En sortant du Gymnase, on a du mal à dire quel acteur on a préféré : Abbes ? Charlie ? (prénom à la mode !) Alain ? Frédéric ? Sans oublier le délicieux Gaël ! Ils sont tous excellents et nous font cadeau d’un bon moment ! Si, en 1948, l’auteur est sous le choc de l’Holocauste, Hiroshima… si l’attente peut faire penser à celle de « l’avenir radieux », d’un paradis où on rase gratis, le Sauveur suprême n’arrive pas ! Abel, Caîn, le crucifié et le larron sauvé, font rire !
Les résonances contemporaines se bousculent dans nos esprits : les catastrophes ne sont pas loin de nous : ce désert peut être la mer d’Aral, ou un plateau des Appalaches dévasté par la recherche d’énergie fossile, ce peut être un désert libyen, une Méditerranée pleine de noyés, ou tout simplement une rue où des demandeurs d’asile attendent de savoir s’ils pourront rester..
Les deux couples arborent des attitudes différentes : solidarité, domination, mais on voit bien qu’ils sont interchangeables, comme les vieux couples: le brave Didi pourrait être enchaîné par son cher Gogo, comme Lucky par Pozzo, qui s’écroule s’il ne le soutient pas…On pense à la servitude volontaire de La Boétie.
Carotte et néant.
« L’autre » est indispensable : quand la compagnie arrive, c’est la joie ! Le désespoir qui fait rêver de pendaison ne parvient pas à ses fins : comme elle est bonne , la carotte donnée à Estragon ! Non rien de pessimiste : elle dure et endure, cette engeance ! Ces « masses » (qui font l’histoire ?)
Jean Pierre Vincent et Dominique Bluzet ont transmis le « matiérisme » pascalien du Prix Nobel 1969 : tu es matière vouée au néant, ta naissance et ta mort ne sont qu’un instant : ces corps qui dansent, parlent creux, saignent, chutent, se serrent dans les bras le démontrent ! La résistible humanité tient le coup.
L’espace nu est une métaphore du temps, ce temps qu’on soupèse : « hier » qu’on oublie si facilement, le rendez-vous de demain, le printemps qui se signale discrètement. La première partie du spectacle dure 1h 15 en un clin d’œil : on ne s’ennuie pas, on rit beaucoup de l’humour noir, des gags… Des clins d’œil à la Provence, à un personnage marseillais dont le nom est proche de Godot ! La deuxième finit par des applaudissements de la salle et des rappels !
Une performance drôle qui donne à réfléchir !
Catherine FLEURY
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