Le maire de Cannes aurait-il des ambitions politiques nationales ? Si David Lisnard n’en fait pas état explicitement, il s’est néanmoins déplacé à Marseille, lundi 18 mars 2018, pour participer à une conférence-débat baptisée « Pour en finir avec l’incivisme », dans l’auditorium de la mairie des 1er et 7e arrondissements. Elle était organisée à l’initiative de la maire de secteur, Sabine Bernasconi, qui, comme, David Lisnard, soutient le mouvement « Libres ! » de Valérie Pécresse en marge du parti Les Républicains. Le thème de ce rendez-vous constitue l’un des piliers du mandat du maire de Cannes. Et s’il assure ne « pas avoir la prétention de faire de Cannes un modèle en la matière », cela ne l’a pas empêché d’en faire un livre. Un ouvrage intitulé « Refaire communauté : pour en finir avec l’incivisme » qu’il co-signe avec Jean-Michel Arnaud (vice-président de Publicis Consultants), aux éditions Hermann.
Les incivilité, un « phénomène majeur »
Lors de cette conférence où David Lisnard est arrivé avec 45 minutes de retard à cause de problèmes de circulation sur la route entre Cannes et Marseille (« N’y voyez pas là une forme d’incivilité », en a-t-il d’ailleurs plaisanté), il a présenté son action en matière de lutte contre les incivilités dans sa ville. En commençant par proposer une définition de cette notion apparue, au singulier, au XVe siècle. « Elle traduisait alors une impolitesse, une mauvaise manière d’ordre privé », explique David Lisnard. Elle s’est ensuite enrichie au fil du temps pour prendre sa forme plurielle – « les incivilités » – dès le XIXe siècle, traduisant des phénomènes à la fois privés et sociaux. Ce sont ces derniers qui intéressent le maire de Cannes : les jets de déchets dans la rue, les bruits excessifs, les stationnements gênants de véhicules, les tags, les crottes de chien… « Il s’agit d’incivilités infractionnelles qui portent atteinte au cadre de vie, à l’ordre social et à la tranquillité publique », martèle David Lisnard qui cite, au passage, le sociologue controversé Sébastien Roché et sa reprise du concept anglo-saxon du « carreau brisé ». Pour le maire de Cannes, l’incivisme représente un « phénomène majeur » très coûteux pour les municipalités et qui témoigne de « l’affaiblissement de la démocratie ».
S’attaquer aux actes pas aux populations
L’élu considère que toute la population est concernée par la question et que tout le monde, peu importe sa catégorie sociale, peut être auteur d’incivilités. « Elles ne sont pas l’apanage d’une catégorie de la population. En luttant contre l’incivisme, je ne cherche absolument pas à m’attaquer à une catégorie en particulier, mais, avant tout à des actes », prévient David Lisnard. Il affirme ne pas observer d’augmentation du nombre d’incivilité, mais constate toutefois « une évolution de leur nature dans le temps et dans l’espace. » Des propos qu’il appuie en citant l’exemple de la campagne de communication qui, il y a plusieurs décennies, incitait les maîtres de chien à leur apprendre à faire leurs besoins dans le caniveau. Ce qui, aujourd’hui, constitue une infraction.
L’Etat Providence, le consumérisme et le nihilisme en cause
Mais alors, quelles sont les raisons qui expliquent l’incivisme ? Selon David Lisnard, elles sont multiples : « Cela trouve son origine dans le passage à une sorte de consumérisme de l’espace public. Un certain nombre d’individus s’octroient un droit de polluer, ils sont consommateurs de l’espace public. On observe là une détérioration de la conscience civique. Mais l’incivisme est aussi une conséquence de l’Etat Providence qui génère un sentiment d’extériorisation de l’individu par rapport au groupe et entraîne une baisse du sentiment de responsabilité individuelle. » Le maire de Cannes estime que les phénomènes d’incivilité traduisent la tendance de la société au « nihilisme » qui se développerait et se renforcerait depuis le traumatisme de la guerre 14-18, en Occident. « A force de penser que tout se vaut, on en vient à se dire que rien ne vaut », déplore l’édile.
David Lisnard prône la tolérance zéro, l’éducation et la sensibilisation
Alors, pour en finir avec l’incivisme – titre de son livre et de la conférence – il privilégie une intervention publique à plusieurs niveaux. A commencer par la répression pour laquelle David Lisnard prône la « tolérance zéro ». « Tout constat d’infraction doit être sanctionné, peu importe qui est l’auteur de l’incivilité infractionnelle. On ne doit pas avoir peur de sanctionner », prévient le maire de Cannes. Dans la ville, certains policiers municipaux patrouillent d’ailleurs en civil pour constater et verbaliser les infractions. Et, sur ce point, David Lisnard regrette que les recettes qui en sont issues ne reviennent pas à la municipalité mais à l’Etat. Autre pilier de sa doctrine en matière de lutte contre l’incivisme : l’éducation. Pour cela, il organise des campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires de sa ville. Ce à quoi il ajoute une dose de communication avec « plusieurs campagnes primées » lancées ces dernières années par la ville de Cannes, s’enorgueillit-il. David Lisnard exprime également son attachement à l’éducation artistique et culturelle qui, par son intervention à la fois verticale (sens de l’autorité) et horizontale (partage de l’émotion), permet de créer « un sentiment d’appartenance au groupe et la fierté d’être français ».
L’intervention du maire de Cannes à la mairie des 1er et 7e arrondissements de Marseille a été saluée par les applaudissements nourris d’un imposant auditoire. La maire de secteur, Sabine Bernasconi, s’est, elle, déclarée « inspirée » par l’exemple cannois. Elle en a aussi profité pour exprimer son vœu de pouvoir recourir à la vidéo-verbalisation sur le territoire qu’elle administre, avant de convier David Lisnard et le public à une séance de vente et de dédicace de l’ouvrage du maire de Cannes, autour d’un cocktail.
Liens utiles :
> [Politique] Libres ! : le mouvement de Valérie Pécresse débarque dans les Bouches-du-Rhône