Dans nos locaux, peu de temps après l’effondrement des deux immeubles rue d’Aubagne, la sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, Samia Ghali, confiait qu’elle « n’accepterait pas que des Marseillaises et des Marseillais se retrouvent sous ces décombres, car je considère que cette question, on ne la découvre pas aujourd’hui ». Mercredi 7 novembre au soir, le bilan provisoire est de six morts (quatre hommes et deux femmes). En décembre dernier, une situation semblable avait été évitée sur la copropriété de Kallisté. Pour la sénatrice, « il faut accélérer les procédures, c’est une question de sécurité publique. » Samia Ghali demande également la mise en place d’un permis de louer pour lutter contre les marchands de sommeil. Une demande déjà formulée il y a un an auprès du maire de Marseille et qu’elle réitérera lors du prochain conseil municipal. Si elle juge que la situation est « trop grave pour incriminer les responsables », le ministre de l’Intérieur, lui, pointe la Ville de Marseille, mais aussi l’Etat.
Christophe Castaner : «La Ville de Marseille est responsable »
Répondant, mardi 6 novembre, à l’Assemblée nationale aux questions des députés Alexandra Louis (LREM) et Mohamed Laqhila (Modem), ce dernier dénonçant l’habitat indigne à Marseille comme « un fléau qui, encore en 2018, tue les plus démunis », Christophe Castaner a rappelé que « l’habitat indigne relève du pouvoir de police municipale ». Il a souligné que « la Ville de Marseille est responsable ».
Le ministre qui s’est rendu sur place lundi 5 dans la soirée, aux côtés de Julien Denormandie, en charge du Logement auprès du ministère de la Cohésion des territoires, a demandé la réalisation d’un audit « immeuble par immeuble » au préfet sur l’habitat extrêmement dégradé du centre-ville. Mais pour Benoit Payan, le chef de file socialiste au conseil municipal « chacun connaît ici la situation du logement dégradé, insalubre et indigne à Marseille, et notamment dans le centre-ville ». Et de se référer à la « terrible sentence du rapport Nicol » qui relevait déjà dès 2015 qu’un Marseillais sur huit vit dans un logement qui représente un danger pour la santé. Le rapport évaluait à 6000 le nombre de copropriétés à Marseille présentant une situation d’urgence.
Interrogé par nos confrères de La Provence, Christian Nicol, l’inspecteur général honoraire de l’administration du développement durable, confie ne pas avoir été surpris par l’effondrement « car le rapport indiquait qu’il fallait être vigilant ». Il dénonce le manque de coordination entre trois services qui s’occupaient « chacun de leur côté » de l’hygiène, l’habitat et la sécurité des immeubles et pointe également la Ville : « J’avais constaté qu’ils rechignaient [les services] à mettre en place les procédures. » Procédures que Gérard Chenoz, président de la société locale d’aménagement (Soleam) estime « complexes », quand Arlette Fructus, déléguée au Logement à la Métropole Aix-Marseille Provence, les juge aussi contraignantes « car elles nous empêchent d’agir tant qu’on a pas les résultats de ces procédures ». Ce qui explique que l’immeuble vide du 63 a dû attendre dix ans pour être acheté. « La loi Elan prévoit des dispositifs qui vont permettre d’agir plus rapidement. Vivement qu’elles soient promulguées rapidement et que l’on puisse s’en emparer », confie, par ailleurs, Arlette Fructus.
Du «contrat de métropole» au «plan global» pour lutter contre l’habitat indigne
Face à cette situation dramatique, le ministre de l’Intérieur a aussi mandaté la préfecture pour établir un « contrat de métropole », où la rénovation urbaine sera « l’une des premières priorités ». Le préfet Dartout est déjà en charge de mener la concertation sur la fusion possible entre le Département et la Métropole. La Métropole, désormais en charge de l’habitat, est également mise en cause par certains élus, le transfert de compétences ayant repoussé à plus tard le programme de rénovation du quartier Noailles.
Pour Sébastien Barles, du collectif citoyen Marseille en commun, ce quartier est « abandonné des pouvoirs publics qui ne veulent plus voir cette population pauvre en son centre. D’où les projets et les tentatives de gentrification depuis l’élection de Jean-Claude Gaudin ». Il parle d’une « politique de pourrissement des quartiers populaires de la ville ». Même constat pour l’élu communiste Jean-Marc Coppola pour lequel « ce quartier n’a pas été une priorité car ses habitants sont des personnes modestes voire pauvres alors que l’action publique devrait plutôt d’abord aider ceux qui en ont le plus besoin. » Le conseiller municipal demande « en urgence » que l’ensemble des pouvoirs publics, État et collectivités locales, établissent un état des lieux « pour sécuriser les immeubles adjacents et leurs résidents. Que des investissements publics soient engagés pour rénover le quartier sans y chasser les habitants. » Là encore, « les choix politiques » de la municipalité LR sont mis en cause. « La Ville de Marseille se contente uniquement de projets cosmétiques », tacle aussi l’ancien député PS et ex-maire de secteur 1/7, Patrick Mennucci. « Il est devenu plus qu’urgent de lancer un plan global, ambitieux et de nature à définitivement éradiquer l’habitat insalubre dans notre ville ».
L’enquête qui a débuté pour connaître les responsabilités promet d’être longue et délicate. Selon le procureur de la République Xavier Tarabeux, qui a fait un point ce mercredi, « les causes de l’effondrement ne sont pas établies. Il est prématuré à ce stade d’imputer des responsabilités pénales ».
Liens utiles.
> La Ville de Marseille face à la catastrophe de la rue d’Aubagne : mobilisation et précisions
> Deux immeubles s’effondrent à Marseille : le point sur les derniers développements
> Effondrement rue d’Aubagne : les habitants du secteur pris en charge
> [Mobilisation] Lancement du #solidaritéhabitantsruedAubagne à Marseille