Une fois n’est pas coutume, Nicolas Sarkozy bande les muscles. Il vient de faire son retour il y a seulement quelques heures – sur Facebook, le détail a son importance -, et offre déjà à ceux qui veulent bien l’entendre le visage d’un homme… qui n’a pas changé. Celui d’un Sarkozy vantard, roublard, celui là même qui a lassé les électeurs deux ans auparavant lors de sa défaite à l’élection présidentielle : « Mon audience sur Facebook fait le double de celle de la conférence de presse de Hollande et en une seule journée j’ai gagné plus de nouveaux amis que le total de ceux de Juppé et Fillon réunis », ironisait alors le tout frais candidat à la présidence de l’UMP, dans une interview au JDD.
L’annonce en avait choqué certains. Un ancien président qui, avant un JT, se dévoile sur un réseau social… Du jamais vu sous la Ve République. Il n’en fallait pas plus pour que d’autres invoquent le « populisme » de la démarche, quand Facebook permet justement d’établir un lien « direct » avec les électeurs. Nicolas Sarkozy, en animal politique qu’il est, avait bien saisi l’importance de son audience sur Facebook : « J’ai un million d’amis sur Facebook et je compte bien m’en servir », se vantait-il encore.
Depuis son départ de l’Élysée en 2012, l’ancien président s’est d’ailleurs servi à plusieurs reprises de ce canal pour réagir à l’actualité. Un bon moyen de tester sa popularité. Pourtant, l’ancien président de la République ne maîtrisait tout simplement pas le fonctionnement de sa propre page Facebook il y a encore quelques mois ! Et ne saurait pas envoyer un mail… Dans son livre co-écrit avec feu Philippe Cohen, « C’était pas le plan », paru récemment chez Fayard, la journaliste du Point Laureline Dupont retranscrit cet échange mémorable avec Isabelle Balkany, intime de Nicolas Sarkozy, qui témoigne du peu de dextérité de son ami pour ce qui concerne Internet :
« Madame (Balkany, ndlr) joue les vigies du Web pour son ‘copain’ qui, selon certains membres de son premier cercle, peine encore à envoyer un mail », écrit la journaliste, page 84 de l’ouvrage. Qui poursuit en citant l’élue de Levallois : « Nicolas a beaucoup d’admiration pour les gens qui manient les nouvelles technologies. Il ne sait pas aller sur Internet, c’est Carla qui y va. Même Patrick sait aller sur sa page Facebook, il écrase Nicolas de sa science ». Alors la famille Balkany appelle gentiment Nicolas pour lui raconter ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux…
Mais tout ça, c’était avant. Désormais, Nicolas Sarkozy bichonne ses amis Facebook. Il est incollable. Et veut même récompenser celui qui sera le symbolique millionnième à « liker » sa page. À la clé, une surprise, peut être un moment en tête avec « Nicolas », autour d’un café ou même d’un déjeuner. L’équipe de campagne se creuse encore la tête. Tout est fait, en tout cas, pour élargir la base de fidèles. Outre la galaxie des autres réseaux web lancés par les proches de l’ancien président – e-sarkozystes.fr, Génération Sarkozy, Nicolas Reviens… – cet effort témoigne d’une volonté de rassemblement. On le sait, ceux qui likent ne sont pas forcément des militants de la première heure, mais ils accréditent l’idée d’un mouvement de masse favorable au retour de l’ancien chef de l’État.
Une stratégie 2.0 mais aussi quelques ratés
Preuve de ce nouvel engouement pour Internet côté sarkozyste, le site de campagne du candidat, qui s’apparente à une véritable machine de guerre. Design impeccable, formulaire à télécharger pour parrainer Nicolas Sarkozy dans la course à l’UMP, appel aux dons, calendrier des meetings… Mis en ligne le 22 septembre, il permet également de suivre en direct sur Youtube les meetings du candidat à travers la France. Comme à Marseille, salle Vallier, ce mardi 28 octobre.
En pleine tournée dans le Sud de la France – il y eut Toulon puis Nice où il adopta un discours ferme sur l’immigration – Nicolas Sarkozy a répété les grandes lignes de son programme-rénovation pour l’UMP. D’abord dans un discours d’introduction, derrière un pupitre et non plus assis dans un fauteuil comme précédemment, puis dans un échange questions / réponses avec le public… mais aussi les internautes. La première question posée à l’ancien président fut donc celle de Laurent, un père de famille touché par la baisse du quotient familial.
“On ponctionne le pouvoir d’achat des familles, mais on trouve de l’argent pour augmenter l’Aide Médicale d’Etat” #NSMarseille
— Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) 28 Octobre 2014
Mais à plusieurs reprises, la connexion Youtube saute. En moyenne, il n’y a pourtant qu’entre 300 et 800 visionnages en direct. Sans oublier le micro, qui grésille fortement au début du meeting… On est loin des sonos et des réalisations dernier cri de la dernière campagne présidentielle. Après le scandale Bygmalion, l’heure est au low-cost, quitte à provoquer quelques ratés. Des bugs que n’ont pas manqué pas de souligner les internautes taquins, notamment sur Twitter :
Bon, j’ai ma réponse, merci quand même @RenaudCreus. #tweetprécédent #NSMarseille pic.twitter.com/DVTauAlElf
— Ellen Salvi (@ellensalvi) 28 Octobre 2014
Juste après la première alerte #SarkopipoTour, le streaming se met à planter. COMPLOT #NSMarseille
— Baptiste Bouthier (@B_Bouthier) 28 Octobre 2014
On aura tout de même eu le temps d’entendre, après ceux de Renaud Muselier, Bruno Gilles et la plupart des élus UMP du département, le soutien réaffirmé du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin pour l’ancien président de la République. Les acclamations du public lorsque Nicolas Sarkozy dénonce l’insécurité (« L’insécurité est hors de tout contrôle car le laxisme est érigé comme politique pénale »). Ou bien encore les sifflets lorsqu’il évoque « ceux qui ne travaillent pas ».
Et pour répondre à ceux qui l’accusent de droitiser son discours en reprenant les fondamentaux de la méthode Buisson – frontières, immigration, identité -, Nicolas Sarkozy a balayé d’un revers de main : « La question n’est pas de savoir si on est plus à droite ou moins à droite, mais si on va écouter le peuple de France dans sa vérité, sa lucidité ». Il a aussi prévenu : « Il ne s’agit pas de la droite, il s’agit de la France. Cette grille de lecture (de ses adversaires, ndlr) vise à nous caricaturer. Laissez les commentateurs commenter. Comme toujours ils comprendront avec retard… ». Cette fois-ci, malheureusement, c’était aussi la connexion Internet qui était responsable.
(Crédit photo : capture d’écran meeting NSMarseille sur Youtube)