Après plusieurs mois d’attente le rapport du préfet Pierre Dartout, demandé en septembre par le Premier ministre pour évaluer le projet de fusion du Département avec la Métropole Aix Marseille Provence a été présenté à Edouard Philippe et diffusé dans la foulée.
Après avoir dressé un bilan des premières années d’existence de la Métropole, le rapport (lire l’intégralité) affirme sa conviction de la nécessité de poursuivre le travail engagé après la création de l’institution métropolitaine en 2016. Malgré les difficultés, le préfet affirme: « Seule une collectivité de cette nature et de cette taille, rassemblant des territoires divers, à la richesse inégale, est capable de répondre aux défis du développement économique, de l’aménagement durable du territoire et de la solidarité. » Comment renforcer cette collectivité ? « Avant de définir tout projet stratégique, passant notamment par le renforcement de la cohésion de la Métropole AMP et de son attractivité, il faut évoquer la consolidation de sa gouvernance, c’est-à-dire son organisation territoriale, ses compétences et ses moyens financiers » répond le préfet qui aborde ensuite les différentes questions soulevées par le projet de fusion avec le Département.
Fusion intégrale avec le Pays d’Arles : beaucoup d’avantages
Sur la question du périmètre, le préfet après l’examen des différents positions privilégie une fusion comprenant le Pays d’Arles. « La fusion intégrale de la Métropole et du conseil départemental, englobant le pays d’Arles dans cette nouvelle collectivité sui generis présente beaucoup d’avantages en termes d’influence politique, de mutualisation des moyens administratifs et d’optimisation des ressources financières » peut-on lire dans le rapport qui constate qu’ « au cours des derniers mois, des évolutions se sont faites : aujourd’hui, 20 maires sur 29 du pays d’Arles ont affirmé publiquement leur soutien à l’intégration de leur territoire au sein de la Métropole. Leur démarche est fondée sur le pragmatisme. » Les cas des communes de Saint Zacharie dans le Var et Pertuis dans le Vaucluse actuellement dans la Métropole mais hors des Bouches-du-Rhône sont également évoqués. Elles seraient intégrées à la nouvelle institution fusionnée.
Le mode de scrutin pour un « véritable projet métropolitain »
Après la question du périmètre, le rapport en vient aux questions de mode de scrutin, de gouvernance et de compétences. « La désignation des conseillers métropolitains, dans l’hypothèse où il y aurait fusion intégrale avec le Département, revêt une importance déterminante. Il s’agit en effet de choisir un mode de scrutin qui permettra de concilier deux objectifs : dégager une majorité stable et cohérente, élue sur la base d’un projet métropolitain, et permettre aux territoires de disposer d’une juste représentation. » Tel est l’enjeu. Différentes hypothèses sont évoquées dans le rapport émanant parfois de propositions d’acteurs du territoire qui ont contribué à la réflexion. Mais les cinq options soulevées ne semblent pas satisfaisantes pour le représentant de l’Etat : Au total, « si elles permettent d’assurer une bonne représentation des territoires, risqueraient de ne pas dégager une majorité suffisamment cohérente et porteuse d’un projet métropolitain. »
Le modèle mixte des élections régionales
Deux pistes semblent être privilégiées par le préfet : « Un scrutin de liste proportionnel (avec prime majoritaire) à deux tours à l’échelle départementale (circonscription électorale unique) aurait un avantage évident : celui de privilégier la recherche de l’intérêt métropolitain et de rendre la Métropole plus efficace. » Il aurait néanmoins l’inconvénient d’être perçu comme coupé des territoires. Il existe toutefois un moyen de surmonter cet obstacle en s’inspirant du mode de scrutin qui prévaut pour les élections régionales et qui permet une répartition des sièges en fonction des résultats obtenus dans l’ensemble de la région tout en attribuant les sièges au sein de sections départementales pour que chaque département « repère » ses élus. La délimitation des sections pourrait s’inspirer de celle des arrondissements (cf tableau ci-dessous).
