Entre les murs de l’institut américain, dans un immeuble adjacent à l’université de sciences politiques d’Aix-en-Provence se tenait mercredi 18 février le « Club Affaire», organisé par le Groupement des entrepreneurs du Pays d’Aix (Gepa). Dans ce bâtiment construit au début du XVIIème siècle, l’ambiance estudiantine résonne. Les bribes de conversations aux accents d’outre-Atlantique se noient dans un brouhaha festif, qui annonce le début d’une réunion particulière. Trois entreprises issues d’Aix-en-Provence, sont représentées ce soir-là. Chacune est présente sur le segment du luxe.
A l’annonce de la thématique, les questions fusent : comment définir le luxe ? Quelles sont ses caractéristiques ? Comment satisfaire le consommateur ? Quel positionnement adopter dans ce marché si particulier ? Si le mot «luxe» évoque évidemment la notion de prix, ce n’est pas tout. Le luxe, c’est avant tout l’excellence. C’est ensuite la notion de rareté qui fera toute la richesse d’un bien ou d’un service ; ce sont les innovations dans les points contacts clients, dans les matières premières utilisées et dans la stratégie de communication mise en place, qui concèderont ensuite à un bien ou à un service, le statut de produit de luxe.
Initier les étudiants américains aux méthodes duetravail français, c’est l’enjeu de ce partenariat entre l’Institut américain universitaire de la ville, et le Gepa. De l’audace, de la nouveauté et surtout l’envie de transmettre son savoir-faire : voilà les clefs de ces échanges entre professionnels et futurs acteurs de la vie économique.
1. Absolument Parfumeur : « des notes et des accords inédits en parfumeries »
Pascal Rolland, anciennement liquoriste reconverti dans la parfumerie est un créateur de parfums rares, «qui vise l’excellence». En 2005, il lance son premier parfum, « c’est en distillant l’absinthe que les effluves sont apparues. Il y avait du potentiel». «Absolument absinthe» est née. Cette création est vite devenue le produit emblématique de cette parfumerie, qui cherche avant tout à se distinguer de ses concurrents. Depuis la gamme a évolué et propose désormais des parfums pour homme, pour femme et unisexe. «Le luxe, c’est d’avoir des choses exclusives » souligne Pascal Rolland, « exprimer sa personnalité et avoir sa propre signature olfactive, voilà les enjeux de nos parfums». Pour se démarquer sur son marché, le créateur a décidé d’aller à l’inverse des grandes marques de parfumeries, «on veut cibler une clientèle qui cherche à être unique».
Absolument Parfumeur souhaite exceller dans chaque étape : de la production avec un choix de matières premières adaptées, à la distribution de ses produits et de leur présentation : «on ne peut pas avoir de points faibles, cela décrédibiliserait notre marque». Packaging raffinés en coton recyclé, points de contacts qui diffèrent des enseignes habituelles, «on s’implante dans des lieux on l’on ne nous attend pas. Des restaurants branchés, des concept-store, des hôtels de luxe, l’important est de ne pas être noyé dans la masse de produits. »
2. Kodd(e)s : « Aller à l’encontre des tendances de masses »
Isabelle Letouche est la créatrice de Koodd(es), marque en cuir véritable qui propose des sacs à main, des bracelets et des portefeuilles, faits à la main. Créée en 2010, le concept de cette entrepreneuse repose sur un positionnement simple : «une collection limitée pour des modèles uniques. Ma marque est confidentielle. » Implantée au cœur d’un hôtel particulier sur le cours Mirabeau, Isabelle Letouche explique que sa production repose sur «deux espaces géographiques, Aix-en Provence et l’Afrique du Sud». L’ensemble des peaux utilisées dans la confection des pièces de Kodd(e)s, sont donc issues d’Afrique du Sud ; la créatrice précise très vite «que l’ensemble des peaux sont issues d’ animaux d’élevage, qui sont habituellement consommés en Afrique du Sud», comme le springbok.
