Au départ, ce n’est qu’un “simple” vol de voiture. Un car-jacking violent qui aurait pu s’arrêter là. Pourtant quelques heures plus tard, le bilan est lourd : un policier grièvement blessé, une passante touchée à la cuisse par un éclat de balle et le voleur, tué.
Il est 21 h, dimanche 24 août 2014 lorsque vacanciers, riverains et badauds de l’Estaque sont surpris par cet épisode surréaliste. D’un côté du trottoir, on fait la queue Chez Titi, le camion pizza. De l’autre, on est en terrasse, dans l’un des restaurants de ce quartier historique de Marseille (16e arrondissement), avec vue au loin sur le port. Et puis soudain, la douce soirée d’été se transforme en scène de film. Au volant d’une petite citadine noire qu’il a volée quelques heures plus tôt dans une station service de Port-de-Bouc, un homme de 37 ans, fait irruption à toute vitesse, sur la route de la plage, entre le camion pizza et la baraque à chichis. Des policiers lui barrent la route. Le voleur sort alors une arme et tire. Les policiers répliquent. Tout va très vite. Les habitants croient entendre des pétards. Les témoins les plus proches se mettent à terre en entendant les coups de feu. La course-poursuite s’arrête là. Le voleur touché par les balles des policiers, succombe rapidement à ses blessures. Une passante qui attendait devant le camion pizza a quant à elle reçu un éclat de balle dans la cuisse et est transportée à l’hôpital, d’où elle ressortira le lendemain. Un peu plus tôt, dans le 15e arrondissement, le voleur avait franchi un premier barrage de policiers et grièvement blessé l’un d’entre eux en lui roulant dessus. Hospitalisé mais dans un état stable, ce dernier ne devrait pas être en état de reprendre le travail avant trois mois.
« Mauvais endroit, mauvais moment »
Le lendemain, alors que le petit port de l’Estaque se réveille tranquillement, l’histoire fait la Une des journaux. Du drame de la veille, il ne reste qu’une tâche sombre sur le bitume. Sur les terrasses, dans les cafés, le bar-tabac, la boulangerie, on se regroupe pour en parler. « Vous avez entendu quelque chose vous ? » « Moi, j’ai tout vu depuis ma terrasse, confie une riveraine à son pharmacien. On a vu le type passer à toute vitesse avec des motos et des voitures derrière lui. Il était costaud et il avait l’air complètement affolé. »
« C’est un fait-divers banal mais qui dérape, réplique le pharmacien. Mauvais endroit, mauvais moment. Mais comme on est à Marseille, on va dire qu’il y a de l’insécurité ! »
Presse locale, presse nationale, journaux, télés, radios… le soir et le lendemain du drame, caméras, micros et appareils photos étaient en effet braqués sur ce quartier touristique que les habitants décrivent comme « vraiment tranquille ». Dans cette affaire, il n’y a pas de Kalachnikov, pas d’histoire de drogue, de règlement de compte ou de guerre des gangs. Il y a un homme seul, armé, qui vole une voiture et pense pouvoir échapper à la police. Mais il est localisé par le téléphone portable du propriétaire du véhicule, qui est resté à l’intérieur de l’habitacle. Rattrapé par les forces de l’ordre et se sentant cerné, le voleur panique et tire. En répliquant, les policiers ont agi en état de légitime défense et l’IGPN n’a pas été saisi.
« Pas plus de violence ici qu’ailleurs »
Très vite, ce fait-divers marseillais se retrouve mis au même plan que les fusillades récentes de Toulouse et de Montpellier, toutes les deux liées à des règlements de compte, sur fond de trafic de stupéfiants. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est même déplacé en plein remaniement du gouvernement. Il s’est d’abord rendu au chevet du brigadier-chef blessé à l’hôpital Nord, avant de rejoindre les policiers qui ont mis fin à cette folle course-poursuite pour les féliciter. Alors qu’il était déjà descendu à Marseille le 22 juillet pour rencontrer les services de police, Bernard Cazeneuve n’est pas allé à Montpellier après la fusillade du 23 août 2014, ni à Toulouse après un règlement de compte entre deux amis d’enfance, vendredi 15 août 2014. De quoi agacer les habitants de l’Estaque : « Ici, on se connaît tous et on est tranquilles. C’est un quartier familial, parfois touché par la violence, comme ailleurs mais certainement pas plus » Au loin, les premiers touristes arrivent à bord de la navette maritime en provenance du Vieux-Port. Les habitants se dispersent et les commerces ouvrent un à un leurs portes. Après une soirée agitée, la journée peut commencer.