Les candidats socialistes à Marseille auraient déposé leurs comptes de campagne « hors délai». C’est en tout cas sur cet argument que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) compte s’appuyer pour motiver le rejet des dépenses électorales faites pendant la campagne municipale 2014 par les listes PS-EELV. Mais il y a bien d’autres arguments qui peuvent justifier le non-remboursement des frais de campagne : dépassement du montant légal, dépense directe du candidat, absence d’un expert-comptable… Tour d’horizon.
Brigitte Barèges (UMP) à Montauban : dépassement du montant légal autorisé
Récemment, la maire UMP de Montauban a appris que ses comptes de campagne avaient été retoqués. L’argument mis en avant par la commission nationale des comptes de campagne : le montant légal autorisé par la loi aurait été dépassé. Brigitte Barèges devra donc s’acquitter, sur ses fonds personnels ou par l’intermédiaire de son parti, des dépenses effectuées pendant sa campagne municipale. L’État ne les lui remboursera pas, sauf si le tribunal administratif de Toulouse, à qui le dossier a été transmis, prend une décision contraire.
En effet, une fois l’avis de la commission rendu, c’est au tribunal administratif, en l’occurrence celui de Toulouse, de se prononcer sur le dossier. Il peut soit demander l’inéligibilité de la maire – ce qui aurait pour conséquence de nouvelles élections – soit diminuer le montant du remboursement demandé à Brigitte Barèges, sans prononcer l’inéligibilité ; soit, enfin, rejeter l’avis émis par la commission.
« C’est un simple problème technique qui est à l’origine du rejet, pas le dépassement du plafond autorisé », s’est défendue Brigitte Barèges, au micro de France 3. Je suis sereine, même si cela n’est pas très agréable. La principale conséquence c’est que le prêt personnel que j’ai contracté ne sera pas remboursé », a-t-elle ajouté.
Son adversaire socialiste, Roland Garrigues, dont les comptes ont été validés, a jugé quant à lui que la campagne de sa rivale était « un puits sans fond ». Brigitte Barèges dispose d’un délai de deux mois, après la notification du rejet parti le 30 juillet, pour demander un recours de cette décision.
Fabien Engelmann (FN) à Hayange : dépense directe du candidat ou d’un colistier
C’est une affaire qui résonne comme un écho à la gestion douteuse des mairies FN des années 90. Fabien Engelmann, ancien CGT passé au Front national, est devenu maire de Hayange (Moselle) lors des dernières municipales de mars 2014. Problème, depuis six mois, l’homme clive. Jusqu’à être accusé par son ex-première adjointe, Marie Da Silva, d’irrégularité dans ses comptes de campagne. En cause, des factures d’environ 3 000 euros qu’elle dit avoir réglé personnellement. Or, c’est interdit par le Code électoral. Cette somme n’a jamais été incluse dans les comptes de campagne, ce qui fausse les déclarations faites par le candidat. Surtout, cette somme aurait dû, légalement, être payée par le mandataire financier du candidat. Un mandataire financier qui est chargé de recevoir les fonds à la place du candidat, car une fois déclaré officiellement, celui-ci ne peut plus recevoir d’argent en son nom propre.
Après avoir d’abord nié les faits, Fabien Engelmann avoue maintenant des « avances » faites par sa colistière pour l’impression de tracts à hauteur de 1 575 euros, au motif que « l’imprimerie ne voulait pas lancer l’impression des tracts si elle n’avait pas l’argent immédiatement ». La commission nationale des comptes de campagne ne s’est pas encore penchée sur cette affaire. Mais ces nouveaux éléments risquent de provoquer le rejet des comptes de Fabien Engelmann. Dans ce cas, si la « dépense directe » du candidat ou d’un de ses colistiers est avérée, l’élection pourrait être invalidée.
Damien Guttierez (FN) à Six-Fours-les-Plages : les comptes n’ont pas été validés par un expert-comptable
En juin 2012, Damien Guttierez n’a pas été élu député (il n’avait recueilli que 1,13% des voix) et pourtant, il a été déclaré inéligible par le Conseil constitutionnel jusqu’au 8 février 2014. Juste à temps pour se déclarer candidat aux dernières élections municipales, sous les couleurs FN, dans la ville de la Seyne-sur-Mer. Motif de l’invalidation par la commission : il manquait l’avis d’un expert-comptable, obligatoire, pour certifier ses comptes de campagne.