Et le calendrier ? Deux options : 2020 ou… 2024
La question du calendrier et de la gestion dans le temps de la réforme est revêt une importance déterminante souligne le rapport. « les perspectives de réussite de cette fusion sont largement tributaires de la question du calendrier, notamment quant à l’articulation entre la promulgation du texte législatif (et donc du temps nécessaire à son élaboration) et les échéances électorales communales de 2020 et départementale de 2021 ; il faut aussi prendre en compte la phase de transition entre les deux collectivités. Certains maires ainsi que des parlementaires et des acteurs économiques pointent également les risques d’un processus mené dans la précipitation alors que la situation de la Métropole n’est pas stabilisée. » Dont acte.
Le préfet pousse deux options.
Extraits « b.1) Un processus simultané avec une fusion/extension, pour lequel plusieurs hypothèses sont envisageables :b.1.1) Les élections métropolitaines se tiennent en décembre 2020 pour une création de la Métropole au 1er janvier 2021. Cette solution peut être intéressante car elle est beaucoup moins contraignante que celle d’une création au 1er janvier 2020 en termes de délais de confection de la loi mais elle implique trois éléments : – de mars à décembre 2020 la collectivité serait gérée par un conseil métropolitain qui aura été élu selon l’ancien système du fléchage, pendant une durée d’environ 9 mois, afin qu’il n’y ait pas de vide dans l’administration de la métropole.
– un raccourcissement du mandat des conseillers départementaux d’environ 3 mois ne paraît pas constituer une erreur manifeste d’appréciation ; il reste aussi l’hypothèse d’une disparition du mandat départemental si cette collectivité elle-même disparaît ;
– un risque de faible mobilisation du corps électoral pour une élection organisée isolément et dont les enjeux pourraient être insuffisamment perçus par les électeurs.
b.1.2) Les élections métropolitaines se tiennent en décembre 2021 et une création au 1er janvier 2022, mais cela suscite deux questions :
– le caractère plus tardif de la mise en place de la Métropole n’est pas nécessairement une bonne chose. Par ailleurs, le conseil métropolitain élu selon l’ancienne formule serait en place pour une durée longue, soit environ 20 mois ;
– cette élection se situerait à quelques mois des élections présidentielle et législatives.
Ces scenarii supposent par ailleurs une intégration préalable des communes de Pertuis et SaintZacharie dans le Département, dans l’hypothèse où ces communes devraient rester dans la Métropole, ainsi qu’une fusion préalable des trois EPCI d’Arles avec la métropole AMP, si la fusion MétropoleDépartement devait être intégrale. Une loi serait naturellement nécessaire pour porter ces évolutions de périmètre.
b.2) Un processus progressif par étapes pourrait par ailleurs être envisagé, selon plusieurs modalités et à échéances variées : -2 étapes : approfondissement de l’organisation métropolitaine/extension puis fusion au 1 er janvier 2022 ; -3 étapes : approfondissement de l’organisation métropolitaine, puis extension puis fusion au 1er janvier 2024.
D’un point de vue technique, un scénario progressif pourrait permettre, en amont de la fusion avec le Département, de consolider la Métropole et de figer son périmètre. Cependant, un report de la création de la collectivité métropolitaine au-delà du 1er janvier 2022 pourrait être interprété comme une volonté de retarder l’opération, voire de la remettre en cause.»
Avant de conclure, le rapport du préfet évoque l’avenir des actuels conseils de territoire qui devraient disparaître. « Les conseils de territoire pourraient perdre leurs assemblées délibérantes pour devenir un simple échelon administratif déconcentré, en prenant la forme de directions de territoire « maisons de la métropole », à vocation exclusive de gestion administrative et technique. Les compétences métropolitaines et celles des communes sont également largement évoquées. Le rapport prône un rééquilibrage pour redonner aux maires des compétences de proximité.
La nécessité d’une loi et des ordonnances
Le préfet conclut à la nécessité d’une loi spécifique pour le territoire. « Au total, les mesures relatives à la gouvernance relèvent pour l’essentiel de la loi et même de dispositions législatives spécifiques ou dérogatoires. (…) Cette loi semble nécessaire notamment sur les questions du périmètre et des modalités d’élection, qui sont des sujets sensibles pour les élus. En revanche, les dispositions relatives aux compétences ou à certaines questions financières pourraient faire l’objet d’ordonnances ou d’un véhicule législatif commun à d’autres collectivités. »