« On ne tire pas sur une ambulance » lançait, en son temps, Françoise Giroud. Elle évoquait la candidature de Jacques Chaban-Delmas à la fonction suprême. C’était dans l’Express, en avril 1974. Le même hebdomadaire sous-titre en sa dernière livraison (18 au 25 février 2015) « Le PS en état de mort clinique ». Il est question, bien évidemment, de celui des Bouches-du-Rhône à la veille des élections cantonales. Mais peut-on tirer sur un corbillard ? Question subsidiaire, quel est le point commun entre le socialisme qui s’exprime rue Solférino, à Paris, et le socialisme marseillais qui ne débat plus depuis si longtemps, rue Montgrand, à Marseille. Il faudrait d’abord, pour répondre à cette dernière question, accepter une vérité. Jusqu’en 1986 le socialisme à Marseille était avant tout du « defferrisme ». Il avait grandi, dans les années 30, dans les pires moments qu’aient jamais connus la cité et son port.
[pullquote]L’adversaire principal s’appelait Simon Sabiani.
[/pullquote] L’adversaire principal s’appelait Simon Sabiani. Il revendiquait son fascisme et ne cachait pas ses liens avec le milieu le plus violent, au sein duquel Spirito et Carbone faisaient la loi. Puis il y eut la résistance avec ses vrais militants – Defferre en fut – et ses engagements plus tardifs, la Libération suscitant les vocations. Dès lors Defferre – de 1953 à 1986 – devait régner, sans opposition, sur ce qui deviendrait, en 1969, le Parti Socialiste. Si on relisait aujourd’hui la définition du socialisme selon l’ancien maire de Marseille, on le situerait plus proche de celui de Manuel Valls que de celui des désormais « frondeurs ». Au journaliste, et néanmoins gaulliste, Pierre Charpy (boutique.ina.fr), Defferre livrait, en 1965, son approche de ce courant de pensée avec une analyse aussi simple qu’abrupte. D’abord pour Defferre, il y avait les « progressistes » – et il avait pour modèle les démocrates américains – et les « conservateurs ». Quant à sa vision du progrès, elle pourrait être, en ces temps 49,3, revendiquée par Emmanuel Macron : « sans économie prospère, disait l’ancien propriétaire des Provençal et Méridional, pas de progrès social ! ». Ce qui faisait écrire au journaliste du Monde Pierre Viansson-Ponté, « il n’a rien d’un militant et peu d’un socialiste ». C’est à partir de cette personnalité, contestable ou pas, que le PS marseillais s’est construit. Et c’est ce modèle qu’un non-socialiste, Jean-Claude Gaudin sénateur-maire UMP a toujours tenté d’imiter reproduisant notamment point pour point le maillage des quartiers, des associations, des cercles d’influence de la ville.
[pullquote]Pas d’idéologue, peu de théoriciens, quelques intellectuels cooptés.[/pullquote] Pas d’idéologue, peu de théoriciens, quelques intellectuels cooptés au fil des circonstances et de l’humeur plutôt qu’à partir d’une vision commune, se sont retrouvés autour de Gaston Defferre. Il avait le jugement tranché et la démocratie s’arrêtait là où il jugeait que la discussion était close. Des pieds-noirs il dit en 1962 à la tribune de l’assemblée nationale : « qu’on les pende ». De la CGT, il en fit son pire ennemi assurant urbi et orbi la promotion de Force Ouvrière. Du PC, il rêva de l’amoindrir et seule l’union de la gauche et la solidarité gouvernementale l’obligèrent, en 1983, à faire alliance avec lui. Ce « socialisme bouillabaisse » trouvera en 1986 un opposant. Michel Pezet encouragé par la rue Solférino – pas par Mitterrand – à faire basculer l’idole. Un accident fatal au maire-ministre de l’Intérieur transforma Pezet, patron de la rue Montgrand en « parricide » sous la plume d’un journaliste du Provençal devenu depuis collaborateur de… Jean-Claude Gaudin. Defferre mort, son socialisme allait agoniser à petit feu.
[pullquote]Le degré zéro de la politique.[/pullquote]Qui se souvient aujourd’hui de ses presque trente années qui ne furent pas glorieuses et qui font que c’est sans doute, dans ce département, le parti le plus faible de la compétition à venir. Fausses cartes, méthodes brutales, révolutions de palais, trahisons… et pendant les travaux pas le moindre débat militant. Les noms qui plastronnent aujourd’hui en place publique, ont été de toutes les chapelles mais comme le disait Talleyrand « ce ne sont pas les girouettes qui tournent mais le vent ! » Dans le sillage de Ségolène quelques néo-adhérents ont pourtant donné en 2007 quelques euros… pour voir et peut-être même prendre la parole. Ils ont été servis pour ceux qui en témoignent encore et n’ont jamais pu s’exprimer. Entre Guérinistes et non-guérinistes, le PS des Bouches-du-Rhône a atteint le degré zéro de la politique. Quelques personnalités sincères tentent encore d’émerger du naufrage mais, comme l’écrit l’Express on est entré dans l’épisode de « l’ultime vengeance ». Et c’est le mot « ultime » qu’il faut retenir. Demain les combinaisons les plus étriquées vont prendre le pas sur tout projet, aspiration, perspective. On va tenter de sauver les meubles et maintenir à flot l’arrogant Vaisseau Bleu. L’esprit du 11 janvier sera balayé, pour ce qu’il en reste, par les tripatouilleurs de la politique. Le PS sera passé à son tour au « fini, parti ».
Lire aussi le 1er volet de notre série consacrée aux élections départementales :
[Politique] Départementales : la décomposition au long cours du Parti Socialiste des Bouches-du-Rhône (1/5)