accueil et des chauffeurs, qui recueillent le témoignage des femmes harcelées. Il faut qu’ils sachent transmettre le bon message, sans minimiser ni banaliser. Nous avons également pour projet de créer une plateforme internet ainsi qu’un numéro spécial pour alerter et signaler des situations de ce type ».
Le projet de loi de Marlène Schiappa
La secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schappa a annoncé qu’elle lancerait bientôt une consultation en vue de la présentation d’un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Focus sur les mesures envisagées :
– La verbalisation du harcèlement de rue par les policiers en patrouille en cas de flagrant délit. Cette nouvelle infraction pourrait, selon Marlène Schiappa, « accompagner » la création de la police de sécurité du quotidien (PSQ), dont l’expérimentation doit débuter début 2018.“Le rôle des pouvoirs publics: 1/créer les conditions de cette parole 2/assurer la juste condamnation des violences sexuelles” @franceinterhttps://t.co/YtKP7EX4dr
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 16 octobre 2017
– L’allongement du délai de prescription des viols sur mineurs de dix ans, qui passerait donc de 20 à 30 ans après la majorité de la victime.
– La création d’une présomption de non-consentement pour les mineurs : Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, vient de déposer une proposition de loi qui fixerait cette présomption de non-consentement en-dessous de l’âge de 15 ans.Marlène Schiappa invite donc chaque Français à contribuer au projet de loi en participant à l’un des 300 ateliers organisés dans le cadre du Tour de France de l’égalité femmes-hommes.
Demain, notre second volet :
Sexisme ordinaire, harcèlement de rue, violences conjugales : « c’est le même mécanisme » (2/2)