Il a eu peur. Mais sa foi, identique en bien des points à celle de son ami Jean-Claude, l’a aidé. Si Gaudin se ressource régulièrement au Vatican, c’est en terre promise que Jean-Noël Guérini a trouvé son Graal. Un chapelet qui ne le quitte jamais et avec lequel il a jeté des sorts sur sa famille politique. Mais on ne comprend rien à l’âme corse, si on oublie une donnée fondamentale ; Guérini, comme tous ses compatriotes, n’a en fait qu’une famille. Elle raconte le début de son histoire, à Calenzana, d’où, avec les siens, il a fallu partir juste après la guerre, puisque le seul futur possible était dans l’unique capitale des Corses : Marseille.
[pullquote]Il avait cinq ans lorsqu’avec quelques maigres bagages il rejoint le Panier.[/pullquote] Il avait cinq ans lorsqu’avec quelques maigres bagages il a rejoint avec ses parents, l’oncle d’Amérique ou plutôt du Panier, Jean-François Guérini. Un tonton élu depuis 1951 – l’année de naissance de Jean-Noël – sous la bannière defferriste, dans ce quartier du Panier aux rues aussi tordues que les histoires qui s’y trament. Autodidacte revendiqué, Jean-Noël a dès lors connu une ascension discrète et continue. Réélu régulièrement dans son canton des Grandes Carmes, il y connait chaque visage ami et reconnait chaque regard hostile. Il a toujours blanchi son nom de toute parenté douteuse, en réfutant quelque branche possible sur l’arbre généalogique d’Antoine Guérini, réputé dernier des parrains, exécuté en 1967. Il aura du mal en revanche plusieurs décennies plus tard à se défaire des liens étroits qui l’associaient en tant que « malfaiteur », selon la justice*, à Alexandre, son turbulent frère cadet. Ce dernier a il est vrai abusé bruyamment des réseaux qui avaient si bien servi jusque-là à l’aîné des Guérini, des HLM à Véolia.
[pullquote] Guérini rêvait pourtant d’une fin de règne apaisée.[/pullquote] Président depuis 1998 du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini n’en démord pourtant pas « si je m’appelais Dupont vous croyez qu’on m’aurait traité ainsi». Guérini rêvait pourtant d’une fin de règne apaisée. Il régnait sur bien des communes du département en saupoudrant habilement les subventions et, selon la chambre régionale des comptes, en gérant en bon petit père de famille l’argent du 13. Il tenait à distance l’appétit Marseillais tout en partageant quelques mignardises avec son ami Jean-Claude. Il ne craignait rien de ses adversaires socialistes dont il était capable d’écrire chaque CV au détail près. Son visage s’était pourtant épaissi et la moustache n’arrivait pas à redresser une inclinaison circonflexe de ses traits. Moins sanguin que son frère mais aussi colérique, ses traits d’esprit, nourris par quelques lettrés amis (« le ni ni c’est pour les neu neu ») n’arrivaient pas à couvrir la chevauchée fantastique des affaires, à laquelle il aurait sans doute préféré une fugue de Bach, derrière les épaisses murailles de Saint Victor.
Ironie de l’Histoire avant que d’être fustigé et banni par ses anciens amis du parti socialiste, il avait en 2008 fait un temps équipe avec Manuel Valls et Gérard Collomb, le maire de Lyon, pour défendre au congrès de Reims, « la ligne claire ». Aujourd’hui alors que sa Force du 13 a été jetée avec l’eau du bain socialiste, il va enfin goûter, pour un temps, ce train de Sénateur qui n’évite pas la goutte mais ménage le cœur. On ne l’a pas beaucoup vu jusqu’ici au palais du Luxembourg. Il serait étonnant qu’on l’entende.
* Jean-Noël Guérini est mis en examen pour association de malfaiteurs et trafic d’influence dans plusieurs affaires qui ne sont pas encore jugées. Il bénéficie à ce titre de la présomption d’innocence.