Y’a-t-il des raisons d’espérer lorsqu’on est socialiste et maire d’une commune des Bouches-du-Rhône qui fera son entrée dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence en 2016 ? « Oui », répond sobrement Frédéric Vigouroux, le maire de Miramas, interrogé par GoMet’. Il en est d’ailleurs la preuve. Aux dernières municipales de mars 2014, il fut l’un des seuls élus de gauche d’une commune de 20 000 habitants à rempiler dès le premier tour : un exploit, si l’on se remémore le contexte national catastrophique pour la gauche. « Il y avait cinq listes…, se souvient-il. Et on passe quand même au premier tour. On en a fait des choses dans la ville, mais alors ça. Le soir du premier tour, j’étais à la préfecture de Marseille, les copains m’appelaient et je n’y croyais pas. Puis j’ai regardé la carte de France et j’ai vu Miramas », confie-t-il simplement, en enchainant les cigarettes. Un exploit quand on se rappelle également ce qu’a été la campagne à Marseille, où le candidat socialiste Patrick Mennucci a été balayé par son adversaire Jean-Claude Gaudin, perdant au passage sa propre mairie de secteur.
Mais Frédéric Vigouroux n’est plus dans l’analyse des municipales. Il se concentre désormais sur la suite. Et celle-ci promet d’être mouvementée : refondation de la fédération des Bouches-du-Rhône, dont il est le président du conseil fédéral, élections au Sénat, où les socialistes ne sont même plus certains de pouvoir conserver un siège, États généraux et assises militantes du PS dès samedi 13 septembre, aux Docks du Sud à Marseille… Les rendez-vous ne manquent pas. Et l’ambition est immense, dans un département où les sections PS d’Aix-en-Provence et Marseille ont été dissoutes après les municipales. « Il faut repenser ensemble la carte d’identité des socialistes et réfléchir sur ce que c’est d’être socialiste aujourd’hui », expliquait il y a quelques jours, à ses côtés, Jean-David Ciot, le premier secrétaire de la fédération qui sera bientôt jugé en compagnie de Jean-Noël Guérini à propos de son licenciement douteux.
« L’important pour les maires aujourd’hui, c’est la métropole »
Derrière toute cette agitation, Frédéric Vigouroux, qui est par ailleurs le premier vice-président du Syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence, mène un véritable travail souterrain, de fond, au sujet de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Un travail de conviction au sein de l’Union des maires, présidée par l’édile de Mimet Georges Cristiani. « L’important pour les maires aujourd’hui, c’est la métropole. C’est le sujet très important », lance-t-il d’emblée, alors qu’il planche avec les autres élus du département dans les commissions paritaires chargées de corriger, à la marge, la loi sur la métropole, qui doit repasser à l’Assemblée à l’automne. Les élus se rencontreront à la préfecture, vendredi 12 septembre, pour le troisième conseil paritaire territorial de projet, instauré en juin 2014 par la ministre de la décentralisation, Marylise Lebranchu, afin de renouer le dialogue entre élus locaux et gouvernement.
> Lire aussi : Georges Cristiani repart à l’assaut contre la métropole d’Aix-Marseille-Provence
« Cette affaire de la métropole, elle part de 2010, souvenez-vous. Nicolas Sarkozy a d’abord supprimé la taxe professionnelle, qui a été catastrophique au niveau des finances des collectivités territoriales. Et ensuite, il lance le chantier de la métropole, qui est repris par François Hollande et son gouvernement », assure-t-il, balayant l’idée selon laquelle les élus sont foncièrement contre la métropole. « Il ne faut pas voir la question de la métropole par le petit bout de la lorgnette mais plutôt sur le fond. Le conflit n’est pas maires de petites communes face à chefs d’entreprise. On peut se mettre d’accord sur une stratégie commune », espère-t-il, alors que le dialogue semble renoué entre l’État et les 111 maires mécontents.
« Ce qui a posé problème, ce n’est pas le fait que l’État propose la métropole. Les maires ne font pas la loi. La chose que nous n’avons pas accepté, c’est la caricature qui a été faite de ce débat. Si en plus on se souvient de la campagne des municipales, là c’était la caricature de la caricature ! En clair, il fallait aider Marseille, – mais ça tout le monde est d’accord -, sans par ailleurs avoir son mot à dire. La caricature qui consistait à dire que nous étions tous des nantis dans nos petites communes et que Marseille était asphyxiée est fausse : je rappelle que Miramas a un revenu moyen fiscal par habitant inférieur au seuil de pauvreté européen. Je suis plus proche des quartiers Nord que des quartiers Sud de Marseille », témoigne-t-il, reconnaissant tout de même que les élus sont « tombés dans la provocation à un moment. Il fallait bien se défendre ! ».
