Pour les non-initiés, le football ressemble parfois à sa caricature : grosses voitures, casquettes bling bling et scènes de liesse sur les Champs-Élysées. Mais derrière ce miroir déformant, les acteurs du ballon rond peuvent en surprendre plus d’un, à commencer par ceux qui ignorent ce qui se trame derrière la manchette « Mercato ». Cette période des transferts, pendant laquelle les médias rivalisent de rumeurs folles, s’est terminée le 1er septembre 2014 à minuit. Tout juste le temps, pour l’OM, d’officialiser à 23 h 49 le départ de son joueur Morgan Amalfitano, dont les cartons étaient déjà prêts. Le talentueux milieu de terrain va donc retrouver les pelouses de Premier League, à West Ham, en Angleterre – qu’il considère comme le meilleur championnat du monde – après les avoir foulées la saison dernière à West Bromwich Albion, le temps d’un prêt sous forme de respiration. Loin, encore plus loin, pour quitter l’atmosphère irrespirable de celui qui vivait depuis plusieurs semaines dans la peau d’un banni. Amalfitano fait partie de ce lot d’oubliés du football moderne. De ceux qui n’ont pas eu d’autre choix que de quitter un club avec lequel ils étaient liés par un contrat qui, pour l’ex joueur de Lorient, s’étirait jusqu’en juin 2015. [pullquote]« Il y a des personnes comme Labrune (président de l’OM, ndlr) qui n’assument rien. Quand on envoie un texto… On est des êtres humains. » / Morgan Amalfitano, au micro de RMC.[/pullquote]D’ordinaire plutôt taiseux, mais sanguin, il s’est lâché au micro de RMC sur une histoire qui lui restera en travers de la gorge : « Il y a des personnes comme Labrune (président de l’OM, ndlr) qui n’assument rien. Quand on envoie un texto… On est des êtres humains. C’est plus facile de se parler en face, de se dire les choses. Ça se serait terminé pour le mieux et ils auraient été gagnants (…) Il faut arrêter de prendre les joueurs pour des ânes », a-t-il envoyé, en guise de carte postale.
Un SMS pour l’écarter de l’entraînement
Écarté du groupe pro pour rejoindre celui des « lofteurs », en CFA2, comme ses coéquipiers Modou Sougou, Foued Kadir, Rod Fanni et Benoît Cheyrou (seuls les deux derniers sont restés à l’OM, le club proposant à Cheyrou une diminution de salaire), Morgan Amalfitano avait appris pendant l’été, par SMS, qu’il n’était plus convié à l’entraînement. Ce qui ne l’avait pas empêché de s’y rendre tout de même. Et d’y effectuer les exercices en compagnie de ses coéquipiers. Jusqu’à provoquer une altercation verbale avec un autre sanguin : l’Argentin Marcelo Bielsa, lequel mit fin à la séance. Après cet incident, la direction de l’OM décidait d’entamer une procédure disciplinaire contre son joueur. Motif : insoumission à l’autorité. Au-delà du scénario médiatique, l’évènement révèle combien dans le milieu du football, le droit importe peu, surtout lorsqu’il s’agit de transférer des joueurs. Dans ce cas là, c’est le staff surpuissant qui domine, donne le tempo, quitte à ne pas honorer le contrat qui lie les deux parties concernées… à Marseille ou ailleurs, du reste. Après l’accrochage avec son joueur, Marcelo Bielsa lançait, laconique, que le joueur avait commis « une faute grave et inexplicable ». Fermez le ban. Pour pousser un joueur au départ, tous les moyens sont bons.
Né à Nice, formé à Cannes, Amalfitano était arrivé à Marseille en 2011. Une éternité. 87 matchs, 7 buts et 14 passes décisives plus tard, la rupture était consommée. Si bien qu’il s’en fallu de peu pour qu’il revienne là où on l’aimait encore, c’est-à-dire à Lorient. Le président Loic Féry n’avait pas de mots plus doux, dans Libération, pour celui qu’il avait recruté en 2008 en provenance des Ardennes : « Le plus impressionnant qu’il m’ait été donné de croiser, c’est Morgan Amalfitano : diététique, sieste, heure du coucher, étirements… J’ai eu l’impression qu’il obéissait à des standards de professionnalisme plus proches de ceux d’un sport individuel, comme le tennis. Amalfitano a exploité la totalité de son potentiel ». De quoi lui proposer un joli contrat qui resta finalement lettre morte…
@bleuseN Morgan Amalfitano a une proposition d’un beau contrat de 5 ans au @FCLorientOff .
— Loic FERY (@LoicFery) 30 Août 2014
Un million d’euros pour partir sans bruit
Tout avait pourtant bien débuté entre Amalfitano et l’OM. C’était une histoire de cœur. De passion. « L’Olympique de Marseille, c’est quelque chose », avouait sobrement le gamin du Sud, qui avait grandi dans l’espoir d’avoir, un jour, sa chance sur la Canebière. Le réalisme olympien en a décidé autrement. Amalfitano n’aura pas beaucoup joué, peu marqué le club. Et quitte Marseille avec le goût amer du malentendu. Il raconte qu’il n’a fait « aucun esclandre », qu’il voulait simplement jouer, faire son métier. Et qu’« on ne te prévient pas quand tu es au portail que tu n’es pas convoqué ». Personne ne contestera les méthodes de management du football professionnel, dignes du plus cruel directeur des ressources humaines. Une sorte de fatalité envahit les esprits pendant le mercato : « On a formé les footballeurs pour qu’ils puissent partir, être transférés et faire fonctionner le système. Car le business du foot fonctionne sur les transferts », confiait à la Règle du Jeu Vikash Dhorasso, ancien joueur pro, célèbre notamment pour son rôle de remplaçant pendant la Coupe du Monde 2006, qui a créé le collectif Tatane, pour que le football redevienne d’abord ce qu’il est : un jeu.
« J’ai beaucoup attendu, mais je suis très heureux de signer ici. C’est une nouvelle équipe avec de très bons joueurs », expliquait Amalfitano à son arrivée en terre britannique. Alors qu’une résiliation de contrat était évoquée dans les derniers instants du mercato pour que le joueur parte librement et le plus rapidement possible, West Ham a finalement mis un million d’euros sur la table. Suffisant pour convaincre le président de l’OM, Vincent Labrune.
Crédit photo : CC/Wikipedia/Clément Bucco-Lechat