Pour Kodd(e)s, le luxe c’est d’abord une stratégie : aller à l’encontre des tendances de masses, pour revendiquer son statut de marché de niche. Son atelier, dont l’adresse ne se divulgue qu’entre clients initiés au savoir-faire de la créatrice, est un atout pour cette jeune marque. «Le fait d’être cachée confère à ma marque une notion de prestige». Pour renforcer sa stratégie, Isabelle ne travaille qu’à flux tendu, «on ne répond qu’à peu de clients. Des clients exigeants et très ciblés. Je ne produit mes pièces qu’en petite série en fonction de mes commandes». Chaque pièce nécessite environ 2 mois de travail. Un mode de création qui est aux antipodes du marketing de masse. La distribution se fait «de façon sélective et intimiste, uniquement dans des showrooms et des ventes privées», en plus de son atelier.
3. L’hôtel Renaissance : «anticiper les besoins des clients, pour qu’ils se sentent mieux que chez eux»
Dernière entreprise présentée dans le cadre du club affaire : l’hôtel Renaissance représenté Grégory Barile. Implanté depuis peu sur l’avenue Mozart, proche du Grand Théâtre de Provence (GTP) et du conservatoire Darius Milhaud, cet hôtel au style épuré, se veut être «un symbole provençal». L’hôtel Renaissance, ce sont trois domaines biens particuliers : le très local, le national et l’international. «La force du groupe Renaissance, c’est de faire partie du groupe Mariott », souligne Grégory Barile. Mariott, c’est plus de 4000 hôtels, répartis sur 78 pays, déclinés en 18 enseignes : une puissance de frappe non négligeable pour l’identité du groupe Renaissance.
«On fait partie de Mariott, mais l’on doit se débrouiller seul en terme de notoriété par rapport au groupe» précise Grégory Barile. En d’autres termes, Renaissance doit travailler ses propres ressources et sa propre stratégie pour séduire les clients. Pour cela, l’identité de l’hôtel utilise trois leviers afin de se démarquer. Le premier c’est l’indépendance, «chaque hôtel à un style qui lui appartient» en terme d’architecture et de design. Vient ensuite la culture locale, «nous devons nous ancrer dans la culture locale. Nous travaillons avec des entreprises du Pays d’Aix, et des architectes locaux», ce qui permet à la marque de tisser un réseau économique sur lequel s’appuyer. Des partenariats sont aussi réalisés avec les acteurs économiques locaux, ce qui offre à l’enseigne la possibilité de développer sa visibilité : « On travaille aussi bien avec des enseignes locales comme Mercedes, qu’avec des structures interprofessionnelles comme le Gepa, l’UPE 13 (Union pour les Entreprises des Bouches-du-Rhône), la chambre de commerce et d’industrie (CCI) ou bien institutionnelles, comme la mairie». Même principe pour la communication qui se fait au niveau local, avec l’achat d’espace au sein de La Provence, de la gare TGV d’Aix ou encore à la radio, «nos actions sont fortes au niveau des entreprises locales»
Mais comment se traduit le côté haut de gamme dans cet hôtel, autrement que dans son architecture, son design ou son service gastronomique ? «Le luxe, c’est anticiper les besoins des clients, pour qu’ils se sentent mieux que chez eux». Pour cela, Renaissance n’hésite pas à redoubler d’efforts, quitte à travailler avec ses propres concurrents. «Je dis souvent que mes concurrents sont mes meilleurs alliés car ensemble, nous faisons ressortir les tendances actuelles». Un positionnement qui se traduit donc par un ajustement d’image permanent : adapter l’image et les services de l’hôtel en fonction des segments de clientèles visés, qu’ils soient des particuliers ou des professionnels, d’origine française ou international. Enfin, un suivi des données clients permanent est mis en place afin de pouvoir établir des statistiques de consommation. «Ces éléments sont stratégiques pour se développer tant au plan national qu’à l’étranger».
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Le Groupement des entrepreneurs du pays d’Aix, ça sert à quoi ?
(Illustration : De gauche à droite : Isabelle Letouche, Grégory Barile et Pascal Rolland lors du “Club Affaire” à Aix-en-Provence le 18 février. Crédit JB)