Le plus grand Institut euroméditerranéen de lutte contre les maladies génétiques doit voir le jour à Marseille début 2020, sur le site de la Timone. Un projet dont l’ouverture est mise en péril. Le désengagement de l’AP-HM est montré du doigt.
« Une erreur funeste ». Ce sont les mots employés par l’ancien ministre de la Santé, ancien député des Bouches-du-Rhône et généticien, Jean-François Mattei pour qualifier l’abandon du centre de recherche médicale et de soin lors de la conférence de presse du mardi 23 janvier, organisée à l’Institut des maladies génétiques Imagine à Paris. « Abandonner Giptis, c’est un recul de trente ans pour la génétique moderne et l’innovation en santé », a-t-il déclaré. Car c’est à Marseille qu’est née la génétique médicale moderne avec les précurseurs, les professeurs Giraud et Mattei, puis le professeur Lévy. « Avec le projet Giptis, l’idée est de créer un véritable axe nord-sud, explique Céline Hubert, la co-fondatrice. La génétique s’est structurée dans les grands CHU de France selon le modèle marseillais. »
Le projet aujourd’hui menacé était pourtant bien ficelé. « Nous l’avons initié en 2015 avec la mise en œuvre d’une consolidation juridique et économique du modèle, développe Céline Hubert. Avec le cabinet Deloitte, la Caisse des dépôts et des acteurs bancaires, nous avons travaillé le volet immobilier pour rendre le projet solide, attractif et finançable. » La clé de ce modèle économique : la mixité des financements, privés et publics. « Le tout public, c’est terminé. Le privé est là pour appuyer la puissance du public. » Et selon elle, cette mixité des financements déplaît à l’AP-HM. « C’est un choc idéologique. L’AP-HM a soutenu le projet jusqu’en 2016 avant de faire machine arrière. »
Des retombées économiques chiffrées à 73 millions d’euros
Après 15 mois de dialogue, l’AP-HM revient sur son engagement pris en 2015 d’attribution du foncier sur lequel le projet repose. « L’AP-HM, de par sa situation économique très dégradée, est réticente à engager un tout nouveau projet, poursuit Céline Hubert. Mais Giptis ne l’engage ni juridiquement ni économiquement ! Pas un seul euro. Pourtant, elle est frileuse à imaginer un nouveau modèle d’attractivité et d’innovation qui lui serait pourtant bénéfique. » Parmi les avantages : l’amélioration des conditions d’accueil des malades et d’exercice des professionnels, l’augmentation de l’activité et donc de revenus pour l’institution. Car Giptis permettrait des retombées estimées à 73 millions d’euros, issues des entreprises de biotechnologies sur le territoire et de créer un grand nombre d’emplois.
L’AP-HM devait donc céder à Giptis la parcelle sur laquelle se trouve la pharmacie de la Timone, un bâtiment ancien et amianté, dont le dimensionnement n’est plus adapté à l’hôpital. Mais l’institution ne fait rien pour déménager son officine et lui trouver un nouvel emplacement. Pourtant, l’heure est à l’urgence. Le calendrier originel fixait l’ouverture de Giptis au début de l’année 2020, avec la pose de la première pierre en septembre 2018. Evidemment, les plans ont changé. Mais plus grave qu’un simple retard de livraison : il reste à Giptis seulement trois mois pour ne pas passer à côté du plan Junker, une enveloppe européenne de 22 millions d’euros (sur les 55 millions que coûte l’acquisition de la parcelle), auquel le projet est éligible. « Si on ne soumet pas le dossier à la BEI, la banque européenne d’investissement en avril, on perd ce financement », enrage Céline Hubert.
