Vous souhaitez mobiliser les entreprises sur le dispositif des « emplois francs ». Pourquoi ?
Jean-Charles Blanc : La philosophie du dispositif des emplois francs consiste à contribuer à l’égalité des territoires vis-à-vis de l’insertion professionnelle. Le constat est assez simple : au sein ses quartiers politiques de la ville (QPV), le taux de chômage est beaucoup plus important qu’en dehors de ces quartiers : en moyenne de 18% – contre 10% dans le département – et parfois jusqu’à 30%, et sans parler des personnes non inscrites. A ce stade les emplois francs relèvent encore d’une expérimentation qui a été souhaitée par le gouvernement sur différents territoires de France dont la métropole Aix Marseille où il y a beaucoup de QPV, 59 au total. Il y a d’autres territoires concernés en France : la Seine Saint-Denis, les Hauts de France et un quartier dans les Pays de Loire. L’expérimentation va se prolonger jusqu’à la fin 2019 avec aucun plafond. Nous avons objectif de faire 1000 emplois francs en 2018. Si on devait en faire 1500 ce ne serait pas grave. L’objectif est ouvert.
Quels sont les spécificités des emplois francs ?
J-C. B. : Les emplois francs ont quelque chose d’original par rapport aux anciennes zones franches. Il fallait précédemment que les entreprises soient domiciliées dans les zones franches. Le dispositif emplois francs est désormais ouvert à tous les demandeurs d’emplois, inscrits à Pôle emploi, quel que soit leur âge et leur niveau de diplôme à partir du moment où le candidat réside dans un QPV. Il peut faire profiter à l’entreprise qui le recrute d’une aide financière qui varie de 5000 euros par an à concurrence de trois années, soit un total potentiel de 15000 euros pour un CDI., L’aide est de 2500 euros par an pour un CDD.
Quels sont les résultats de l’expérimentation dans les Bouches-du-Rhône ?
J-C. B. Depuis le mois d’avril, nous avons atteint les 750 contrats. C’est majoritairement des CDI. L’entreprise a deux mois pour se décider après l’embauche. L’aide se mobilise rapidement. C’est totalement dématérialisé. La société va sur le site dédié et à partir de ce moment là elle demande l’attestation du demandeur d’emploi qui garantit bien que la personne est bien inscrite à Pôle Emploi et habite un QPV.
Etes-vous satisfait de cette performance ?
J-C. B. Je pense que l’on peut faire mieux. C’est un dispositif qui n’est pas suffisamment connu. On doit encore le promouvoir au niveau des petites et moyennes entreprises. Elles n’ont pas forcément un service RH structuré. Après le mois d’avril, il y au un mois de mai très morcelé avec les ponts, puis les vacances. Le calendrier n’a pas été pas très favorable. Nous devons accélérer. Il va y avoir une réunion à la CCI Marseille Provence lundi 26 novembre. Nous voulons appuyer notre communication avec des « belles histoires » déjà observées.
Quelle visibilité particulière donnez-vous aux demandeurs de ces quartiers ?
J-C. B. La grande majorité d’entre eux qui sont suivis par Pôle Emploi ont reçu une carte de visite nominative certifiant qu’ils habitaient bien dans un QPV, qu’ils étaient éligibles aux emplois francs. On peut aussi lire sur cette carte quels sont les avantages du dispositif pour l’entreprise. Chaque fois qu’il se présente, le candidat peut laisser sa carte de visite à la fois nominative et qui promeut les emplois francs. Nos avons aussi une action spécifique de nos équipes entreprises pour faire connaitre la mesure. Nous proposons également spontanément les profils QPV même si l’entreprise n’a pas de projet de recrutement.
A combien estimez-vous le potentiel au total ?
J-C. B. Nous allons avoir du mal à arriver au 1000 contrats cette année mais je pense qu’il y a largement le potentiel. On recense à peu près 45000 demandeurs d’emploi sur le périmètre QPV dans les Bouches-du-Rhône. On espère en année pleine multiplier par deux l’objectif soit 2000 contrats minimum signés.
Que va faire le gouvernement après cette expérimentation ?
J-C. B. Il va évaluer le dispositif, regarder quels sont les résultats, quels sont les typologies de public. Pour l’instant il y a une grande diversité et mixité : autant d’hommes que de femmes, pas de catégories d’âge dominantes, une multitude de secteurs d’activité qui représentent bien le poids des branches. C’est plutôt positif et montre qu’il n’y a pas un effet d’aubaine. Si nous ne sommes pas complètement satisfaits du volume et que l’on pense que l’on aurait pu mieux faire, le côté qualitatif est plus positif.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
J-C. B. Il y a eu l’effet calendrier que j’évoquais précédemment. D’autres facteurs plus structurels jouent également. Une entreprise a la pression du carnet de commandes et donc la tentation de recruter tout de suite la personne qui est employable. Les personnes issues des quartiers ne sont pas forcément aussi qualifiées ou mobiles que celles issues d’autres zones. De plus certaines personnes n’ont pas les codes des entreprises. Il y a de ce point de vue là un plan global dédié à la formation « le plan investissement compétences » d’un montant total de 15 milliards d’euros dédié aux demandeurs d’emplois. La mesure emploi franc vise à faire exemple, à créer une dynamique et un effet d’entraînement, à engendrer de l’espoir dans les quartiers difficiles. C’est pour cela que je suis très attaché aux objectifs. Il faut mobiliser toutes les entreprises. Le dispositif, je veux le souligner, est à la fois intéressant et il est très simple. La seule condition pour l’entreprise est d’appartenir au secteur concurrentiel et d’être à jour de ses cotisations sociales.
Le dispositif est il cumulable avec d’autres aides ?
J-C. B : Non pas avec celles de l’Etat mais c’est possible avec celles des collectivités. Le Département a d’ailleurs mis en un place un dispositif baptisé « 1000 emplois en Provence » pour les bénéficiaires du RSA. Un demandeur d’emploi bénéficiant du RSA issu des QPV peut faire bénéficier l’entreprise chez qui il est recruté des deux mesures. Autre précision, les emplois francs peuvent aussi concernés des employés en interim qui basculeraient en CDI. Le passage en emploi franc permet ainsi de lutter contre la multiplication des contrats précaires.
Lien utile
La présentation du dispositif par le ministère du Travail.