> Pour aller plus loin : Métropole d’Aix-Marseille : les maires apaisés mais pas encore convaincus
Le fond, justement. Si le débat a tourné à la caricature, c’est que les contours de la loi n’étaient pas encore connus, ce qui prêtait le flanc à toutes les interprétations : fiscalité, transports, logement, cimetières… De quoi la métropole d’Aix-Marseille-Provence va-t-elle s’occuper ? Maintenant que la loi est votée, on le sait : elle lui accorde 73 compétences, ce qui est beaucoup trop selon les élus, qui se sentent dépossédés. « Si la métropole est une question de mutualisation de moyens, elle ne peut pas être balayée d’un revers de main, jure Frédéric Vigouroux. Tous nos projets de développement économique, de transports, le monde universitaire, la culture, sont des projets que nous partageons. Aucun maire ne peut dire que sur un de ces dossiers qu’ il ne travaillera jamais avec son voisin. Mais s’il s’agit de gérer l’urbanisme et le développement du permis de construire, alors je ne vois pas comment la métropole va améliorer le système ! », prévient-il.
Des compétences réduites à cinq ou six sujets stratégiques
Depuis l’été, Frédéric Vigouroux siège à la commission « compétences », avec une quinzaine d’élus. L’autre commission, elle, s’occupe de la « gouvernance » de la future métropole. « Je peux vous dire que l’ambiance s’est calmée. On commence à être dans le vrai, car on se voit de plus en plus. Ce qui est vrai, c’est que la métropole, on y est venus petit à petit. Ce dossier a accéléré les rencontres, les discussions, et ça a permis le dialogue. Maintenant, nous sommes en train d’écrire la partition ». Toutefois, il y a des choses qui ne changeront pas. « La métropole sera un EPCI (établissement public de coopération intercommunale) à fiscalité propre, donc pas à fiscalité simple. On ne peut rien inventer de ce côté là », prévient l’élu. « En revanche, je fais partie de ceux qui pensent depuis le départ que la métropole, au sens d’organisation souple, de projet, autour de cinq ou six grandes compétences stratégiques, est une bonne chose », explique-t-il. Mais alors quelles seraient ces grandes compétences stratégiques ? Celles évoquées par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, en visite à Marseille en novembre 2013 : les transports, le développement économique, la culture, l’environnement… Toutes les autres compétences restant du côté des maires et des intercommunalités. [pullquote]« La métropole sera un EPCI à fiscalité propre, donc pas à fiscalité simple. On ne peut rien inventer de ce côté là. »[/pullquote]
« Il faut par exemple que l’on puisse prendre un ticket de bus de Marseille jusqu’à Miramas et de Miramas jusqu’à Aix. Et que ce soit le même tarif », juge Frédéric Vigouroux, dont la ville est un véritable nœud ferroviaire qui voit passer 700 000 passagers par an. Certains dossiers, eux, sont plus complexes : « On a des contrats d’eau et d’assainissement différents. Nous avons tous des grands projets. Il faut que l’on en discute, dans le détail ». Sous l’égide du préfet Michel Cadot, tous ces dossiers sont décortiqués, en profondeur. Et cela prend du temps. « Il est très facile de dire comme un cabri je suis pour la métropole, mais c’est autrement plus compliqué de coordonner nos politiques publiques, de choisir les dossiers que l’on finance ou pas, et les incidences pour chaque commune. Il faut que l’on calcule tout ça ! ».
Marseille profitera-t-elle finalement de cette métropole ?
Et Marseille dans tout ça ? Au départ, la métropole a été assimilée à une aide particulière pour la plus grande ville du département, ce que les élus des petites communes alentours ont mal vécu. « Réussirons-nous à aider Marseille avec cette métropole ? Sur le plan financier, je n’en suis même pas certain… », déclare Vigouroux, pessimiste, qui continue : « À Marseille, ils ont eu des musées. C’est bien. Mais il faut voir maintenant dans quelle situation est le port par exemple. Ça me paraît être un dossier très important. Il existe des dossiers communs entre Marseille et les communes de la métropole : les liaisons ferroviaires, la fréquence des TER. Sur tous ces sujets, on peut trouver un terrain d’entente ». Et le temps presse, car la conséquence des difficultés de Marseille se fait sentir sur tout le territoire : « Aujourd’hui, nous sommes plus en concurrence avec la région lyonnaise qu’avec Barcelone. L’axe de développement méditerranéen aujourd’hui, c’est Gênes-Lyon-Barcelone, malheureusement », se désole Vigouroux.
Les maires sont donc à la croisée des chemins. Et l’édile de Miramas, lui, reste « optimiste » : « On est obligés de travailler ensemble ! Soit c’est une structure qui nous oblige à le faire, soit c’est à nous de prendre les choses en main ». Le ton a changé, donc. Pas les objectifs.