Humeur belliqueuse
Il ne faut pas inviter le sénateur maire de Marseille le matin. S’il ne perd rien de sa faconde, il a l’humeur belliqueuse. L’équipe de Patrick Cohen a pu le constater. Sur France Inter, Jean-Claude Gaudin n’a pas beaucoup aimé qu’on le chatouille sur sa manière de gouverner sa ville. D’abord il n’aime pas « Chouf » le film de Karim Driddi très bien reçu par les critiques et les spectateurs. Le maire ne l’a pas vu mais il l’accuse de participer à ce qu’il assimile à un « Marseille bashing » en décrivant, la misère, la drogue, le banditisme qui collent à la peau de certaines cités. Au passage, il reproche à sa collègue du Sénat Samia Ghali de ne pas habiter le 8ème secteur qu’elle défend bec et ongles. Dans cet échange à distance, la sénatrice maire de secteur, a répondu via Patrick Mennucci notamment, que lui, Gaudin, n’habitait même pas dans le département qui l’a fait roi. Ambiance. Pendant ce règlement de compte, les hostilités continuent à endeuiller les quartiers et les deux parlementaires ont beau vociféré, Marseille perpétue une image que le cinéma et les médias ne font finalement que dupliquer.
Moraine frontale
Une moraine est un amas de débris rocheux repoussé par un glacier. A Marseille, elle peut être frontale. Yves Moraine (photo) porte bien son nom. Le maire des 6 et 8 vient d’adresser une lettre courroucée au préfet Stéphane Bouillon parce qu’il avait appris sur les réseaux sociaux que des familles de la fameuse jungle de Calais pourraient prochainement être accueillies dans des appartements de l’Adoma à Vieille Chapelle. Le haut fonctionnaire a fait savoir lui, qu’il avait évoqué l’hypothèse dans plusieurs réunions. Et Emmaüs Pointe Rouge, en partie concernée par la nouvelle, n’a pas caché son désappointement après la sortie de l’élu. Moraine a beau développer son argumentation en évoquant de possible réaction violente de certains de ses concitoyens, on peut le soupçonner d’avoir d’abord rejoint la posture de Nicolas Sarkozy refusant ici et ailleurs la solidarité à ceux que la guerre, les exactions ou la famine ont jeté sur les routes. Sur les vitrines du Mucem, on peut lire en plusieurs langues dont l’arabe : « Devant les persécutions toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays » Faut-il effacer l’article 14 des Droits de l’Homme de la façade du musée le plus fréquenté de Marseille et sa région ? Et glacer nos visiteurs.
Sous le Borsalino
Invité des journées Boris Cyrulnick, l’écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière a rappelé qu’il était l’auteur du script de Borsalino, film dans lequel Alain Delon et Jean-Paul Belmondo régnaient dans les années trente sur le Panier et la pègre. Mais dans cette ville qu’il aime et dans laquelle il participera cette semaine au festival du cinéma ibérique, Carrière s’est immiscé dans un débat qui bouscule la France des Lumières depuis que Zemmour, Buisson et autres Soral s’en sont saisis sans pincettes. Il a parlé « identité ». A rappelé à ceux qui ont oublié nos racines latines que le mot contenait la notion d’identique (Idem). Et il s’est amusé de constater que nos cartes d’identité précisaient une autre exigence. Celle de révéler nos « signes particuliers ». Ainsi vont la France et les Français : ils partagent une même identité avec une multitude de signes particuliers. On espère que ce nécessaire rappel fera carrière.
L’éclairage du Mucem
[pullquote]Le Mucem en ces temps de repli et de pensées recroquevillées a été un phare.[/pullquote] « Il est sous le regard anxiogène de la Méditerranée. Cette couleur bleu outremer, argenté lorsqu’il y a du vent, sombre le soir, très lumineux la journée… Enfin, on voit bien que ce paysage changeant questionne l’architecture et ne peut que la mettre en difficulté. » Ainsi parlait Rudy Ricciotti à propos de son œuvre le Mucem. On peut comprendre la féconde anxiété de l’architecte mais on se doit de lui dire aujourd’hui qu’il a enfanté d’un être de béton éminemment vivant. Sans doute la lumière y est pour beaucoup mais ceux qui le font vivre y apportent tous les jours une âme. Parmi ceux-là un voisin varois Boris Cyrulnik qui, avec son complice de Planète Emergences Gérard Paquet a rendu nos heures plus intelligibles, plus riches, plus généreuses. Le clinicien psychiatre, attentif au dit et au non-dit à l’émergé comme au souterrain, a animé deux journées d’une folle acuité. L’auditorium Germaine Tillon et son annexe étaient bondés. Un voyage immobile sur une mer déchaînée, celle de l’intelligence active. Le Mucem en ces temps de repli et de pensées recroquevillées a été un phare. Que ces gardiens, Jean-François Chougnet et Thierry Fabre, en soient remerciés.
Vauzelle un peu gauche
[pullquote]Où l’ancien président de la Région Paca conseille aux électeurs de gauche d’aller voter pour Sarkozy.[/pullquote] Nous sommes nombreux dans ce beau pays de France à avoir préféré le François Mitterrand littéraire au François Mitterrand politique. Son « écriture lente » selon une de ses belles formules balayait à merveille les paysages humains ou géographiques qu’il embrassait de toute sa passion masquée. Machiavel qui vivait aussi en lui, était, il faut le dire moins séduisant même si son talent meurtrier a fait si longtemps ses preuves. L’Obs publie dans sa dernière livraison quelques une des lettres à sa dame de cœur – Anne Pingeot, la maman de Mazarine – qu’a rassemblées Gallimard. L’homme et la plume s’y révèlent encore dans toute leur complexe évidence. Mais ce n’est pas ce dernier qui semble avoir inspiré un des lointains conseillers de l’Elysée, Michel Vauzelle. C’est le Mitterrand mâtiné de Defferrisme qui lui a fait pianoter un tweet où l’ancien président de la Région Paca conseille aux électeurs de gauche d’aller voter pour Sarkozy à la primaire des Républicains pour faire barrage à … Juppé que l’on craint en terre d’Hollande. Mitterrand eut aimé la manœuvre sans doute, qui réduit désormais le parti de Jaurès à un mythe errant.
Le bonheur des uns
Maryse Joissains trépigne de ne pouvoir dès à présent inaugurer son Arena. Une arène sportive qui pourra accueillir dans un an plus de 8 000 spectateurs et verra ainsi le hand-ball, sport désormais vedette au pied de sainte-Victoire, triompher dans des conditions que beaucoup d’équipes lui envieront sans doute en France et au-delà. Avec des jauges variables, le bâtiment pourra aussi accueillir des spectacles et autres manifestations. La ville complète ainsi ses infrastructures – culturelles notamment – et offre une somme d’équipements que seule Nice ou Montpellier peuvent lui disputer. Le fossé se creuse d’autant plus avec Marseille qui, si l’on tient compte de sa population intramuros – 800 000 Marseillais contre 150 000 Aixois – a pris quelques décennies d’avance. La métropole ne comblera pas la béance. Au moins dans l’immédiat. Reste à souhaiter que les mondes de la culture et des sports retissent des liens que les édiles se sont escrimés à défaire depuis plus d’un siècle. L’université avec Festiv’amu a montré en ce début octobre qu’il était temps de ne plus insulter l’avenir et d’associer les talents plutôt que de les opposer.