Voilà une association créée à l’initiative de citoyens et dont les sans domicile fixe peuvent tirer concrètement profit. Le service qui leur est proposé semble tomber sous le sens, mais encore fallait-il y penser. C’est à l’issue de maraudes effectuées par le Samu social que l’idée a pointé le bout de son nez. Lors de celles-ci, « les bénévoles rencontraient les personnes dans les rues. Ils se sont rendus compte d’un besoin des sans-abris afin qu’ils puissent laisser leurs affaires quelque part », explique Sonia, salariée de l’association ESP’errance. A l’initiative de ce groupement naissait donc en 2012 une bagagerie pour SDF, la première et la seule dans le genre à Marseille.
« Les sans-abris peuvent laisser leurs affaires dans des structures d’accueil de nuit, mais ce n’est pas leur mission première », commente Sonia. La petite structure offre donc un service dédié à cet effet et ôte les multiples affaires qu’une personne ne disposant pas de logement peut accumuler. Située sur le boulevard de la Libération, au numéro 68, la bagagerie comprend 40 casiers individuels.
Chaque usager dispose donc d’une clef et d’un box, gratuitement. Seule “contrainte” de la démarche : les sans-abris doivent venir se signaler au moins une fois par semaine lors des permanences de 7h à 9h le matin et de 18h à 19h30 en soirée. Depuis sa création les 40 casiers affichent complet, signe de la nécessité pour les sans domicile fixe. « 40 personnes sont sur liste d’attente » illustre la salariée d’ESP’errance. Quant à la publicité de ces casiers, « elle se fait par le bouche à oreille. Nous avons aussi un partenariat avec Sleep’in (centre d’accueil et d’hébergement d’urgence) », ajoute-t-elle.
Une cinquantaine de bénévoles et d’autres projets
L’association ESP’errance à laquelle prend part une cinquantaine de bénévoles espère mettre en oeuvre d’autres projets. Une maraude en pleine journée est à l’étude afin d’aller à la rencontre des personnes vivant dans la rue. Mais l’action est en suspens, en attente de financements. Le local de bagagerie comprend également un “coin détente” dans lequel les personnes peuvent se réchauffer avec un café ou encore utiliser des ordinateurs mis à leur disposition. Journaux et livres peuvent aussi être consultés.
« Il y a un conseil de gestion de la bagagerie tous les mois au cours duquel les bénévoles et les bénéficiaires discutent de l’organisation et du fonctionnement de la bagagerie », expose Nora, stagiaire à la bagagerie suivant une formation d’éducateur spécialisé. C’est donc là un vrai endroit de sociabilisation pour les bénéficiaires qui ne se contente pas d’être uniquement une bagagerie dénuée d’humanité. « Des activités de brocante, des projections de films et des sorties culturelles leur sont proposées. Des projections de films suivies de débats ont aussi lieu » ajoute-t-elle. Voilà donc un lieu de vie où l’« on parle de tout et de rien » sans mettre à l’index quiconque. “Les hommes sont libre et égaux en droits”, peut-on lire sur un tableau du local, qui sonne comme un rappel judicieux.
Avant, je trimballais 70 kilos de vêtements avec moi
« Pour moi, Marseille se résume à la bagagerie. Tout le monde se côtoie, c’est cosmopolite », raconte Daniel, ancien sans-abri venu de Belgique et ex-bénéficiaire de la bagagerie. « Je trimballais 70 kilos de vêtements avec moi quand je me déplaçais. Dès que j’ai connu la bagagerie, j’ai tout rentré dans le casier », explique celui qui se délestait par la même occasion d’un poids physique et mental. « En étant ici, on est quelqu’un, on sait qu’on existe. Cela crée des liens », résume-t-il.
« Notre travail ne porte que sur la bagagerie. Nous pouvons orienter les sans-abris mais nous ne faisons pas d’accompagnement social », précise quant à elle Sonia. Par l’intermédiaire de la bagagerie, l’association ESP’errance offre un service salutaire à des personnes qui peuvent mettre leurs effets personnels en sûreté et chercher ensuite plus facilement un logement. Le local est aussi équipé d’une cabine afin de se changer, de toilettes et d’un lavabo. En somme, un lieu de vie et d’échange où chacun peut tout de même prendre du temps pour soi. « Sans la bagagerie, je n’aurais pas pu faire les démarches pour trouver un appartement », conclut Daniel, devenu aujourd’hui bénévole à la bagagerie. « Je veux leur témoigner ma reconnaissance ».