Alors que le soleil consume l’éphémère goudron du Vélodrome, et que les grosses cuisses du peloton livre une bataille dantesque contre les pourcentages de la Bonne-Mère, derrière l’enceinte marseillaise, un ballet de techniciens s’affaire pour relever le défi, celui de livrer les images au monde entier.
Dans le car régie Orange, un frisson parcours l’échine d’un technicien, après avoir constaté l’absence de signal sur une des caméras retransmettant les sublimes clichés d’une Marseille rayonnante. Après trois semaines passées dans le noir, à vérifier chacune des images livrées aux 194 médias TV présents sur la Grande Boucle, la tension est plus ou moins palpable : « Tu as vu le noir (absence d’image pendant un quart de seconde, ndlr) sur l’image de la caméra 5 ? », la question posée au réalisateur du Tour – Jean-Maurice Ooghe – ne reçoit aucune réponse. L’écran noir à peine perçu par l’oeil du téléspectateur, le technicien de la firme française rassure tout le monde « sans doute un petit problème sur la caméra, rien de grave.»
Et cette année, des accrocs, il y en eut quelques uns, mais pas de quoi gâcher la grande fête médiatique. Toutefois le mappage prévu pour habiller, le gigantesque semi-remorque déployant sur ses côtés des extensions pour permettre de devenir un super serveur, n’a pas été pensé pour être utile mais beau. Et comme bien souvent, le beau n’est pas vraiment utile, puisqu’en recouvrant l’ensemble de la benne de noir « nous avons pris 6 degrés par rapport à l’année dernière, à l’intérieur » raconte sur le ton de la blague Henri Terreaux, le directeur événementiel Orange. Pour un habitacle censé accueillir des centaines de serveurs, et recevoir des masses de données, ô combien importantes, ce n’est pas du meilleur effet. Pour remédier à cela, des climatisations portatives ont été rapatriées pour rafraîchir des serveurs surchargés, et non le personnel s’affairant autour des milliers de câbles.
Loin des sunlights des podiums, des plateaux télévisés, et des hôtesses du Tour, une quarantaine de paires de bras s’agitent chaque jour pour dérouler quelque 100 kilomètres de fibre optique sur la ligne d’arrivée, afin d’assurer la retransmission des 6 000 heures de coups de pédales et autres paysages de notre pays. Et comme bien souvent à Marseille, rien ne se passe comme ailleurs. Cette étape voulue atypique a entraîné des défis majeurs. Une fois n’est pas coutume la longue façade de conteneurs, servant le mois de juillet de cabines médias, a été remplacée par la tribune de presse du Vélodrome. Et donc comment faire le lien entre les commentateurs, les caméras et les cars régies des différentes chaînes, postés à des centaines de mètres ? Une chose simple, il a fallu déployer trois fois plus de câbles qu’à l’accoutumée. Henri Terreaux de faire un point : « Il est 14h15, et nous traitons les dernières demandes, quand sur les autres étapes, nous sommes totalement près le matin même de l’étape. » Le cinquantenaire a trimbalé sa moustache à travers le Festival de Cannes, le G20, la Coupe Davis… Celui qui passe près de 200 nuits d’hôtel loin de la maison chaque année, permet aux téléspectateurs bien assis dans leur canapé de pouvoir se délecter des magnifiques images d’un Tour de France qui fut à la hauteur de l’événement. Du suspens, des défaillances et de la joie.
Il est l’une des rares personnes dans le secret des dieux, concernant le tracé du parcours, à tel point qu’il a dû s’organiser deux ans à l’avance pour permettre une arrivée dans les meilleures conditions en haut du Peyragudes. À 1600 mètres d’altitude, 14 kilomètres de fibres ont été posés en 2015, en prévision du passage du Tour. De l’anticipation, de l’organisation, et quelques heures de sommeil chaque nuit, voilà ce qui rythme le quotidien des techniciens devant assurer le prestige du troisième événement mondial. Heureusement, la ligne d’arrivée est proche, alors que les images d’un Romain Bardet à bout de forces sont diffusées sur France Télévisions, les techniciens de la compagnie française de téléphonie commencent à ranger le matériel. Les Champs-Elysées fleurent bon le retour à la maison, après trois semaines d’une rare intensité, les vacances vont pouvoir commencer.
Orange sur le Tour de France en quelques chiffres
> Les 21 étapes ont été connectées en 4G.
> 12 tonnes de matériel sont acheminés quotidiennement entre les villes arrivées.
> 26 “camions relais” sont mobilisés pour améliorer le réseaux sur les points stratégiques de chaque étape.
> 40 techniciens Orange assurent le bon fonctionnement de l’ensemble du dispositif.
> 500 lignes téléphoniques temporaires.
> 1,4 millions de connexion internet depuis la course.
> 21 plateaux TV accueillis sur la fibre.
> Wifi est installé sur toutes les arrivées pour environ 500 personnes.