Pour comprendre l’enjeu du GardenLab, il faut laisser Christian Amiraty, le maire, en conter l’histoire. « Quand je suis arrivé aux affaires de la ville il y a 10 ans, les terres agricoles étaient détournées de leurs usages et disparaissaient les unes après les autres. L’un des thèmes de ma campagne était donc de fonder un projet agricole communal. » Le lieu idéal pour cela était tout trouvé : la coulée verte qui sépare le hameau de Laure de Gignac. Seule problème : le PLU de 2007 prévoyait pour cette zone une urbanisation. « J’étais contre, reprend le maire. Le but de cette urbanisation était de réunir les deux communes en gommant leurs identités. Nous l’avons vu avec Vitrolles nord et sud, qu’un grand boulevard urbain réunit sans pour autant créer un sentiment d’appartenance commun : cette politique est un échec. Ce qui pouvait réunir Laure et Gignac, c’était un lieu de rencontres. »
La Ville, en collaboration avec la Chambre d’Agriculture, acquiert le corps de ferme de La Pousaraque et plusieurs hectares de terrains urbanisables pour les sanctuariser et les protéger de possibles constructions. « Il fallait ensuite construire un véritable projet pour leur assurer un usage et ainsi une pérennité. » C’est ainsi que naît le GardenLab, dont l’objectif est de lutter contre la malbouffe, l’industrie alimentaire et proposer un circuit de production et de consommation court, avec une garantie de traçabilité. Le GardenLab se décline ainsi en trois volets : développer de nouvelles exploitations agricoles, favoriser l’agro-écologie et l’innovation en matière de production agricole, avec l’installation d’exploitants bio et respectueux de l’environnement, et développer l’aspect collaboratif, en invitant les habitants à s’approprier le projet autour d’ateliers pédagogiques, de jardins potagers partagés, etc.
La ferme de la Pousaraque, vitrine du projet
Cette fameuse trame verte entre le hameau de Laure et le centre ancien se déplie sur une surface cultivable de 3 hectares et constitue la vitrine du projet GardenLab. Ici, seront accueillis une zone de culture maraîchère, ainsi que des potagers thématiques et expérimentaux : pédagogiques, partagés, familiaux, graines anciennes, inclusion sociale. Le corps de ferme ancien (1200m2) présente un potentiel : la Ville songe à y installer un hôtel ou un restaurant dont la cuisine serait élaborée à partir des produits bio cultivés sur place et pourrait ouvrir ses portes d’ici 4 à 5 ans. « L’ambition est de créer un espace productif et paysager en cœur de ville, qui permette la visite et la déambulation des habitants », poursuit le maire. La première parcelle a été défrichée en février 2017, et en mars de l’année dernière, les enfants du centre de loisir ont planté les premières pousses de leur jardin potager.
Outre la coulée verte de la Pousaraque, le GardenLab s’implante aussi dans la plaine agricole de Gignac, au pied du massif de la Nerthe et proche de l’Etang de Berre, constitué de 10 hectares de terres agricoles achetés par la Ville. Ici, trois exploitants bio seront bientôt accueillis pour des productions maraîchères, ainsi qu’une bergerie pour un projet de pastoralisme. Ce troupeau entretiendra et nettoiera le milieu naturel et les collines de la plaine. Une grande ferme opérationnelle déjà présente sur l’une des parcelles assurera le stockage du matériel et logera deux agriculteurs. Autre lieu : la plaine du Loubatier, dont les 15 hectares ne sont actuellement pas cultivées, l’objectif est de remettre en culture ces terres agricoles en friche et d’ouvrir des espaces propices aux promenades. « Proche du tissu éducatif et sportif (école, centre de loisirs, complexe sportif, parcours de santé), il aura une vocation pédagogique essentielle. Il pourra être un lieu de découverte des métiers et des productions agricoles, notamment pour les enfants. A moyen terme, l’objectif est d’introduire des aliments bio dans la restauration scolaire, issus directement de cette parcelle », précise Christian Amiraty.
Le défi : impliquer les citoyens
La Ville compte aussi créer un point de vente collectif en centre-ville, afin que les agriculteurs vendent leurs propres productions : fruits, légumes, fromages de la bergerie. Un lieu central, proche des commerces de proximité et d’un parking. « Aujourd’hui, nous sommes à un tournant, met en garde le maire. Soit nous réussissons à redonner vie à notre patrimoine agricole. Soit nous échouons et les nombreux ennemis de ce projet auront à cœur de se l’approprier pour en détourner l’usage et nous pourrions voir bientôt sur ces terres se construire villas et lotissements. » Il insiste : « Le succès du GardenLab dépend de l’implication des Gignacais. » Aussi, tous les habitants sont invités à émettre leurs propres propositions sur cet espace en réflexion, tous les deux à trois mois lors de réunions de suivi : compostage, ateliers, animations, thématiques des potagers, etc. Toute implication est la bienvenue.
Concernant le budget, difficile de l’évaluer tant que ne sont pas fixés tous les aménagements du GardenLab, qui devrait demander encore deux ans de travail a minima. « La municipalité a dépensé pour l’acquisition des terres plusieurs millions en 10 ans, assure Christian Amiraty. La Région a participé à hauteur de 250 000€ à la rénovation de la ferme et financera ponctuellement ce type d’opérations, selon nos besoins. Le département financerait le projet à 60%. » Concernant la Métropole, des réflexions sont encore en cours pour déterminer le montant des sommes qui pourraient être allouées au GardenLab. Ce qui est certain, c’est qu’il s’intègre dans le Projet Alimentaire Territorial de la Métropole qui a notamment pour objectif de développer des circuits courts de production.
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La Pousaraque, également lieu de recherche scientifique
Une convention d’organisation d’ateliers de recherche a été signée entre Gignac et le président d’Aix-Marseille Université pour 2018 et 2019. Quatre ateliers seront ainsi organisés avec le living lab T.Créatif (AMU) dans les deux ans à venir :
– Quelles échelles et responsabilités pour une souveraineté alimentaire ?
– Santé et sécurité alimentaire
– Quelle mise en œuvre locale de la loi « Bio en restauration collective » ?
– Quelle efficacité des dispositifs de mobilisation institutionnelle et citoyenne ?