Romain Sombret est le gérant de MonClub2.0 à Marseille et MonClubFutbol à Bouc-Bel-Air, créés en 2013. Des centres de sport en salle, qui proposent des terrains de foot à 5, badminton, basket, mais aussi paddel et beach-volley. Depuis peu, l’idée germe de développer dans ses deux clubs des « terrains » un peu particuliers, conçus pour recevoir des joueurs de e-sport (cf encadré). « Il s’agit d’espaces pour accueillir les gamers, équipés de fibre optique pro 100, de PC spécialement configurés, d’un panel de consoles telles que PS4 et Xbox et évidemment de jeux vidéos : Dragon Ball Z, Fifa, Call of Duty, mais aussi Counter-Strike et League of Legends, de vrais jeux de e-sportifs », précise Romain Sombret. Ces deux espaces Monclub eSport verront le jour en mai à Marseille et en septembre à Bouc-Bel-Air.
Mais le gérant de ces deux clubs de sport en salle, par ailleurs partenaires de l’Olympique de Marseille et licenciés pour la gestion de l’école de football va plus loin : « 1000 enfants passent par nos locaux chaque année dans le cadre de l’école de foot mais aucune formation n’est proposée dans le secteur du e-sport. » Alors, Romain Sombret a mis en place plusieurs types d’offres commerciales. Un abonnement mensuel, comme pour une salle de fitness, qui permet aux adultes l’accès à l’espace e-sport du club, entre 39 et 49€. Il a aussi décidé de mettre en place une académie de e-sport, s’adressant aux adolescents entre 12 et 22 ans, qui proposerait des leçons dispensées par des joueurs professionnels sur la pratique du e-sport : initiation, langage, stratégie, condition physique et mentale, etc. Le tout adossé à la pratique d’un sport physique. « Il s’agit aussi de réconcilier ces deux mondes », évoque Romain Rombret. Et pour une séance hebdomadaire de 2h, il faudrait compter 400€ par an.
Le sport électronique, un potentiel économique phénoménal
« Il n’y a pas de secret pour être performant dans le e-sport : c’est la pratique, poursuit le gérant de MonClub 2.0 et MonClubFutbol. Les meilleurs joueurs passent 80 heures par semaine sur leur console. Mais il existe de vraies techniques, de vrais outils. En collaboration avec ESP Consulting (Aix-en-Provence), nous réfléchissons à des tests d’entrée des joueurs à l’Académie et à un programme d’entraînement pour améliorer les réflexes cognitifs. Il y a aussi l’aspect coaching mental. Il faut aussi leur apprendre à accepter la défaite pour rebondir. C’est assez proche du sport de haut niveau. » Le but de cette structure : alimenter en joueurs des équipes professionnelles internationales.
Le troisième pilier e-sport pensé par Romain Sombret serait l’organisation d’événements, auprès de collectivités et d’entreprises. « Au sein d’Airbus par exemple, des centaines de salariés jouent et font des compétitions, explique-t-il. L’idée est d’organiser des tournois délocalisés internes. » Pour 32 joueurs, le prix s’élèverait à 890€. « Le sport électronique offre un potentiel phénoménal, résume le gérant. Notre business plan prévoit une croissance de 200% du chiffre d’affaire grâce à ce nouveau segment. » Monclub eSport afficherait 120 000€ de CA la première année, 300 000€ la deuxième année.
Le territoire a une carte à jouer
D’après une étude du cabinet SuperData réalisée par PayPal, le revenu généré par l’e-sport en France est estimé en 2016 à 22,4 millions de dollars et un taux de croissance de 14 %. L’e-sport hexagonal pèsera ainsi près de 28,8 millions de dollars d’ici 2018. Selon France E-sport, le marché français a franchi dès 2016 le milliard d’euros de chiffre d’affaires en hausse de 30%. Le nombre de fans de e-sport est également en augmentation : ils sont actuellement près de 1,4 million de spectateurs. Et selon l’association France eSport, les joueurs français sont entre 700 et 850 000, ce qui place ce sport entre le golf et le rugby.
Le problème, c’est la pénurie d’offres dans la région malgré la présence de studios, d’équipes de haut niveau et d’événements installés comme GamingGen. Le choix de Marseille pour la DreamHack d’avril, qui sera dédiée au jeu Counter-Strike, ne s’est pas fait au hasard. Marseille est en effet l’une des premières places européennes en nombre de joueurs. Et plus encore, c’est pour le géant mondial une porte ouverte sur la Méditerranée, car les gamers du nord de l’Afrique sont légion. En quelques chiffres, une DreamHack Masters c’est 16 équipes, dont les meilleures du monde, 250 000 dollars de dotations et plusieurs milliers de spectateurs.
Conscient de la carte qu’a à jouer le territoire sur ce marché, Stéphane Soto a pris les manettes de la structuration du marché local. Le directeur général d’Aix-Marseille French-Tech veut ainsi créer une sorte de DreamHack métropolitaine, qui prendrait place en janvier 2019 à l’Aréna. « Il s’agirait d’un événement phare de dimension internationale qui se tiendrait tous les ans, avec des événements satellites semi-professionnels et amateurs », précise-t-il. Ce projet, porté par Stéphane Paoli, adjoint de la ville d’Aix délégué au numérique et Daniel Sperling, son homologue marseillais, coûterait entre 500 000 € et 1 million € à mettre en place. Sur le modèle de la DreamHack, qui commercialise ses places entre 45 et 159 €, Stéphane Soto espère de fortes retombées. « L’événement s’autofinancerait et dans l’idéal, amènerait quatre ou cinq entreprises à s’installer sur le territoire. Pour créer, dès septembre 2019, une filière de formation. »
Et sur le secteur de la formation, c’est Arles qui fait office de leader. Lors de la Maximus Cup qui a eu lieu en décembre dernier au Palais des Congrès d’Arles, le premier événement e-sport à vocation internationale qu’organisait la ville, la CCI Pays d’Arles a annoncé le lancement de la première formation certifiée pour l’encadrement et le management du sport électronique. Unique en France, cette formation est encadrée par des professionnels reconnus mondialement et mise en place par le Cipen, le Cluster d’innovation pédagogique et numérique. La première session de cette formation aura lieu ce mois-ci, durera cinq jours et accueillera 140 personnes. La CCI d’Arles a également annoncé la création d’un centre de recherche expérimental sur les applications et l’économie du sport électronique.
Le e-sport, qu’est-ce c’est ?
Le sport électronique désigne la pratique sur internet d’un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d’un ordinateur ou d’une console de jeux vidéo. L’essor de l’e-sport commence à la fin des années 1980 avec les premiers jeux en réseau multijoueurs et sur internet. Bien que tous les jeux vidéo supportant des parties en multijoueurs sont susceptibles de faire partie du sport électronique, seul un nombre restreint le compose : Fifa, Call of Duty, Counter-Strike, League of Legends, Starcraft2, etc.