Après « Animal » à Londres, Gonzalo Borondo présente « Matière Noire », cette fois à Marseille, à la galerie St-Laurent au rez-de-chaussée de la grande halle des antiquaires à l’entrée du marché aux puces de Marseille dans le 15e. Inaugurée le 7 octobre dernier en présence d’un millier de personnes venues des coins de France et d’Europe, le show du jeune artiste contemporain espagnol et de son collectif d’une dizaine d’invités se déroule jusqu’au 31 janvier 2018. A ne pas manquer. Et ce pour plusieurs raisons.
« Avec Carmen Main en tant que commissaire d’exposition, Matière Noire a pour sujet tout ce qu’on ne peut ni voir ni détecter directement, mais qui permet néanmoins à l’univers d’exister : une métaphore de l’invisible à notre perception. Une réflexion sur les différentes réalités humaines au niveau culturel, social et générationnel et sur les moyens qui permettent de les assimiler, des premières formes de représentation jusqu’aux plateformes digitales contemporaines. » Vaste programme présenté d’une voix experte et assurée par la maitresse des lieux Catherine Couderc. Celle qui est à la ville l’épouse d’André Couderc, le propriétaire du marché aux puces voisins, met toute son énergie pour faire vivre ici un pôle d’art moderne de très haut niveau, à la fois dans la Galerie St Laurent mais aussi sur les murs autour. Elle y invite, sans aides ni subventions, des street artistes, parfois de renommée internationale, à réaliser des oeuvres inédites. « Avec Gonzalo Borondo, c’est la 15e exposition que nous organisons ici, explique-t-elle un peu découragée par le manque d’engouement de la ville pour ses initiatives. » Pourtant ne cherchez pas un lieu pour importer un mini-Wynwood façon Miami à Marseille, comme d’aucuns l’évoquent. Il est ici et n’attend que de se développer.
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Matière récupérées, matières en voie de disparition ?
L’exposition de Borondo, gratuite, s’étend sur une superficie de 4 000 mètres carrés où le street artiste présente pour la première fois l’ensemble de son univers, à travers plus de 30 œuvres d’art – animations, hologrammes, installations, peintures, vidéos – avec la participation de huit artistes multidisciplinaires internationaux appartenant à la dernière génération ayant grandie avant le boom digital : BRBR Films, Carmen Main, Diego López Bueno, Edoardo Tresoldi, Isaac Cordal, Robberto Atzori, Sbagliato, Momo lui Même and A. L. Crego, auteur également des contenus visuels dynamiques de l’exposition, tels que gifs et vidéos. Tous sont restés plusieurs mois l’été dernier pour concevoir des oeuvres in situ, le plus souvent à partir de matériaux récupérés sur place dans la halle des antiquaires ou dans des échoppes autour et dans le marché aux puces. Une matière en voie de disparition diront certains, à l’heure où Euroméditerranée étend son son périmètre jusqu’au boulevard voisin. Quid des Puces ? La zone a été écartée du projet Les Fabriques en attendant de trouver un accord sur l’avenir du site. Mais les relations entre le propriétaire et la direction de l’établissement public ne sont pas au beau fixe.
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Oeuvres monumentales, cabinets de curiosité et jeux de perspectives
Un univers incroyable a été constitué durant la résidence des artistes, provoquant chez le visiteur tantôt l’incrédulité tantôt la curiosité, et souvent l’admiration. Une classe de collégiens en visite ne tarit d’éloges ! Les élèves, déambulant au rez-de-chaussé de la galerie la halle des antiquaires où se succèdent salles d’expo et boutiques d’antiquités ouvertes aux clients, multiplient les exclamations. Ils sont conquis. Catherine Couderc se félicite de donner un peu le goût de l’art à une jeunesse privée de lieux d’exposition dans ces quartiers Nord laissés en friche.
Catherine Couderc commente l’une des oeuvres de Borondo
L’exposition séduit la jeunesse par sa scénographie même : déclinée en trois actes – projection, perception et création – « l’exposition remet en cause l’univocité de la réalité et de ses représentations, tout en pénétrant et interrogeant les extrêmes de la perception humaine. Du mythe de la caverne de Platon à la réalité 2.0 où le monde est découvert à travers un écran, jusqu’au la contribution créative de chaque artiste » explique encore la galerie. « Matière Noire est la trace multisensorielle à travers laquelle le monde obscur se manifeste : le rationnel entre en contact avec l’infini, le conscient avec le subconscient, dans un dialogue serré entre anciens matériels et nouvelles technologies, analogique et digital, classique et contemporain. » On y retrouve des ambiances de la plasticienne française Anette Messager pour le goût des « choses ». Dépêchez-vous, Matière noire éteindra ses lumières à la fin janvier.