Pierre Rabhi (photo site www.pierrerabhi.org DR) et Isabelle Peloux étaient jeudi 31 mars au centre de congrès d’Aix, pour parler de l’enjeu de former les jeunes générations à un modèle alternatif de société. « Il faut prendre conscience de notre inconscience ». Pour l’agriculteur et philosophe Pierre Rabhi, le constat est simple : nos enfants seront très vite confrontés aux problèmes que l’humanité crée à l’heure actuelle. L’écrivain était accompagné hier soir par Isabelle Peloux lors de la conférence qui a suivi la projection du film « Ce qui compte » d’Anne Barth au centre de congrès d’Aix. Le documentaire retrace le parcours de Michel Valentin, un homme d’affaire qui a contribué à la création du centre d’agro-écologie « Les Amanins », niché au cœur de la biovallée drômoise. Le centre n’aurait pu être pensé sans y inclure la formation et l’éducation à la cause écologique. C’est dans ce cadre que l’école primaire du Colibri d’Isabelle Peloux a vu le jour, et ce, sous l’impulsion bienveillante de Pierre Rabhi.
[pullquote]« Ce n’est pas bon appétit qu’il faudrait souhaiter avant un repas, mais bonne chance… »[/pullquote] Les deux intervenants étaient donc invités à débattre autour de l’axe suivant : quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Quels enfants laisserons-nous à notre planète ? Dans un discours teinté d’humour mais aussi de gravité, Pierre Rabhi n’a pas mâché ses mots. L’allure sereine et le regard pétri de sagesse, l’homme est écouté avec attention par une salle pleine à craquer. « Il faut savoir que nous sommes en train de génocider une génération » lance l’agriculteur qui s’inquiète des « poisons que l’on a introduit dans le cycle de la vie ». Rajoutant avec la malice qui le caractérise « ce n’est pas bon appétit qu’il faudrait souhaiter avant un repas, mais bonne chance… ».
[pullquote]Plus de 75% des semences faisant partie du patrimoine de l’humanité ont déjà disparues[/pullquote] Sensible à la cause des plus démunis, il a rappelé que toutes les 7 secondes, un enfant meurt de faim, alors que les richesses sont concentrées par une minorité sur la planète. Ce constat implique un « changement radical de comportement », et, pour Pierre Rabhi, l’agro-écologie fait partie de la solution. Mais surtout, il est essentiel pour le philosophe de ne pas « s’enfermer dans une problématique occidento-occidentale », mais au contraire d’élargir la question à l’humanité dans sa globalité. Ceci impliquant de laisser un « héritage vivant » pour nos enfants : plus de 75% des semences faisant partie du patrimoine de l’humanité ont déjà disparues.
Mais alors, que faire ? C’est ici qu’intervient Isabelle Peloux. L’institutrice qui a créé l’école des Amanins n’est pas avare en explications au sujet de son école. Destinée au départ à l’apprentissage de l’écologie relationnelle pour des classes découverte, elle accueille aujourd’hui 35 enfants (du CP au CM2). Pour les acteurs de ce centre agro-écologique, l’avenir de la planète passe par la sensibilisation des jeunes aux problématiques environnementales, et au développement durable. Isabelle Peloux a donc amené une pédagogie spécifique dans cette école, qui est désormais reconnue par l’Education nationale comme un établissement privé sous contrat. Le programme officiel est respecté, mais pas seulement : « aux Amanins les enfants sont au centre d’une ferme ». Le but étant de « de semer des idées bénéfiques dans la tête des enfants ».
[pullquote]Les écoles conventionnelles sont un peu « à l’écart du monde réel »[/pullquote] Les piliers de cet établissement atypique ? C’est d’abord une école « hors les murs ». Pour Isabelle Peloux, les écoles conventionnelles sont un peu « à l’écart du monde réel » : les enfants sont « enfermés entre quatre murs » et ne se confrontent à la réalité de la vie. Aux Amanins, les élèves apprennent à s’occuper d’un potager, mais sont aussi régulièrement au contact des animaux de la ferme voisine. Leur permettant de saisir la « dépendance au monde du vivant », et l’importance de prendre en compte la météo dans leurs activités. L’école des Amanins, c’est aussi un atelier philo. Il s’agit d’apprendre à penser par soi-même et de développer un esprit critique dès le plus jeune âge. Aussi, Isabelle Peloux est convaincue des bienfaits du « temps du vivre ensemble » et de la méditation. Cela consiste en l’éducation des enfants à la paix, au recentrage, par des outils tels que le yoga ainsi que des exercices de respiration.
[pullquote]« Manger bio ne suffit pas » : il faut d’abord effectuer un travail sur soi[/pullquote]Ces méthodes sont l’illustration de ce qu’essaie de véhiculer Pierre Rabhi, pour qui « manger bio ne suffit pas » : il faut d’abord effectuer un travail sur soi. Et l’agriculteur de conclure « l’humanité doit prendre conscience de l’unité qu’elle représente en tant qu’espèce, et se reconnecter à la nature, car c’est à elle qu’elle doit la vie ».
Une journée agro-écologie au lycée de Valabre.
Pierre Rabhi était dans un premier temps attendu à la « Journée de l’agro-écologie », sur le site du Lycée agricole de Valabre à Gardanne. Dès 9h était reçu un public composé d’enseignants et de professionnels du monde agricole, se terminant par une première conférence à 16h. Un public plus large a ensuite été convié au centre des congrès pour la conférence traitant des Amanins à 19h30, organisée par l’association des « Colibris d’Aix-en-Provence » et par le Lycée de Valabre.
Site utile : autour de Perre Rabhi
Quentin CLAUZON