À tout juste 30 ans, Laurent Courbard est passionné par le nectar des Dieux. Une passion qu’il partage avec les vignerons qu’il représente en exclusivité. À la tête de son agence marseillaise Prestiges de France, créée en 2009, le “jeune” négociant propose aux professionnels de la gastronomie, cavistes, cafetiers et hôteliers, sa sélection d’une vingtaine de vignobles, vins, champagnes et spiritueux de toute la France. Le 14 novembre dernier, il organisait au château de la Pioline, à Aix-en-Provence, la deuxième édition du salon Prestiges de France où se sont rendus plus de deux cents d’entre eux, venus découvrir et tester à l’aveugle ses pépites. Car pépites il y a !
S’ils ne sont que vingt, présents au château de la Pioline, c’est parce que Laurent Courbard a pour « seul critère de sélection, ce que je ressens lorsque je déguste un vin. En rapprochant ainsi vignerons et acheteurs professionnels, c’est un gain de temps immense pour nous tous, mais c’est aussi l’occasion de créer du lien, une connexion entre la production et la consommation, et cela m’importe tout autant. », commente-t-il. Nous sommes loin des grandes foires aux vins et la plupart des noms de domaines nous est pratiquement inconnue mais l’organisation et la sélection sont à la hauteur des attentes de professionnels. Des dégustations qui mettent en lumière ces petits producteurs, venus des quatre coins de France, qui travaillent dans les règles de l’art, en biodynamie ou en haute valeur environnementale (HVE). Comme en témoigne la famille Brotons, propriétaire récoltant du Clos de l’Ours depuis seulement 2012 : « À Cotignac (Haut Var) les journées sont chaudes et les nuits sont fraîches, alors nous laissons la nature faire son œuvre. Nous essayons juste d’accompagner le raisin ». Sur cette propriété de 13 hectares, tout est fait à la main, seules 60 000 bouteilles sont produites, en rouge, blanc et rosé et « même un second rouge, l’Ursus, à 90% de Syrah, produit en très faible quantité uniquement les années exceptionnelles car c’est sur une toute petite parcelle. » Mais au Clos de l’Ours, il n’y a pas que le rouge qui change l’appréhension des Côtes de Provence. Le rosé Grizzly, élaboré à partir des cinq cépages du domaine – cinsault, carignan, mourvèdre, syrah, grenache – et de rolle, selon toujours des méthodes de vinification simples et traditionnelles permet de renouer avec un symbole de la Provence, victime du cliché d’un apéritif au soleil… C’est ainsi que le Clos de l’Ours Grizzly 2015 est un vin complexe, réussi, qui demande à être accompagné et merveilleusement aromatique.
Pour Laurent Courbard : « On assiste à quelques changements dans la consommation qui, bien sûr, impactent la production. Cet été, par exemple, la demande de blanc est montée en puissance alors que celle de rosé a diminué. C’est une tendance qui va certainement se poursuivre et s’accentuer dans les années à venir. » Plus globalement, y-a-t-il eu un effet Brexit ? « S’il y a une baisse générale de la consommation, cela ne touche pas les vins de qualité et je suis très confiant car “mes petits” vignerons font ce travail de qualité. D’autant que la gamme proposée est suffisamment large en prix et restreinte en production (*). » Et au Domaine Lafran Veyrolles, de La Cadière d’Azur, de confirmer que « le Brexit va toucher les gros importateurs mais nous, on se maintient car nos exportations vont surtout en Asie, principalement au Japon, également en Suède, en Allemagne et un peu aux États-Unis. »
La cuvée Abysse remontée des eaux
Autre événement dans l’événement : la présentation et la dégustation de l’Abysse, ce Blanc de Blanc grand cru de la maison Hostomme qui a fait l’actualité du monde viticole ces derniers mois, en remontant à la surface après être resté une année par 60 mètres de fond, au large de l’île d’Ouessant. « Lorsque nous avons immergé 500 bouteilles de l’une de nos prestigieuses cuvées à cet endroit où la mer est agitée, avec 6 kilos de pression, nous ne savions pas du tout à quoi nous attendre, raconte Laurent Hostomme. Si nous sommes satisfait de l’évolution, c’est une expérience particulière qui depuis est copiée, mais il faut que cela reste anecdotique. » Pour preuve de bonne entente, sur les 500 bouteilles, Laurent Courbard en a obtenu 180 à commercialiser dont 120 étaient réservées en amont de la manifestation. Étonnant, en effet, le côté iodé du début qui laisse place, par la suite, à toute la plénitude du terroir de Chouilly (Marne) d’où est originaire ce pur chardonnay à la minéralité séduisante et sans avoir perdu de son effervescence. Et pour ceux qui n’auraient pas pu obtenir une des dites bouteilles, sachez que 500 autres ont été à nouveau mises à la mer.
Prestiges de France… et d’ailleurs
Pour la première fois, Prestiges de France a accueilli un pommiculteur canadien venu présenter son singulier cidre de glace biologique Eros. « Pour moi aussi c’est une première de venir en France, précise Emmanuel Maniadakis. Il y a la tradition du vin de glace en Ontario mais absolument pas comme nous faisons. Mes pommes gèlent naturellement sur l’arbre avec le climat québécois. De plus, j’ai choisi la culture biologique, ce qui est beaucoup plus compliqué chez nous justement à cause de la météo. Tout le monde me disait que ce n’était pas possible mais étant devenu moi même allergique, soit je trouvais la solution, soit j’arrêtais. » Un vrai défi qu’Emmanuel Maniadakis a relevé avec succès en mettant au point une méthode sans pesticides, herbicides ni engrais chimiques, qui lui vaut désormais la curiosité d’autres pommiculteurs. « Ma récolte dépend du froid, il faut au minimum -10°C mais avec -30°C, c’est mieux ». Pressées sous 350 bar de pression, les quinze variétés de pommes bio entament alors leur douze mois de fermentation, suivis de douze mois de conservation sur lie. L’élaboration du cidre se fait toujours sur place, sans aucun reluverage, ni aucun autre entrant, pas de filtration, pas d’antioxydant, pas d’acidification, ni de chaptalisation. Cela va durer 24 mois, « ce qui représente un grand risque » concède Emmanuel Maniadakis mais le résultat est délicieux !
Prestiges de France, c’est aussi un club de dégustation dans lequel on ne peut y entrer que par parrainage et où il faut prouver son intérêt pour le vin. « On se réunit chez des restaurateurs autour d’un thème sensoriel. Le prochain rendez-vous est le jeudi 8 décembre à l’Hostellerie de la Crémaillère, à Carnoux pour une soirée sensorielle autour des accords entre vins et musique classique. » Et à Laurent Courbard de conclure : « La vigne est vivante et la main de l’homme l’accompagne. J’aime cette vérité ».
Informations complémentaires
> Prestiges de France – 10, place de la Joliette – Les Docks Atrium 10.6 – Marseille 2e
> Tél : 04 91 13 46 21> Les prix publics des vins représentés par Prestiges de France vont de 7 à 200 euros, la plupart entre 20 et 50 euros.