Le projet Giptis pourrait être délocalisé
En outre, Marseille risque de se faire doubler. « Une ville de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ainsi qu’une ville d’une autre région ont montré un intérêt », évoque-t-elle, sans vouloir nous en dire plus. Mais l’objectif de Giptis est de créer un réseau des pays méditerranéens. Alors Céline Hubert ne perd pas espoir. Lors de la conférence de presse de mardi 23 janvier, la fondatrice a interpellé la ministre de la Santé Agnès Buzyn. « Nous sommes convaincus que Giptis correspond à sa stratégie de santé. Ce décloisonnement entre recherche, biologie et soin, on sait que ça fonctionne. Le cancer nous l’a montré : à présent on en guérit un sur deux. Les maladies génétiques suivront le même chemin. La génomique bouleverse la médecine et la France doit amorcer ce virage. »
Pour les créateurs du projet, les collectivités locales sont la solution. « Les pouvoirs publics doivent venir en soutien de l’AP-HM pour leur faire comprendre que ce sillon est le bon. Le déménagement de la pharmacie coûterait 7 millions d’euros. Pour ces 7 millions, on risque d’en perdre 73. Les collectivités locales étudient des solutions et dans les prochaines semaines, nous espérons réamorcer un dialogue constructif avec l’AP-HM. »
Giptis, grand institut de génétique devait être créé à La Timone. Il se heurte au blocage de la direction du CHU. #GIPTIS2020 #CreonsGIPTIS
Signez la pétition : https://t.co/UW6vH1MBtO pic.twitter.com/S01iu12eEv— Fond. maladies rares (@fdmaladiesrares) 23 janvier 2018
Sur la voie du dialogue ?
Pas sûr pourtant que celle-ci soit sur la même longueur d’ondes. Dans un communiqué diffusé mardi 23 janvier (lire l’intégralité ci-dessous) à la suite de la conférence de presse sur le projet Giptis, l’AP-HM concède : « L’AP-HM soutient depuis longtemps les travaux de recherche en génétique du Pr Nicolas Lévy et a accueilli favorablement le projet Giptis car elle est bien consciente de l’importance de ce projet pour la ville de Marseille et les malades souffrant de maladies génétiques. » Dans le document, l’AP-HM évoque son plan de modernisation de 300 millions d’euros incluant, entre autres, la restructuration de sa pharmacie hospitalière à la Timone. « Dès lors que ces projets d’investissement seront approuvés et financés, l’AP-HM confirme sa disponibilité pour procéder avec tous les partenaires scientifiques, institutionnels, financiers à une étude de faisabilité du projet Giptis. »
Et de poursuivre avec une longue liste de documents que cette étude suppose : évaluation scientifique du projet, validation hospitalière, dérogation acceptée au plan stratégique de l’AP-HM, expertise du modèle économique actuel et futur de Giptis, dispositif d’évaluation du projet à moyen et long terme, rédaction d’un accord entre tous les partenaires, choix d’une assise foncière du futur bâtiment dédié à Giptis et d’un lieu de reconstruction de la future pharmacie hospitalière. « Tous ces documents sont sur le bureau de Jean-Olivier Arnaud (directeur de l’AP-HM ndlr) depuis de longs mois », soupire Céline Hubert.
Giptis, un espoir pour la communauté pédiatrique et les associations de malades
Les soutiens ne manquent pas et les éloges pleuvent. Pour la professeure Brigitte Chabrol, chef de pôle en pédiatrie à l’hôpital de la Timone Enfants, il s’agit « d’un projet ambitieux, avec une vision polyvalente et pluridisciplinaire, d’un apport unique permettant de faire de la recherche, des études génétiques, de mener des essais thérapeutiques, le tout centré autour du malade : les enfants et leurs familles. » Car l’objectif de Giptis est clair : améliorer les conditions de vie de ces enfants. « On peut changer l’histoire naturelle de ces maladies, limiter le handicap, les dégradations, voire les décès au cours de l’enfance. Ne pas voir aboutir ce projet serait une grande déception pour la communauté pédiatrique. » Que dire alors des trois millions de malades, dont 60% sont des enfants ? « C’est un nouvel espoir, un nouvel élan », évoque Nathalie Triclin-Conseil, présidente d’Alliance Maladies Rares, un collectif de 200 associations. Trois enjeux pour les malades : la fin de l’errance diagnostique, qui dure quatre ans pour un quart des malades ; l’avancée de la recherche et donc l’arrivée de traitements, et l’amélioration du quotidien des malades.
Document source : Le communiqué de l’AP-HM
Le communiqué de l’AP-HM à propos du projet Giptis. by GometMedia on Scribd
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