La séquence consacrée à Marie paraît essentielle. Mère du prophète Jésus pour les musulmans, celle qui donne naissance au fils de Dieu selon les chrétiens, Marie-Myriam incarne la Mère universelle. Au cœur de la cathédrale algéroise Notre-Dame d’Afrique, reste gravée en lettres murales cette double injonction : “Priez pour nous et pour les musulmans “!
Vénérée partout
Sur l’autre rive de mare nostrum, les disciples de Mahomet grimpent volontiers au sommet de la Garde pour vénérer la même vierge-mère. En Palestine, Bethléem reste à la fois le berceau de la nativité et un haut lieu islamique. Le prophète Muhammad y fit escale lors de son voyage céleste, pour se recueillir, « là où était né son frère Jésus ! » Le nom même de Marie est plus fréquemment cité dans le Coran que dans le Nouveau Testament. A Ephèse, en Turquie, les pèlerins visitent la maison de Marie. Cette figure de fécondité et de guérison apparaît encore miraculeusement en Égypte.
Cultes divers, foi partagée
La synagogue de la Ghriba, sur l’île tunisienne de Djerba, associe juifs et musulmans, en quête de “baraka”, ou grâce divine. Une des dernières salles de l’exposition rassemble talismans et amulettes appréciés des adeptes des trois monothéismes. Dans le secteur des patriarches, une toile de Chagall peint Moïse face au buisson ardent. Aujourd’hui sur ce mont Moïse du Sinaï, une chapelle côtoie une mosquée.
Parmi les centaines d’objets et documents témoignant des porosités entre les trois religions du livre, une petite barque de céramique colorée. Secouée par des flots tumultueux, la Sainte famille, (Joseph, Marie et son nouveau-né) se porte au secours d’un migrant proche de la noyade… Une création naïve que le pape François confia en 2013 à l’île de Lampedusa – théâtre de tant de drames et de naufragés, mais d’altruisme aussi.
Table ronde
Depuis cinq siècles, sur cette île carrefour entre l’Afrique et l’Europe, les marins honorent une grotte dédiée à la fois à Marie et à un saint musulman. Cette coexistence dans la dévotion ne dissimule ni les tensions ni les conflits ; ce double aspect sera probablement évoqué lors de la table ronde géopolitique, qui réunit mercredi 29 avril soir à la villa Méditerranée Leïla Shahid, ex-ambassadrice de Palestine en Europe, le diplomate israélien Elie Barnavi et le philosophe Régis Debray (à partir de 20h).
(Illustration : Crédit MuCEM/IDEMEC/Manoel-Penicaud)