Le jeune homme de 33 ans, ancien collaborateur de Nadine Morano et candidat à l’époque sous les couleurs du Modem, s’était défendu dans Var-Martin : « Mon compte était sincère, mais je ne l’avais pas fait valider par un expert-comptable car je n’en avais pas les moyens ». Dommage, une dépense en plus lui aurait sans doute permis de ne pas régler la totalité de ses frais sur ses fonds personnels.
Bruno Mégret (MNR) en 2002 pour l’élection présidentielle : « concours du personnel communal » de Vitrolles
« Brutus », comme le surnommait Jean-Marie Le Pen, avec lequel il formait un tandem au Front national, s’était vu reprocher en 2002 l’envoi de 62 000 documents de campagne depuis la mairie de Vitrolles, dirigée alors par sa femme. Problème : c’est interdit par le Code électoral. Le Conseil avait jugé que le personnel de la mairie avait travaillé au service de Bruno Mégret « pendant ses heures de service ».
À l’époque, le candidat dissident du Front national partait à la collecte des 500 parrainages nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle, sous les couleurs de son parti, le Mouvement national républicain (MNR). Une campagne qui avait réuni sur son nom 2,34% ds suffrages. Conséquence de ce rejet : les dépenses de sa campagne ne lui avaient pas été remboursées. Et il avait dû restituer l’avance qui lui avait été faite par l’État, en avril 2002, à hauteur de 153 000 euros.
Jacques Cheminade en 1995 pour l’élection présidentielle : des prêts sans taux d’intérêts requalifiés en dons
Alors que le Conseil constitutionnel valide en 1995 les comptes de campagne de Jacques Chirac, élu président de la République, et d’Edouard Balladur, qui présentent tous deux des irrégularités, il retoque ceux de Jacques Cheminade, président du mystérieux parti Solidarité et Progrès. Motif avancé par le Conseil constitutionnel : il avait présenté dans ses comptes des prêts de personnes physiques sans intérêts, ce que le Conseil n’a pas manqué de requalifié en « dons ». Conséquence : les dons ainsi définis dépassaient le seuil autorisé. Mais 20 ans après, Jacques Cheminade, qui doit toujours 170 000 euros à l’État, n’a pas baissé les bras. Il rejette l’interprétation du Conseil et a déposé en 2012 une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Nicolas Sarkozy en 2012 pour l’élection présidentielle : dépassement des plafonds autorisés
C’est évidemment l’exemple le plus récent et le plus fameux. En décembre 2012, la CNCCFP décide d’invalider les comptes de campagne du président sortant, au motif que le montant des dépenses électorales du candidat UMP « excéde de 466 118 euros, soit de 2,1% le plafond autorisés ». Une décision suivie par le Conseil constitionnel qui rejete, pour la première sous la Ve République, les comptes d’un président sortant. Nicolas Sarkozy a dépensé 23 millions d’euros et la décision des Sages implique qu’il ne profitera du remboursement que de la moitié de ses frais, soit un trou à combler de 10 millions d’euros. Depuis, l’UMP a lancé un « Sarkothon » destiné à combler le manque à gagner pour le parti, tandis que Jérôme Lavrilleux, l’une des chevilles ouvrières de la campagne de Nicolas Sarkozy, a révélé l’existence de fausses factures destinées à masquer un dépassement du plafond encore plus élevé.
Qui contrôle les dépenses de campagne ?
Impossible de dépenser sans compter. Aujourd’hui, le financement d’une campagne électorale est plafonné. Et les comptes des candidats étudiés puis validés ou rejetés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Créée en 1990, l’institution est composée de neuf membres chargés de contrôler puis de définir le montant remboursé aux candidats. Toutefois, ces règles s’appliquent uniquement dans les villes de plus de 9 000 habitants. En dessous de ce seuil, les règles sont moins strictes. Une fois l’avis de la commission donné, les règles sont différentes selon les élections : pour les candidats à la présidentielle, ceux-ci disposent d’un délai pour demander un recours au Conseil constitutionnel. Pour les litiges relatifs à l’élection des conseillers municipaux ou départementaux, ils relèvent d’abord de la compétence du tribunal administratif. Le jugement du tribunal administratif est ensuite susceptible d’appel devant le Conseil d’État.
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