La réforme de l’apprentissage est en passe d’être présentée en conseil des ministres. Quel est votre opinion sur le projet du gouvernement ?
Marie-Florence Bulteau-Rambaud : Cela fait plusieurs mois qu’au sein de Régions de France, l’association des régions françaises, nous nous réunissons et nous essayons d’influencer le projet. ll est en voie d’achèvement. La réforme présentée est très importante et peut avoir des incidences très significatives sur l’apprentissage et les Régions. Je ne suis pas persuadée que la réforme telle qu’elle est envisagée soit dans l’intérêt des CFA ni de celui des apprentis.
Qu’est-ce que vous reprochez au projet de Muriel Pénicaud ?
M-F. B-R : Depuis 1983, nous pilotions cette politique. Les recettes de la taxe d’apprentissage nous étaient réservées à hauteur de 51 %. Nous étions chargés de subvenir à l’équilibre des centres de formation d’apprentis, de les aider avec un certain nombre d’investissements. Chaque CFA a un mode de fonctionnement, une taille et des formations différents. Certains dépendent des chambres consulaires, d’autres des municipalités ou de branche, voire certains sont métropolitains comme celui d’Aix-en-Provence. Il y a aussi des CFA académiques comme celui de Bonneveine dans l’hôtellerie. Cette diversité complexifie le dossier. L’apprentissage, il ne faut jamais l’oublier, couvre un large éventail de diplômes, du CAP jusqu’au master. Cette année nous avons ouvert un master 2 à Sciences Po. Il y a un CFA dit «hors mur» qui s’appelle Epure et qui s’occupe de tout ce qui est enseignement supérieur. Au titre de ce pilotage, nous étions aussi maître d’oeuvre de la carte des formations. Cette carte était modifiée d’année en année, à la marge. On en fermait certaines, on en ouvrait d’autres. Et nous risquons malheureusement de perdre ce pilotage.
Ce sont les branches professionnelles qui devraient prendre le relais. Avez-vous suffisament travaillé avec elles ?
M-F. B-R : Bien sûr. La majorité des régions a des relations étroites, fréquentes et plutôt harmonieuses avec les branches professionnelles. Bien évidemment, on n’ouvre pas des formations sans interroger les branches. Exemple, il y a un CFA du BTP à Mallemort qui est extraordinaire. On a financé des équipements et des robots. C’est un outil magnifique. Il y un CFA sur les métiers de la propreté dans lequel nous intervenons également en coordination avec la branche. Mais chacun son métier. Nous sommes des élus du territoire et nous connaissons le terrain, le tout en concertation avec l’Education, nationale.
Vous rejetez complètement le projet du gouvernement ?
M-F. B-R : Non, il y a des choses positives dont nous nous félicitons comme l’aide pour que les apprentis passent le permis de conduire. La Région Rhône Alpes Auvergne le faisait déjà. La réforme permettra aussi de concentrer les budgets sur l’apprentissage car certaines régions pouvaient utiliser 20% des sommes hors quota sur d’autres actions. Ce qui n’a jamais été le cas en Région Provence Alpes Côte d’Azur, aujourd’hui, comme durant la précédente mandature. Ce que nous demandons aujourd’hui c’est de pouvoir garder un droit de regard sur la carte des formations, notamment sur les ouvertures et les fermetures de CFA. Nous avons aussi dans nos attributions les lycées professionnels. On ne pas imaginer que l’on ouvre une formation de boulanger à côté d’un lycée ou d’un CFA qui dispenserait la même formation. Il faut que ce soit concerté. Ensuite, nous estimons que les sommes avancées par le gouvernement – 180 millions d’euros pour l’ensemble des régions plus 240 à 250 millions pour les péréquations – sont insuffisantes et ne nous ne permettront pas de maintenir les politiques telles que nous les menions. Notre budget actuel pour la seule Région Provence Alpes Côte d’Azur est de 110 millions de budget issu de la taxe et 40 millions d’efforts complémentaires.
Concernant la réforme professionnelle, quel est votre avis ?
M-F. B-R : Tous les dispositifs induits par la loi de 2014 sont d’une complexité invraisemblable, y compris pour les services de la Région qui pratiquent cela au quotidien. Ce n’est pas étonnant que beaucoup de salariés n’utilisent jamais leur droit à la formation. C’est trop complexe. La volonté de réformer et de simplifier est louable. Et pour ce que je connais des mesures envisagées par Muriel Pénicaud, il n’y a rien de choquant. Et les régions, cette fois, ne sont pas « dépossédées » de leur compétences. La monétisation des droits (calcul en euro et plus en heure, NDLR) est intéressante côté salarié. Côté employeur, ce sera peut être moins facile. Au total, cela fait plaisir à tout le monde d’avoir une cagnotte supplémentaire mais ça ne remplace pas le fait de se former en continu.