Face au plan économique de la direction qui veut abandonner prochainement le raffinage de sucre de canne dans leur site de production, les syndicalistes CGT, FO et CFDT de Saint-Louis Sucre à Marseille ont planché sur un projet alternatif. Une délégation CGT devait le présenter mercredi 17 juin au ministère de l’Agriculture.
« Nous appelons à un moratoire pour mettre un temps d’arrêt à la fermeture », déclare Hélène Honde, membre du syndicat majoritaire, la CGT. C’est que le temps est compté. La direction devrait en effet enclencher son plan de licenciement dès le 1er juillet prochain. La déléguée syndicale ajoute même que « c’est une question d’indépendance alimentaire de la France ». Il faut rappeler que l’usine Saint-Louis Sucre, implantée depuis 1853 à Marseille dans le quartier dont elle porte le nom (15e arrondissement), est le dernier site de raffinage de sucre en France.
Contexte, retour sur l’origine du conflit
Cette situation est due notamment à une modification de l’organisation commune du marché du sucre. En effet, jusqu’à aujourd’hui, l’UE garantit un régime de quotas de production par pays membres et des prix de soutien. Concrètement, cela veut dire que les pays membres ont l’autorisation de baisser considérablement leur prix afin d’écouler leur stock sur le marché européen.
Mais ce système a été remis en cause par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui accuse l’Union européenne de dumping social et oblige depuis 2006 les producteurs de sucre européens à limiter leurs volumes d’exportation.
Après de nombreux reports, l’UE a cédé et annoncé la fin de la réglementation sucrière européenne en 2017. Une libéralisation du marché européen qui annonce « de mauvaises perspectives » selon la direction de Saint-Louis Sucre.
Plan économique de la direction cs projet alternatif des salariés
Décisions de la direction en janvier 2015 :
- abandon du raffinage de sucre de canne
- conserver uniquement une activité de conditionnement de sucre de betterave
- besoin que de 50 employés sur les 129 actuellement à Saint-Louis Sucre.
Éléments du projet des syndicats :
- augmenter le volume de sucre, car la demande existe (en France, en particulier dans le sud, les pays du sud de l’Europe et même le Maghreb et l’Afrique noire, autrefois clients de l’usine)
- maintient des emplois
- pas de coût supplémentaire, car les outils sont déjà présents
« Une alternative est possible »
Du côté de la direction, la justification de cette décision réside dans le fait que les prix ont chuté dès l’annonce de l’échéance par l’UE. De plus, raffiner le sucre de canne coûterait 150 euros de plus que la tonne de sucre de betterave.
Pour les syndicats, les deux produits sont complémentaires. « C’est comme les huiles, il y a l’huile d’olive et il y a les autres. Les pâtissiers par exemple préfèrent le sucre de canne, il faut donc continuer à le proposer », répond Aurélie Mascarin, une autre syndicaliste CGT. À l’argument selon lequel le sucre de canne coûte plus cher, les syndicalistes ne le démentent pas. « Oui la période est compliquée, mais il y a eu beaucoup de bénéfices ces dernières années, ajoute Fabien Trujillo. Les actionnaires ont empoché 800 millions d’euros de dividendes en 6 ans ».
Un salarié affirme même que les mauvais chiffres sont dus à la réduction du temps de travail. Il se demande même si le recentrage sur la production de sucre de betteraves ne serait pas un calcul pour affaiblir le site marseillais. Le sucre de betteraves est en effet jugé de moins bonne qualité que le sucre de canne. Saint-Louis Sucre est une filiale du groupe allemand, Südzucker, qui détient en dehors de l’usine marseillaise, deux autres usines en Europe et une autre hors du contient. Remis depuis deux semaines, la direction n’a pas encore réagi officiellement au projet des salariés.
À présent, ils s’en remettent aux politiques pour qu’ils se mobilisent afin de sauver la dernière usine de raffinage de sucre en France. Pour leur projet, les salariés ont fait appel au cabinet d’expert-comptable à Paris qui avait travaillé pour le cas de Fralib. Ils souhaitent, pour l’emploi local et le maintien de l’industrie dans les quartiers Nord de Marseille, que leur projet soit pareillement traité par les leaders politiques.