Après avoir marqué MP2013 avec son camping éphémère à lʼEstaque, lʼassociation Yes We Camp revient sur le devant de la scène avec un projet de parc métropolitain sous Grand Littoral. En juillet 2015, le promoteur Résiliance, propriétaire de 20 hectares en friche coincés entre le centre commercial, le quartier Saint-Antoine et lʼautoroute, a contacté la jeune équipe pour lui proposer dʼinvestir le terrain non constructible. « Il voulait quʼon refasse un camping comme en 2013 mais après concertation avec les riverains, on a décidé dʼaller plus loin », raconte Gauthier Oddo, responsable du projet Foresta chez Yes We Camp.
Avant dʼécrire son projet, lʼassociation a rencontré les équipes du Belvédère, un jardin partagé du quartier de la Viste, la tuilerie située en contrebas du terrain et toujours en activité, le bureau des guides du GR2013 qui traverse la zone, la coopérative dʼhabitants Hôtel du Nord… « Nous avons également découvert quʼil y avait aussi des cueilleurs et des agriculteurs pirates très actifs », explique Gauthier Oddo. Suite à ce petit tour dʼhorizon, le collectif a déterminé trois champs dʼactions principales pour le site : le parc, un espace de déambulation, de loisirs et dʼactivités sportives, la station Foresta comme lieu dʼaccueil avec services de proximité, et un incubateur, pour terrain d’expérimentations intégré à une démarche globale.
Un parc à vocation sociale, écologique et innovant
La coulée verte représente 20 hectares d’espaces en milieu urbain, dans une ville en manque d’espaces naturels valorisés et praticables par tous. Repéré comme un espace remarquable par plusieurs équipes dans le cadre de la consultation urbaine pour la Métropole, Yes We Camp a imaginé le lieu comme un espace ouvert qui ferait le lien, physique et social, entre tous les quartiers environnants. Il a déjà accueilli des activités sportives comme les olympiades de la Ligue de lʼenseignement lʼan dernier, les dimanches à Foresta ont également réuni des centaines de visiteurs autour dʼactivités ludiques et festives ou encore « Jardiner la colline » qui propose des balades-ateliers pour redécouvrir la flore locale.
Pour aller plus loin sur le volet nature, Yes We Camp a travaillé avec Terre de Mars, spécialisé dans lʼagriculture urbaine, pour analyser le potentiel des sols : « On a découvert une terre riche mais totalement asphyxiée, très argileuse. Cette complexité nous a convaincus quʼelle pourrait être un terrain parfait pour des expérimentations sur les techniques agricoles en milieu aride », avance Gauthier Oddo. Yes We Camp prévoit un incubateur de plein air sur une surface de 4,4 hectares dédié à lʼaccompagnement et lʼexpérimentation de projets entrepreneuriaux dans les domaines de lʼinnovation écologique (architecture bioclimatique, énergies locales, biodiversité…). Près de 3 000 mètres carrés seront mis en maraîchage avec des activités de permaculutre et des techniques agricoles traditionnelles. Une ferme animale est également au programme. Enfin, un espace dédié à la botanique permettra également de mener des recherches sur la flore locale « mais attention, on est plutôt sur du low tech », prévient le responsable.
Le projet ne comptera quʼun seul équipement bâti : la station Foresta. Cet édifice sʼétendra sur un peu plus de 600 mètres carrés. Il accueillera une cantine partagée, les bureaux de lʼincubateur, des vestiaires, des ateliers pour les activités pédagogiques notamment et une salle dʼétude dédiée à lʼaccueil du public avec un comptoir unique à lʼaide sociale. « On travaille avec le lab zéro sur lʼinnovation urbaine avec lʼobjectif de parvenir à zéro habitant sans droits à Marseille. Ce lieu participera donc à lʼaccompagnement des riverains dans leurs démarches », précise Gauthier Oddo.
Le parc en lui-même participera également à la promotion de la biodiversité avec des parcours de découverte, des potagers sauvages, des espaces dédiés à la faune locale. Pour financer le lancement du projet Foresta, Yes We Camp est allée pour la première fois à la pêche aux subventions avec un certain succès.
Un premier financement Feder décroché pour lʼincubateur
Le collectif a répondu à deux appels à projets du fonds européen Feder pour financer le démarrage de Foresta. Il a remporté le premier avec son incubateur qui devrait à terme participer à la création de plusieurs emplois par les entreprises installées. Pour le second volet social, le dossier est toujours en cours dʼinstruction et Yes We Camp attend une réponse pour le mois de mars prochain. « Nous tenons à ne pas dissocier ces deux parties qui sont pour nous les deux faces dʼune même pièce. Nous attendons donc la validation du financement pour la partie sociale pour mobiliser les premiers fonds obtenus pour lʼincubateur », insiste Gauthier Oddo. Au total, la contribution du Feder pourrait être de 900 000 euros étalés sur trois ans et représenterait 50 % du financement global. Yes We Camp dispose dʼune convention dʼoccupation temporaire de huit ans et mise sur le développement à terme de lʼactivité des programmes accueillis par lʼincubateur pour faire vivre le projet. En cas de réponse positive du deuxième financement Feder, lʼassociation compte déposer un permis de construire pour la station Foresta au début du printemps 2018 et espère ouvrir le parc avant la fin de lʼannée prochaine.
Les agriculteurs urbains à la conquête des toits de Marseille
Yes We Camp a présenté son projet Foresta aux 1ères journées des agricultures urbaines qui se sont tenues les 7 et 8 novembre à la Villa Méditerranée. Lors de cet événement, de jeunes entrepreneurs ont présenté leurs projets pour investir la ville. Avec les problématiques de foncier et de pression immobilière, de nombreux projets portent leurs regards sur les toits de la ville. Martin Petitjean, producteur de spiruline à Gignac-la-Nerthe, cherche un toit marseillais pour y installer des bioréacteurs capable de produire des algues fraîches : « Nous nʼavons besoin que de 100 à 200 mètres carrés maximum. Une installation sur un immeuble nous permettrait de vendre un produit frais, plus tonifiant, directement aux consommateurs », sʼenthousiasme lʼaquaculteur. André Bismuth a, lui, développé un procédé de permaculture hors-sol pour produire des légumes sans pesticides et rêve dʼinstaller une micro-ferme sur les toits : « Nous pourrions cultiver des pois réserves dʼeau avec de très faibles besoins en irrigation, 250 ml à 400 ml par jour seulement, sur de la fibre de coco », affirme-t-il. Si les États-Unis ou le Canada ont déjà testé ces solutions, la réglementation locale bloque encore pour lʼinstant ces projets. Pour lʼheure, les serres et les micro-fermes sur les toits sont considérés comme des R+1 ce qui est interdit par le plan local dʼurbanisme. Ces projets sont également confrontés à des problèmes de portance et dʼaccès à lʼeau en haut des bâtiments.