Vous discutez avec le consortium Brexit-1 qui souhaite créer un câble sous-marin entre New York et Marseille (nos infos du 20 janvier, Le Digest Hebdo n°9)
Fabrice Coquio : Nous ne sommes pas encore à l’étape des pourparlers pour finaliser un accord. Pour une raison simple : le consortium n’est pas encore formé, il est en cours de création. Pour faire un câble de ce type, c’est à peu près un investissement de 400 millions de dollars. Cela réclame forcément des investisseurs. C’est pour cela que ce projet de câble a été annoncé en amorçage, lors du traditionnel Pacific Telecommunication Council (PTC) qui s’est déroulé à Hawaï du 17 au 20 janvier. C’est la Mecque, une fois par an, pour les infrastructures télécoms, les réseaux filaires, les câbles sous-marins, la communication-radio. Bref pour l’ensemble des professionnels mondiaux du secteur.
Où en êtes-vous des discussions ?
F. C : Interxion, avec sa position en Europe de leader des data centers, est particulièrement impliqué dans ces problématiques qui vont se répéter dans les prochains mois. De nouveaux câbles s’installent dans le monde en allant partout, et particulièrement vers Marseille. Ce qui nous réjouit. Il est tout à fait normal que nous discutions avec toutes les parties prenantes. Les équipes d’Interxion présentes à Hawaï, une dizaine de personnes, ont eu plus de 40 rendez-vous rien que sur le sujet des câbles sous-marins. Les discussions peuvent exister pour un câble entre l’Irlande et la Bretagne, l’Irlande et la Normandie, les Etats-Unis et Bordeaux ou Bilbao, les Etats-Unis et Marseille, l’Afrique et Marseille. Mais il y a une différence entre être en pourparlers et discussions. Nous n’en sommes pas à l’état de finaliser un accord. Du reste, nous sommes tenus à un certain nombre de clauses de confidentialité dans le cadre de nos relations avec les acteurs du secteur, y compris avec le consortium Brexit-1 (Interxion est coté à la bourse de New York, NDLR).
Marseille est-elle bien positionnée pour récupérer des parts de marché dans le transport des données ?
F. C. : Le positionnement de Marseille en général, et la particularité d’Interxion, avec non seulement son bâtiment acheté à SFR il y a deux ans et demi, mais également les investissements dans le port avec le GPMM, font que nous concentrons les 13 câbles sous-marins arrivant à Marseille dans nos bâtiments. Forcément, il y a un effet d’attractivité qui intéresse tous les acteurs, à commencer par un acteur comme Brexit-1. L’intérêt qu’il porte à Marseille témoigne d’un phénomène majeur.
En quoi est-ce un phénomène majeur ?
F.C. : Traditionnellement, depuis que le télégraphe existe au XIXe siècle, la route classique pour échanger du contenu a toujours été celle de l’Atlantique Nord, de New York à Londres. Et depuis 20, 30 ans que l’on pose des câbles dans l’Atlantique, c’est la connexion New York – Londres qui permet d’irriguer le continent européen. Le fait que pour la première fois, l’un des acteurs identifie des nouvelles tendances de flux avec le rôle primordial de Marseille comme hub, cela me paraît constituer un élément de rupture essentiel. Premièrement, parce que l’on remet en cause le trajet naturel de l’infrastructure qui transporte 99 % de l’information dans le monde, à savoir les câbles sous-marins. Mais surtout parce que New York est la ville mondiale du contenu. Et l’on voit bien que s’opère une bascule dans la consommation de ce contenu. Nous étions avant dans un échange nord-nord, les pays développés échangeaient entre eux. On est en train de voir émerger la bascule nord-sud. Et peut-être qu’un jour, on aura la bascule sud-sud. Dans ce contexte, Marseille va jouer un rôle considérable.
Les porteurs du projet Brexit-1 ont-ils des chances de réaliser leur projet ?
F.C : Tout à fait. Ils sont très sérieux. Ce sont les fondateurs de Flag Telecom en Inde. Ce sont des « sachants ». Vont-ils parvenir à réunir les fonds qui leur manquent ? Ce qui est important pour nous tous, Français, Marseillais, c’est que la prise de conscience est désormais là. Si ce n’est pas ce consortium, c’est quelqu’un d’autre qui réalisera cette infrastructure. Si ce n’est pas Brexit-1 demain matin, ce sera un autre acteur après-demain. Depuis deux ans et demi que nous travaillons à cet aéroport numérique à Marseille pour relier l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, on vient de s’apercevoir que Marseille avait aussi une façade Atlantique. C’est également une énorme rupture.