L’industrie est un secteur qui a beaucoup souffert localement ces trente dernières années. Que préconisez-vous aujourd’hui pour relancer la machine afin qu’elle soit à nouveau un vecteur de croissance et de création d’emplois ?
Thierry Chaumont : Il faut être honnête. Les capitaines d’industrie dans les années 90 portent une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Beaucoup d’entre eux ont cru pouvoir conserver uniquement les unités de recherche et développement ainsi que la propriété intellectuelle et délocaliser la production dans des pays à bas coût afin d’améliorer leur marge. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les mentalités ont changé. En tous cas, l’UIMM œuvre pour relancer l’outil industriel dans le pays car il est créateur d’emplois et d’innovations. Aujourd’hui, le prochain défi est de créer l’usine du futur avec la robotisation et le numérique. Je suis persuadé que ces nouveaux outils peuvent nous permettre de relocaliser la production en France, surtout que l’Asie n’est plus aussi intéressante qu’auparavant.
Pour transformer les usines, les entreprises vont devoir investir lourdement. Comment proposez-vous de les accompagner ?
T. C. : L’UIMM est bien connu pour ses conseils juridiques mais notre soutien ne s’arrête pas là. Nous proposons aussi un appui dans la définition de leurs orientations stratégiques et une garantie auprès des banques pour la souscription d’emprunts notamment avec Somupaca. Maintenant, nous avons un rôle représentatif auprès de l’État et des pouvoirs publics pour faire remonter les besoins des patrons industriels. Nous militons pour une baisse des charges patronales et du coût du travail. Les industriels ont également besoin de plus de souplesse pour pouvoir ajuster l’emploi en cas coup dur. Il faut faire confiance à l’entreprise car si elle retrouve la croissance, elle est obligée de recruter à nouveau. Sur les embauches, nous devons également avoir la possibilité de nous séparer, par exemple, d’un cadre nouvellement arrivé si cela se passe mal. Certains dispositifs empêchent aujourd’hui les patrons de recruter.
Beaucoup de patrons d’industries se plaignent également de difficultés d’embauches, notamment à cause d’un manque de compétences au niveau local…
T. C. : Tout d’abord, il y a un manque d’attrait des plus jeunes pour les métiers de l’industrie car ils sont restés sur l’image des « Temps modernes ». L’arrivée des usines ultramodernes avec robots et outils numériques peut permettre notamment de changer notre image. Ensuite, nous investissons énormément dans la formation au travers du CFAI Provence. L’UIMM consacre chaque année 10 millions d’euros à son fonctionnement et nous sommes en train de réaliser une extension à Istres pour un montant de 7 millions d’euros. Nous travaillons en étroite collaboration avec les grands groupes pour créer de nouvelles formations comme par exemple, les cursus dédiés aux filières dirigeables et drones qui verront le jour à la rentrée 2018 pour accompagner la naissance du pôle aéronautique d’Istres (cf. Digest Hebdo n°13). Nous sommes très attentifs aux évolutions de chaque secteur et nous aimerions que les pouvoirs publics en fassent autant.
Pour l’apprentissage et l’économie, c’est le conseil régional Paca qui est en première ligne. Vous trouvez qu’il soutient suffisamment le secteur industriel local ?
T. C. : Peut mieux faire !!! L’UIMM n’a pas rencontré la Région depuis un an à part lors d’inauguration d’usines. Il n’y a clairement pas assez de discussions et encore moins de coordination avec notre institution. Avec Bernard Deflesselles (vice-président du conseil régional, NDLR), nous avons travaillé au départ sur les opérations d’intérêt régionales et depuis plus rien. C’est un diagnostic des points forts du territoire que nous partageons mais nous attendons du concret, de l’opérationnel. Même chose avec son « guichet unique » pour le financement des projets. C’est une bonne idée sur le papier mais on attend toujours les résultats. Je serais curieux de connaître sa réelle efficacité. Pour le CFAI, la Région ne participe qu’à hauteur de quelques centaines de milliers d’euros chaque année, un montant bien en-dessous de la moyenne des autres territoires.
De nombreux projets d’usines « élargies » voient le jour au niveau local comme Henri Fabre ou Piicto. Est-ce une autre facette de l’usine du futur ?
T. C. : Certainement car cela permet de partager les technologies avec des PMI qui n’ont pas les moyens d’investir. Mais ces projets ne sont pas encore assez connus. Depuis son inauguration l’an dernier, Henri Fabre commence à trouver écho auprès des industriels locaux mais il faut les accompagner pour expliquer ce qui s’y passe. J’espère également que ces regroupements vont permettre d’améliorer notre rayonnement à l’international. La Chambre de commerce et d’industrie doit jouer ce rôle mais, historiquement, elle est trop peu tournée vers l’industrie. Il faut également donner plus de moyens à Provence Promotion qui est un outil d’attractivité très efficace contrairement à l’Agence régionale pour l’innovation et l’internationalisation (Arii) dont le rôle reste encore très nébuleux.